Qu’est-ce que la masculinité ?
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1.
En cette époque où les combats féministes ont prédominé, l’homme a parfois du mal à trouver sa place. Qu’est-ce qu’un homme finalement ? Qu’est ce qui le caractérise et qu’est ce qui fait vibrer son cœur ? On peut résumer la réponse en disant que ce qui fait vibrer le cœur de l’homme, c’est « la force», de même que ce qui fait vibrer le cœur de la femme, c’est « la beauté ». Être fort ne veut pas seulement dire être fort physiquement, de même que la beauté pour la femme, n’est pas d’abord la beauté physique. La force de l’homme se manifeste de différentes manières : on peut être solide par l’intelligence, par la force morale, par l’honnêteté, etc.
L’homme a parfois du mal à trouver sa place
Qu’est-ce qu’être homme ? Qu’est-ce que la masculinité ? C’est, dans un sens, normal car il y a eu tout un mouvement pour donner aux femmes leur place, redonner aux femmes une place plus importante et une place juste ; et c’est bon ! Mais du coup, en contrepartie, l’homme a du mal à trouver la sienne. Cela ne devrait pas être le cas car, quand les femmes ont leur bonne place, nous, nous devrions avoir notre bonne place. Mais on est dans une période de transition. Les repères habituels sont donc un peu perdus.
Qu’est-ce qui fait vibrer le cœur de l’homme ?
Psychologiquement, pour savoir qui nous sommes profondément et ce à quoi nous sommes appelés, le signe, le critère, la clé la plus claire, c’est ce qui nous fait vibrer. Et ce n’est pas simplement de la psychologie ; c’est aussi la création de la part de Dieu. Dieu nous a créés avec un cœur capable de reconnaître ce pour quoi nous sommes faits. Le moment où c’est vraiment cela, c’est le moment où notre cœur vibre. Alors, qu’est-ce qui fait vibrer le cœur de l’homme ? Je vais dire un mot, puis ensuite trois mots.
Ce qui fait vibrer le cœur de l’homme, c’est la force.
La force : cela paraît très simple, peut-être trop simple. Ce qui nous fait vibrer, nous les hommes, c’est d’être forts et que d’autres – surtout des femmes – nous disent : « Tu es vraiment fort ». Et ce qui fait vibrer une femme, ce n’est pas exactement la même chose (parfois, cela vaut le coup de comparer un petit peu), c’est : « Tu es belle ». Quand on dit à un homme qu’il est fort, il se sent bien et il se sent en confiance. Pour lui, être fort lui donne confiance en lui-même. Et quand on dit à une femme qu’elle est belle, elle se sent en confiance et elle se sent bien. Elle peut s’appuyer dessus. Bien sûr, nous avons évolué depuis que nous sommes petits, mais regardez ce que l’on dit à un enfant. Quand vous voyez un petit garçon, ou quand vous, vous avez été petit garçon, que préfériez-vous entendre ? « Oh, que tu es beau ! Tu es joli, avec ton petit short et tes petites chaussures et ta coiffure bien peignée ! » Quand on dit cela à un petit garçon, je pense qu’il est content. Mais cela ne le fait pas vibrer. Par contre, si on lui dit : « Tu es vraiment fort ! Tu es vraiment plus fort que Batman ou qu’un cow-boy ! », là il vibre. On voit le regard qui s’éclaire, il se sent en confiance : il part en courant et il fait plein de choses.
Ce qui fait vibrer le cœur de la femme, c’est la beauté.
Pour la petite fille, c’est l’inverse. C’est vrai que, si l’on dit à une petite fille : « Que tu es forte ! Tu es forte comme Batman ! », elle ne va pas être mécontente, mais je ne pense pas que son regard va s’illuminer. Par contre, si on lui dit : « Oh, tu es belle ! », là on peut lui demander ce que l’on veut après : elle le fera. J’ai une nièce et quand j’allais chez ma sœur et mon beau-frère, il y a quelques années, elle avait 4 ou 5 ans. Quand elle savait que l’oncle Étienne arrivait, elle se changeait, complètement, tout ! Elle descendait l’escalier après tout le monde. Ma sœur me disait : « Dis-lui que tu as vu quelque chose, dis-lui qu’elle est jolie car elle attend ce moment ». Et je lui disais : « Oh, tu as une robe de princesse ! » Je suis désolé, les hommes ne font pas souvent cela. Les petits garçons ne vont pas souvent faire cela. C’est cela qui fait vibrer les femmes.
Être fort ne veut pas seulement dire être fort physiquement, c’est plus subtil que cela
C’est vrai que l’on rêve d’être fort physiquement. On rêve de pouvoir faire des prouesses physiques ; on pourrait même dire des prouesses sexuelles aussi, cela fait partie de ce rêve de force. Mais la force est beaucoup plus large. Cela veut dire aussi être fort intérieurement, être intelligent. L’intelligence donne de la force, surtout dans notre société : grâce à notre intelligence, on peut réussir. Cela peut aussi être la force morale : face à une épreuve, je tiens le coup car je suis fort, je suis un homme. Cela peut être la force de l’honnêteté face à une tentation : je suis un homme, je tiens bon, je suis fort. C’est cela, la force.
En fait, être fort veut dire être solide et cela peut concerner différents domaines : l’intelligence, la force morale, l’honnêteté, etc.
Cela ne veut pas dire pouvoir casser des lampes, des planches ou taper. Cela veut dire être solide. Souvent, c’est en rapport avec une femme ou des femmes. C’est être fort pour une femme ou pour des femmes, être capable de les protéger. Une femme a besoin d’être protégée, de se sentir protégée et nous, on a besoin de sentir qu’on est assez fort pour protéger, mais dans tous les domaines, pas simplement physiquement.
De même pour la femme, la beauté n’est pas seulement la beauté physique
Et c’est la même chose pour la beauté de la femme : la beauté veut dire une beauté physique. Toute femme rêve d’être belle, d’être fascinante pour un homme, ou d’être fascinante tout court. Mais ce n’est pas que la beauté physique, c’est aussi la beauté morale : être vertueuse, avoir un beau caractère. Pouvoir dire à une femme : « Tu es belle » la touche. À l’époque où j’avais quand même encore des petites amies (ça commence à faire un peu loin maintenant), je me rappelle disant au début à une fille : « Tu es vraiment jolie », tout ça, donc elle était très contente. Et un jour, je lui ai dit : « Tu sais, je suis amoureux de toi car tu es belle intérieurement ». Elle m’a dit après que c’était la plus belle parole que je lui avais dite. Voilà ce qui nous fait vibrer.
Il y a beaucoup de choses dans la vie auxquelles on pourrait renoncer mais, pour un homme, c’est très difficile de renoncer à être fort, dans tous ces sens-là
Et de même pour une femme, c’est très difficile de renoncer à être belle. Alors, soyons un peu plus concrets. C’est là que viennent les trois autres éléments : c’est 1°/ dans le combat, 2°/ dans l’aventure et 3°/ dans le fait de sauver une belle que l’on va exercer notre force. Ce sont les lieux concrets où l’on va exercer notre force.
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2.
On peut distinguer trois champs d’exercice de la force de l’homme. 1°/ La force s’exerce d’abord dans « le combat » : l’homme est fait pour se battre avec ses problèmes et pour affronter le monde extérieur. Dans le récit de la Genèse, l’homme a été créé là où c’est sauvage et il est d’une certaine manière fait pour être un guerrier.
La force s’exerce dans le combat
Ce n’est pas très politiquement correct, mais fondamentalement l’homme est fait pour se battre. En anglais, on dit « wired to fight » : je suis « câblé » pour me battre. Encore une fois, pas simplement physiquement. On l’est un peu physiquement. Mais pas simplement physiquement. C’est se battre quand il y a un défi. Souvent, les défis nous font vibrer : on aime les défis, on cherche les défis. Cela peut être un sommet de montagne, une marche vraiment très longue ou quelque chose de sportif ; cela peut être un problème mathématique à résoudre. C’est un vrai défi, résoudre un problème mathématique ! Et on va se battre avec ce problème jusqu’à ce qu’on l’ait résolu. Une symphonie à jouer, un film à réaliser... Dans les études ou dans chacun des métiers que vous faites, il y a des types de combats que l’on peut avoir. La sexualité est aussi un lieu de combat.
L’homme est fait pour se battre avec ses problèmes
Je ne dis pas que nous, les hommes, avons plus de désir sexuel que les femmes, ce n’est pas vrai. Mais parfois, cela s’enflamme plus vite et c’est parfois plus difficile à gérer (en tout cas dans le démarrage de ce qui se passe). Là aussi, c’est un combat. Il ne faut pas avoir peur de cela. Ce n’est pas que du péché, un problème... Non ! Le Seigneur nous a faits comme cela ! Cela fait partie de la Création, mais aussi pour que l’on se batte ! Et être un homme viril, masculin, c’est dire : « Oui, je suis comme cela et je vais me battre avec. Cela va être un combat qui pourra durer toute ma vie ou une bonne partie de ma vie, mais je ne vais pas me laisser abattre. Et si je tombe, je me relève. C’est un de mes combats, il est normal et je suis fait pour me battre avec ». Dans la Bible, je ne sais pas si vous vous êtes rendu compte où l’homme a été créé. Genèse 2 : l’homme a t-il été créé dans le jardin d’Éden ? Non. L’homme est créé en-dehors du jardin. Le jardin est un lieu où tout est bien cultivé, tout est bien propre.
Dans le récit de la Genèse, l’homme a été créé là où c’est sauvage
Cela dit quelque chose : nous sommes sauvages. Nous sommes faits pour quelque chose de sauvage. Il y a quelque chose de sauvage dans le cœur de l’homme, et c’est bon. Un homme est fait pour être dangereux. Alors, il y a une époque où cela était très utile, mais c’est encore utile aujourd’hui car on a toujours besoin de se battre dans différentes situations.
Nous sommes faits pour être des guerriers
Je me rappelle que, quand j’étais petit, à Noël, j’avais reçu un costume de Zorro, le héros qui s’habille en noir avec un chapeau, un masque, une cape et une épée. Et j’ai fait comme beaucoup de petits garçons : je voulais porter ce costume pendant deux semaines tous les jours. Le matin, je me levais, ma mère me disait : « Tu mets ce short et ce tee-shirt ». « Nooooon ! Je veux mettre le costume de Zorro ! » et je me promenais dans la maison avec mon costume de Zorro, j’allais dans la rue avec mon costume de Zorro, c’était un peu ridicule. Mais pourquoi ? Je n’étais pas déguisé : j’avais compris que c’était mon identité, car nous sommes faits pour être des guerriers. Un petit garçon qui s’habille en guerrier, c’est son identité, ce n’est pas seulement un jeu. C’est aussi un jeu, mais c’est aussi son identité. Le combat est donc le premier lieu où notre force peut s’exprimer et se déployer.
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3.
2°/ La force s’exerce aussi en un deuxième lieu, qui est « l’aventure ». Nous avons besoin de partir à l’aventure car sans danger, sans un élément de danger, l’homme s’ennuie : c’est vide, c’est fade. L’aventure prend elle aussi bien des formes différentes mais elle nous fait vraiment vibrer même s’il y a forcément un premier combat avec nous-mêmes et avec la peur de s’y engager.
La force s’exerce aussi dans un deuxième lieu, qui c’est l’aventure
L’homme a besoin d’aventure. L’homme a besoin d’un élément de danger. Je ne sais pas combien de personnes ici font du ski, mais un garçon, quand il fait du ski, ne prend pas d’abord la piste verte, puis peu à peu la piste bleue... Non ! Il dit : « Où est la piste la plus raide et la plus dangereuse ? Je la descends à fond et puis je tombe plusieurs fois, mais j’y vais ! » C’est normal. Cela va être la réaction pour la plupart des garçons. De nouveau, l’aventure ne doit pas être prise au sens seulement physique. Là, je prends un exemple physique, sportif mais, encore une fois, de manière encore plus profonde, l’aventure est celle de la vie.
Nous avons besoin de choses qui, dans la vie, nous font partir à l’aventure
Nous avons besoin de choses qui ne sont pas réglées. Des choses qui ne sont pas tout prédisposées, clés en main : on a besoin de choses où c’est nous qui allons défricher le terrain, nous allons ouvrir, comme si on traversait une forêt vierge ou une jungle, mais cela peut être encore une fois dans plein de domaines différents, même dans les domaines les plus raffinés : en musique... On a besoin d’y aller, de créer. Un homme a besoin de laisser son empreinte dans le monde et de faire quelque chose que d’autres n’ont pas fait.
Sans danger, sans un élément de danger, l’homme s’ennuie : c’est vide, c’est fade
Quand j’étais petit, j’avais trois rêves. Mon premier rêve, c’était de conduire une Ferrari. Mon deuxième rêve, c’était de faire l’ascension du mont Blanc, le plus haut sommet en Europe (4807 m). Mon troisième rêve, c’était d’aller dans l’espace. J’ai eu de la chance : j’ai accompli mon premier rêve. Des amis m’ont payé un jour un tour en Ferrari, c’était extraordinaire. Puis il y a quelques années, j’ai eu la chance de pouvoir enfin faire le mont Blanc. J’avais essayé deux fois, on avait dû arrêter à cause du temps. La troisième fois, je suis parti trois jours avec trois amis et on a fait le mont Blanc. Ce n’est pas très difficile techniquement parlant mais c’est dur, c’est physiquement très éprouvant et il y a deux ou trois passages un peu dangereux, et il y a un passage très dangereux où il y a régulièrement des morts (et de fait, le jour où je l’ai fait, une demi-heure avant, quelqu’un est mort sur ce passage). Il y a aussi un passage où l’on marche sur une crête, on est à 4500 m d’altitude et, d’un côté, on a plus de 1000 m de dénivelé et il y a un vent à 130 ou 150 km/h. Heureusement, on a des crampons et des piolets. On est obligé de faire très attention, mais je sentais que mon cœur vibrait ! Et la vue était tellement extraordinaire, on voyait jusqu’en Suisse et en Italie, ainsi qu’une bonne partie de la France...
L’aventure nous fait vibrer
Quand j’ai raconté cela à une sœur de notre communauté, elle m’a écouté et m’a dit : « Pourquoi fais-tu cela ? À quoi cela sert-il ? » Je ne vais pas vous dire comment j’ai répondu : je vais vous dire dans dix minutes comment j’ai répondu. Mais réfléchissez... À quoi cela sert-il ? En fait, cela ne sert pas, mais cela nous fait vibrer. Voilà pour l’aventure. Mais il y a aussi une difficulté. La plupart d’entre nous - probablement tous - avons cela dans notre cœur, mais parfois, on a trop peur. Cela fait peur. Le combat, l’aventure, le danger, l’agressivité qu’il y a en nous, cela fait peur. C’est normal que cela fasse peur. Du coup, on peut redoubler ... Nous sommes faits pour le combat et l’aventure, mais nous avons peur.
L’un des premiers combats que nous avons à vivre est justement avec nous-mêmes et avec la peur que nous avons à aller jusqu’au bout de notre masculinité
Si nous avons peur, si vous avez peur, n’ayez pas peur d’avoir peur ! C’est normal. Par contre, la question est : comment vais-je faire pour me battre avec cela et partir dans l’aventure qui est moi-même, qui est ma propre vie ? Cela va ensemble. Danger et peur vont ensemble, c’est normal. Le risque, c’est que certains d’entre nous sommes paralysés car on a plus peur de l’échec que du danger lui-même : si jamais je me trompe ? Si jamais je n’y arrive pas ? Si je ne suis pas assez fort ? Cela nous paralyse.
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4.
3°/ La troisième manière d’exercer la force, c’est de « sauver une belle ». L’homme est fait pour être un héros et il n’a pas simplement besoin de se battre : il a besoin de se battre pour quelqu’un.
La troisième manière d’exercer la force, c’est de « sauver une belle »
Il n’y a probablement rien qui fascine autant l’homme qu’une jolie femme. Cela nous pousse à faire des exploits. Vous savez, parfois, dans le scoutisme ou dans les aumôneries, on a un groupe de garçons, d’adolescents ; vous essayez de leur faire faire des choses, c’est tout mou et puis il y a une fille qui entre. Là, tout le monde se réveille ! Ils ne font pas ce que vous vouliez qu’ils fassent, mais ils font des choses. Ils font n’importe quoi, mais cela réveille le désir de faire des exploits. On a envie d’être des héros et c’est normal !
On est fait pour être des héros
Systématiquement, chaque fois que je tombais amoureux d’une fille, que je rêvais d’elle, ou que je pensais à elle, qu’est-ce que je faisais ? Je rêvais de la sauver. Elle était kidnappée, je ne sais pas pourquoi et moi, la nuit, avec ruse et force, je réussissais à entrer là où elle était, à casser la figure des kidnappeurs, elle voyait comme j’étais fort pour elle et je la sortais triomphalement... C’étaient toujours des choses comme ça. C’est idiot, mais c’était toujours ainsi.
On n’a pas simplement besoin de se battre, mais on a besoin de se battre pour quelqu’un : et là, cela prend un sens
Cette force qui nous est donnée est un service. On est appelé à, non pas simplement sauver (c’est le cas extrême) mais à protéger. L’homme est fait pour protéger la femme et la femme a besoin de notre protection. Réfléchissons : de quoi a-t-on besoin ? Maintenant que nous sommes des adultes – ou en train de devenir adultes – on n’est plus comme des petits garçons ou des petites filles : c’est un peu plus sophistiqué, mais c’est encore la même chose. Si l’on vous dit : « Oh ! Que tu es un brave gars ! T’es vraiment au service... », je pense que vous êtes contents, quand même. Mais je ne suis pas sûr que cela va vous faire vibrer. Tandis que, si vous savez que d’autres hommes ou des femmes disent de vous : « C’est un costaud, j’ai un peu peur de lui... Il est bon, je peux lui faire confiance, mais j’ai quand même un peu peur de lui », wouah... Pour une femme, c’est la même chose. Si on dit à une femme : « Tu es vraiment au service, tu es donnée », merci. Mais si elle sait que des hommes entre eux disent : « Elle est fascinante », ou des femmes entre elles disent – avec une pointe de jalousie, c’est encore mieux : « Elle est fascinante ! J’ai vu comment les garçons la regardaient... », c’est autre chose. Voilà ce qui nous fait vibrer.
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5.
Vivre cette vocation n’est cependant pas si facile et quand on en doute, il y a deux extrêmes dans lesquels on peut tomber : le premier extrême, c’est la violence, et l’autre c’est la paralysie qui vient de la peur et qui conduit au refus, à la passivité et à la féminisation en un certain sens.
Vivre notre vocation n’est cependant pas si facile
Les lieux qui sont les plus importants dans notre vie sont aussi les lieux qui peuvent être blessés. Et la blessure fondamentale, c’est le doute : je suis appelé à être fort, j’aimerais être fort, mais suis-je vraiment fort ? Ai-je ce qu’il faut pour être vraiment un homme ? Ai-je ce qu’il faut pour être suffisamment fort pour me battre, pour affronter le danger et pour sauver une belle ?
Quand on doute, il y a deux extrêmes dans lesquels on va tomber, et le premier extrême, c’est la violence, qui n’est pas la force
Quand on a peur de ne pas être assez fort, on va exagérer et on va tomber dans la violence ; on ne va pas savoir être fort mais tendre, on va juste être fort, et fort, et on devient violent. C’est en fait un signe de fragilité.
L’autre extrême c’est d’avoir tellement peur de la force qu’on la refuse et on en devient passif, ou on est féminisé, dans un certain sens
De fait, l’homme est vraiment appelé à être tendre, mais tendre et fort : pas simplement fort. Et la plupart du temps, quand on se plante dans notre vie, c’est parce que l’on n’arrive pas à gérer notre force. Soit on exagère dans un sens : trop de force, ou une force mal utilisée. Soit on exagère dans l’autre : on n’ose pas l’utiliser, on n’arrive pas à l’utiliser. Alors, pourquoi est-ce comme cela ? C’est parce que la force est quelque chose que l’on reçoit, que l’on doit recevoir de l’extérieur. On ne l’a pas tout de suite, en entier, dès que l’on naît.
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6.
Tous les hommes ont besoin d’apprendre la force, de la recevoir et de l’apprivoiser : les pères ont un rôle particulier pour nous éduquer à la force. Le père aide l’enfant à quitter sa mère et à aller affronter les dangers du monde. Il le lance dans la vie et lui donne confiance en lui disant : « je suis fier de toi ». Malheureusement, dans la société actuelle, on a du mal à faire vivre ces passages-là, et beaucoup de pères ne savent pas qu’ils ont ce rôle essentiel à tenir. Parfois, il y a même des paroles blessantes, qui vont faire le contraire et qui vont détruire.
On a besoin d’apprendre la force, de la recevoir et de l’apprivoiser
Cela passe souvent par deux réalités qui sont notre père et la société. Ce ne sont pas les deux seuls, mais ce sont les deux lieux les plus importants pour apprendre, recevoir la force, apprendre à l’utiliser : notre père et la société. Or, dans les sociétés traditionnelles, le passage vers l’homme, la masculinité, l’homme adulte, est souvent prévu par des rites d’initiation. C’est quelque chose qui est prévu par la société, donc cela se fait plus facilement. Par exemple : les sociétés masaï, d’Afrique de l’Est. Mais cela arrive dans toutes les sociétés traditionnelles où il y a un rite de passage. Jusqu’à l’âge de 11, 12, 13 ans, le garçon vit avec sa mère et avec les autres garçons et avec les filles. Il vit donc dans un monde féminin. Et le monde féminin est beau. Il nous donne de la douceur, on sait que l’on est aimé. Cela nous fait grandir quand on est petit, on en a besoin. Mais il y a un moment où cette bulle de protection devient trop étroite : on a besoin de sortir de la bulle et d’affronter l’aventure du monde. Et comment cela se fait-il ? Cela se fait par les pères.
Les pères ont un rôle particulier pour nous éduquer à la force
Les pères, dans la société masaï, prennent le garçon, partent dans la brousse, partent dans le lieu sauvage. C’est quelque chose de vraiment nécessaire pour nous, les hommes, que les psychologues appellent la « crise d’Œdipe » : on a besoin d’être séparé de notre mère par notre père. Cela peut être difficile à vivre, surtout pour la mère et parfois pour nous, mais on a besoin de cette séparation où l’on n’est plus avec une mère qui nous dit : « Mon petit canard », « Mon petit poussin », mais avec notre père qui nous dit : « Allez, viens mon gars ! » Cela veut dire que, dans notre vie d’homme, on va parfois avoir une relation difficile avec notre mère. Parfois, on se rend compte qu’il y a un moment difficile avec notre mère, car notre mère a du mal à faire ce passage. Je connais un homme de 25 ans maintenant qui me dit : « J’ai du mal, car je sais que cela fait plaisir à ma mère, à mes parents quand je les appelle. Mais quand je les appelle, chaque fois ma mère me dit : 'Oh ! Comme je suis contente d’entendre ta petite voix'. Mais non, j’ai 25 ans, je n’ai plus une petite voix ! Cela m’étouffe et cela m’énerve ! » C’est normal, car on a vraiment besoin de passer à autre chose.
Le père aide l’enfant à affronter les dangers du monde
Que fait le père dans la société masaï ? Il prend le garçon, il l’emmène dans la brousse et il y a une série d’épreuves, de difficultés : on va affronter des dangers. Pas seul : avec son père, mais on va affronter des dangers. Pourquoi est-ce important pour devenir homme ? Parce que cela va enseigner qu’il y a un combat à vivre, qu’il y a des épreuves à affronter. Regardons les personnes qui n’ont pas vécu cela : que se passe-t-il dès qu’il y a une première épreuve ? Que devient l’homme non initié qui n’a pas appris que les épreuves sont normales et font partie de la vie ? Il s’écroule complètement : « C’est trop dur ! Je ne suis pas assez fort ». Mais non ! C’est normal que tu aies des épreuves, c’est même normal que tu tombes. La vraie question n’est pas : est-ce que tu tombes ? La vraie question est : est-ce que tu te relèves ? C’est cela, être homme.
Tomber arrive à tout le monde. Les épreuves, cela fait partie de la vie. Le combat, cela fait partie de la vie. Mais la question qui t’est posée est : as-tu la force de te relever ?
C’est cela qu’apprend le jeune homme avec ces épreuves. Ensuite, son père lui donne un nom. Le nom n’est plus « mon petit poussin », « mon petit canard ». Ce nom va être « Lion courageux », « Aigle au regard perçant »... C’est le nom du guerrier. Pourquoi ? Parce que l’épreuve la plus forte que le jeune masaï va devoir vivre, c’est avec son père de tuer un lion. Pour un garçon de 13 ans, c’est quand même une vraie épreuve, même quand on est avec son père.
Un homme a besoin de tuer son lion
Je me rappelle très bien que, quand cette sœur de la communauté m’avait demandé : « Pourquoi veux-tu faire le mont Blanc ? Pourquoi veux-tu geler la nuit, faire des trucs où tu vas être malade de fatigue ? Pourquoi fais-tu cela ? », je lui ai répondu – cela m’est venu comme cela : « J’ai besoin de tuer mon lion ». Et c’est vrai qu’en descendant du mont Blanc, je m’étais dit : « Là, c’est bon, j’ai vraiment réussi quelque chose ». J’avais réussi des choses plus difficiles dans ma vie, mais j’avais besoin de quelque chose de ce genre-là.
La difficulté est que, dans la société actuelle, on a du mal à faire ces passages-là, en tout cas en Occident (mais c’est vrai dans beaucoup d’endroits)
Par exemple, le père est l’homme avec qui on va vivre toute son enfance, normalement, si cela se passe bien. Il est donc l’exemple de la masculinité. Son regard va me faire prendre conscience de qui je suis et sa parole aussi. En fait, le regard du père et le regard de la mère ne produisent pas la même chose. Le regard de la mère, c’est : « Je suis aimé. Je suis aimé, qui que je sois. Et je sais que, jusqu’à la fin de ma vie, qui que je sois, je serai aimé ». Mais j’ai aussi besoin d’un regard qui me dit : « Tu es fort, je suis fier de toi. Je suis fier de toi quand tu montres ta force, et tu as une force qui est unique ». C’est cela, la difficulté : souvent, nous comparons notre force à la force des autres, mais ce n’est pas la bonne.
J’ai besoin de découvrir dans le regard de mon père ma force unique
Il y a 3,5 milliards d’hommes sur la surface de la Terre, en gros ; il y a 3,5 milliards de manières uniques d’être fort. Et chacun d’entre nous a besoin de découvrir la sienne. Est-ce la force physique ? La persévérance ? L’honnêteté ? On a besoin de le découvrir. Et c’est dans le regard de notre père qui est fier de nous qu’on va le découvrir, et dans la parole de notre père. Le jeune Picasso, à 12 ans, a commencé à faire des peintures extraordinaires. Pourquoi ? Parce qu’à 12 ans, son père, qui était un grand peintre (pas aussi grand que le fils), lui a tendu un pinceau, son propre pinceau et lui a dit : « Tu es vraiment capable. Tu es un beau peintre et tu vas devenir un grand peintre ». Grâce à cette parole, le petit Picasso de 12 ans avait confiance en lui-même et il est parti.
Malheureusement, nos pères ne savent pas toujours qu’ils ont ce rôle essentiel à tenir
Ils sont trop pris, ils n’ont pas le temps d’être à la maison et on croise rarement leur regard. Et quand on croise leur regard, c’est plutôt qu’ils sont fatigués, un peu énervés par la journée de travail. C’est difficile d’être père. Je ne suis pas en train de jeter la pierre aux pères. Je suis juste en train de dire que beaucoup de pères ont du mal à exercer ce rôle. Beaucoup de pères sont trop silencieux.
Beaucoup de pères ont du mal à dire à leur fils : « Je suis fier de toi »
Ils croient parfois qu’il faut être dur pour éveiller le caractère, ils disent donc: « Non ! Vas-y plus, tu as besoin d’aller plus loin ! Il faut que tu te battes ! » C’est sûr, il y a aussi cela. Mais il faut aussi lui dire : « Je suis vraiment fier de toi, tu es fort, tu vas être comme moi, tu vas être encore mieux que moi ».
Parfois, il y a même des paroles blessantes, qui vont faire le contraire et qui vont détruire
Je pense à un exemple où il y avait un jeune homme qui, à 12 ou 13 ans, aimait beaucoup la musique. C’était un très bon pianiste. Il passait beaucoup de temps à jouer au piano. Et son père était un grand sportif : il allait faire du sport avec son frère qui était, lui aussi, un grand sportif. Un jour, le jeune garçon était en train de jouer du piano, c’était magnifique, c’était du Chopin. Son père entre tout en sueur, en tenue de sport, il passe à côté du piano et dit : « T’es une femmelette » puis il est rentré dans sa chambre. C’est une parole qui l’a cassé : il a arrêté de jouer du piano car il disait : « Je dois correspondre au regard de mon père », mais il n’a rien fait d’autre, car il n’y avait rien d’autre qui l’intéressait vraiment. La parole du père peut... et même la vie, la manière de vivre du père... Je me rappelle, j’avais rencontré un homme très effacé, très passif. On a beaucoup essayé de réfléchir à ce qui s’est passé. Et un jour, il m’a dit : « J’ai vécu un événement très douloureux. Quand j’avais 15 ans, mon père, qui jouait beaucoup aux jeux (donc qui a perdu beaucoup d’argent aux jeux), un jour, s’est suicidé en se tirant une balle dans la bouche ». Pas devant les enfants, mais c’est quand même une manière très violente de se suicider. Perdre son père, déjà... Quand il a appris cela, le garçon se souvient très bien s’être dit : « Moi, je ne ferai jamais cela à ma mère, je ne ferai jamais cela à mes frères et sœurs ; je ne ferai jamais rien d’excessif. Je ne prendrai jamais de risques ». Il est devenu tout passif et tout effacé, car il a pris le chemin opposé.
On a tous besoin d’un père et ce n’est pas si facile que cela
En fait, dans les sociétés occidentales (mais je pense que c’est aussi le cas dans les villes en Afrique et en Asie), on se situe mal car on a perdu le sens de l’initiation. Et on a même perdu, dans beaucoup de sociétés, le sens de : « Que veut-on faire des garçons pour qu’ils deviennent des hommes ? » Quel est le lieu d’éducation principal dans la société actuelle ? L’école. Ce devrait être la famille, mais souvent c’est l’école. Et qu’est-ce que l’école ? Cela va dépendre des pays et des cultures mais, en gros, dans une pièce, on met quinze filles (ça, ça va), quinze garçons (ça, c’est déjà un peu plus compliqué) et on leur demande d’écouter quelqu’un dire des choses qui ne sont pas très intéressantes pendant toute une journée. Quel est le plus grand obstacle pour le maître ou la maîtresse ? Les quinze garçons. Il faut qu’elle tienne les garçons et qu’elle les rende apprivoisés, doux : il faut qu’ils écoutent. Donc : que fait le système scolaire pendant toute l’éducation ? Il transforme des petits sauvages en garçons gentils et obéissants. Et puis la société continue : dans le monde du travail, il faut être fiable, il faut rentrer dans les normes, on gagne plus d’argent quand on travaille bien avec d’autres, on n’est pas tout le temps en opposition (il faut l’esprit de compétition, mais on essaie de passer de l’un à l’autre)...
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7.
La société et l’école passent plus de temps à nous transformer en gentils garçons qu’en guerriers et l’Église ne fait souvent pas mieux. Pourtant « le monde a besoin de héros » et répondre à cet appel est ce qui nous permet de donner le meilleur de nous-même.
La société passe plus de temps à nous transformer en gentils petits garçons et en braves gars qu’en guerriers
C’est vrai, la société a peur des guerriers. Par un certain côté, la société a raison mais, par un autre côté, une société où il n’y a pas de combat, pas d’aventure, pas de débordement, est une société aseptisée, une société castrée. On a besoin d’avoir la possibilité de réveiller le sauvage qui est en nous. Pas n’importe comment bien sûr, mais on a besoin de pouvoir avoir cette dimension. On pourrait dire : « Et l’Église ? »
Malheureusement, l’Église n’est pas toujours mieux …
Dans l’Église, que dit-on aux hommes ? Leur dit-on : « Allez-y, les guerriers » ? Non ! On leur dit : « amour, pardon, douceur, service... » Même dans les locaux des églises, ce n’est souvent pas très beau ; et même quand c’est beau, ce sont plutôt des femmes qui ont décoré. Ce ne sont pas des locaux qui donnent l’envie de se battre. Et les chants... Alors, cela dépend des chants. Il y a des vrais chants, forts, qui font vibrer. Mais il y a beaucoup de chants très doux et langoureux... Bon, c’est beau, mais pas que ça ! Et c’est la même chose : je fais partie de la Communauté du Chemin Neuf. Je crois que l’un de nos grands dons, dans la Communauté du Chemin Neuf, est de permettre aux gens de partager personnellement. On est en petits groupes et on dit ce que l’on ressent. C’est une chance ! Et nous, les hommes, avons besoin d’apprendre cela, car cela permet de comprendre ce que l’on vit et cela permet à Dieu d’intervenir très au fond de notre être, car on s’ouvre à Lui. Mais si on ne fait que cela, je suis désolé, c’est une spiritualité féminine. Si on ne fait que cela, ça ne va pas. On a besoin d’autre chose.
« Le monde a besoin de héros ! » et aussi de guerriers spirituels
Je me rappelle avoir été à New York un jour. Il y avait une affiche du service des vocations du diocèse de New York. En France, jamais on ne verrait une affiche comme cela. On voyait quatre jeunes prêtres, allongés par terre, comme le jour de l’ordination, chasubles rouges, les bras étendus comme s’ils avaient donné complètement leur vie, et le titre était : « The world needs heroes », « Le monde a besoin de héros ». Car c’est vrai ! Être prêtre, c’est héroïque ! On donne sa vie au service des autres sans s’épargner et on se bat contre le mal. Il y a vraiment une dimension de lutte contre le mal. La confession ou même prier pour des libérations est une lutte contre le mal. Le prêtre est un héros. Mais on dit souvent : « Le prêtre, il faut qu’il marche comme cela, il faut qu’il soit tout doux, il a une voix, quand il parle à la messe, qui est un peu étrange, transformée parce que c’est solennel... » Mais non ! C’est le héros par excellence ! C’est le guerrier ! C’est le guerrier spirituel ! Mais on a du mal à intégrer cela. Pourtant, c’est possible : Jésus était comme cela.
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8.
Jésus était fort : c’était était un homme, un vrai, masculin, tendre, attentif, aimant mais fort. Les femmes ont besoin de rencontrer de véritables hommes et elle peuvent beaucoup nous aider en participant à nos aventures et en les acceptant. Les pères ne sont jamais parfaits mais Dieu a une capacité de récupération immense pour les relancer ou les seconder. Enfin, au-delà de nos pères et substituts terrestres, Dieu le Père est le père accompli vers lequel nous pouvons toujours nous tourner dans l’épreuve, comme l’a toujours fait le Christ.
Jésus était fort
Jésus s’est battu. Il s’est battu contre les pharisiens. Il s’est battu contre les marchands du Temple. Il s’est surtout battu contre Satan et contre les démons. Jésus est parti à l’aventure. Jésus est vraiment parti à l’aventure : il ne savait pas ce qu’il allait vivre. Il vivait dehors, il ne vivait pas dans une maison tranquillement ! Il parcourait la Galilée, il parcourait la Judée... A t-il donné sa vie pour une belle ? D’après Dan Brown, peut-être pour Marie-Madeleine mais, en fait, oui : il a donné sa vie pour l’Église, il a donné sa vie pour l’humanité. C’est un peu transposé, mais je pense qu’il a donné sa vie pour une belle, il a sauvé une belle, il a protégé une belle.
Jésus était un homme, un vrai, masculin, tendre, attentif, aimant mais fort
Le risque est que l’on cherche des lieux de substitution. Et le premier lieu de substitution, c’est la femme : « Je n’arrive pas à trouver auprès de mon père ou auprès de la société ou auprès de l’Église quelqu’un qui va m’aider à devenir qui je suis : je cherche dans le regard d’une femme ». Et ce n’est pas absurde car, quand une femme m’admire, je me sens fort. Quand une femme a besoin de moi, je sais que je suis fort et que j’ai cette force. Mais en fait, une femme ne peut pas, jusqu’au bout, nous transmettre la masculinité. D’ailleurs, vous l’avez entendu : cette phrase marche moyennement. « Une-femme-transmettre-la-masculinité » : non.
Une femme elle aussi a besoin d’un homme véritable
Si elle a, en face d’elle, un homme qui n’a pas reçu sa masculinité de son père ou de la société, il va se passer ceci : elle va devoir contre-réagir. Elle va soit, elle-même, prendre le rôle de l’homme (elle va devenir dure, elle va devenir autoritaire) ou bien, comme elle n’a pas en face d’elle un homme un peu costaud, elle va devenir exagérément séduisante et collante. Non, ce n’est pas la femme qui peut me transformer en homme.
Une femme ne peut pas être elle-même notre seule aventure
On a parfois l’impression que notre aventure, ce sera cette femme. C’est vrai que la relation avec une femme, c’est une aventure : elle est mystérieuse, on ne comprend pas toujours tout, elle ne nous comprend pas... Il y a vraiment une aventure. Mais une femme ne peut pas être suffisante. Nous ne pouvons pas être satisfaits si notre aventure est seulement une femme : on a besoin d’une autre aventure. Et même si notre aventure, c’est elle, elle va sentir, au bout d’un moment, que vous êtes tous les deux en train de vous écrouler l’un sur l’autre et pas de partir ensemble vers quelque chose de plus grand.
Une femme a besoin de participer à notre aventure et elle doit nous y pousser
On n’est pas fait pour vivre l’aventure seul : on peut intégrer des femmes, une femme - et elle a besoin de cela. Elle a besoin de plus que, simplement, on la regarde en disant : « Oh, tu es belle, tu es belle ! » Oui, au début c’est bien. Mais à un moment elle a besoin d’entendre dire : « Viens avec moi ! On y va, on part et je t’ouvre de nouveaux horizons ». Je me rappelle d’un prêtre qui m’avait raconté cela : une femme vient le voir et lui dit : « Je ne sais pas comment faire : je suis mariée depuis vingt ans et en fait, mon mari est en train de dépérir. Il a perdu la joie de vivre, il a perdu le goût, je ne sais pas comment faire. Je crois qu’il m’aime, je crois que le problème n’est pas moi, mais il a perdu tout entrain, il est morne ». Ce prêtre lui a dit : « Madame, voulez-vous lui redonner le sens de la vie, le goût ? C’est très simple. Poussez-le à faire quelque chose de dangereux ». Elle a tiré une tête de six pieds de long : « Quelque chose de dangereux ? Cela veut dire que vous voulez que je lui permette de refaire de la moto ? » Après avoir parlé un peu, le prêtre a compris que, quand ils se sont mariés, le mari faisait du moto-cross ; c’était dangereux, bien sûr. Elle avait peur. Elle lui a demandé d’arrêter. Elle lui a dit (c’est incroyable d’imaginer qu’une femme ose dire cela) : « J’ai mis plusieurs années à l’assagir. Vous voulez maintenant que je lui permette de redevenir... » Elle n’osait pas dire le mot « sauvage ». Le prêtre a dit : « Oui. C’est exactement cela. Il en a besoin ».
Aucun de nos pères n’est parfait …
Peut-être que certains d’entre nous ici se disent : « Moi, je ne vais jamais m’en sortir car mon père a fait ce qu’il pouvait mais ce n’était pas exactement cela, ou je n’ai pas eu de père, ou j’étais dans une école tellement stricte, tellement bien comme il faut que, maintenant, je suis assagi ... » Mais Dieu sait très bien qu’aucun de nos pères n’est parfait. Quand il nous a confiés à nos pères, il ne nous a pas confiés à eux comme étant la seule solution.
… Mais Dieu a une capacité de récupération immense
Il a donné d’autres hommes : des éducateurs, des prêtres éventuellement ... Et il nous dit aussi de ne jamais désespérer. Peut-être que, pour certains d’entre nous, nous pouvons aller retrouver notre père et lui redemander : « Papa ? Qui crois-tu que je suis ? À tes yeux ? Es-tu fier de moi ? » Dans la Bible, il y a la lutte de Jacob avec l’ange. Toute la nuit, Jacob se bat avec l’ange. C’est un texte très mystérieux : on a du mal à savoir qui est cet ange. Est-ce Dieu ? Est-ce le démon ? La tradition juive dit que c’est Dieu. Et pourquoi Jacob se bat-il ? Parce qu’il veut une bénédiction. Il dit : « Je ne te lâcherai pas tant que tu ne me bénis pas ». Et l’ange le bénit à la fin et il part. Il faut que nous ayons parfois cette même attitude avec notre père : « Je ne te lâche pas tant que tu ne me bénis pas, tant que tu ne me dis pas que je suis bon, que je suis ta fierté ». Et on va aider notre père à devenir vraiment père. Ce n’est pas simplement qu’on est un petit chien qui mord et qui veut avoir une réponse, mais on va même l’aider... Alors, cela ne marche pas pour tous les pères.
Au-delà de nos pères terrestres, Dieu le Père est le père accompli
Au-delà des manques terrestres, chacun d’entre nous a accès à Dieu le Père, notre Père. Lui, c’est le père accompli, le père complet, le père qui peut nous guérir dans notre masculinité. Dieu le Père est fort : c’est le Dieu qui se bat à nos côtés. C’est le Dieu qui est un aventurier complet. Il est fou, il a confié le monde aux êtres humains : quelle aventure plus grande ? Lui aussi a secouru une belle : il secourt une belle qui est l’humanité. Dieu peut nous redonner la confiance, il peut venir guérir.
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9.
Biologiquement et psychologiquement, il y a des structures qui sont masculines et qui sont faites pour l’homme. Bien sûr, chacun reste libre, mais pour vibrer en phase avec nos besoins profonds, c’est le chemin naturel. L’homme peut cependant beaucoup apprendre de l’environnement féminin peut beaucoup nous enrichir: on peut être sensible, tendre, à l’écoute, mais on peut le vivre d’une manière masculine. Cela ne doit pas nous féminiser, mais on a tous besoin de devenir bilingue.
Toutes ces considérations ne sont-elles pas un peu culturelles ?
N’est-ce pas une vision trop traditionnelle ? Ne sommes-nous pas même un peu ringards, un peu dépassés ? On a évolué depuis, surtout avec la théorie du genre : on sait maintenant qu’être homme ou femme, c’est culturel, que la manière d’être homme ou la manière d’être femme, c’est culturel. Et puis il y a l’homosexualité... N’est-ce pas trop culturel ? N’est-ce pas une image ? Alors, je dirais : oui, c’est culturel. Mais premièrement, c’est culturel dans le sens où la nature et la culture ne s’opposent pas. J’ai été prof de philo pendant douze ans et je peux vous assurer que, normalement, la culture n’est pas le contraire de la nature, mais le développement de la nature.
Biologiquement et psychologiquement, il y a des structures qui sont masculines et que l’immense majorité des hommes a, mais cela a besoin d’être aussi travaillé culturellement
Pourquoi ? Pour que l’on grandisse dedans et qu’à un moment de notre vie, et pour qu’on dise oui ; pour que l’on puisse nous-mêmes dire oui à ce qui nous est proposé, et pas simplement le recevoir comme un cadre fixe. Deuxièmement - et là je vais aller plus loin dans la théorie du genre – oui, c’est culturel dans le sens où l’on peut dire non. On a la capacité en nous de refuser la masculinité.
« Vous faites ce que vous voulez, mais si vous voulez vibrer, c’est le chemin »
Moi, je ne vais pas vous dire : « Vous devez faire cela ». Je vais simplement vous dire : « Si vous voulez vibrer, c’est le chemin. Vous faites donc ce que vous voulez ». Nous faisons ce que nous voulons. Dieu nous laisse libres. C’est même plutôt une bonne nouvelle qu’une loi. En fait, l’Église doit donner des lois pour diriger : on en a besoin. Mais le vrai rôle de l’Église, ce n’est pas les lois, c’est la Bonne Nouvelle, l’Évangile. Et la bonne nouvelle, c’est que Dieu nous a créés homme et femme (c’est dans la Genèse) et pas pour rien ! Pour que l’on puisse vibrer, jusqu’au bout. Donc une Bonne Nouvelle à accueillir dans la foi comme une bonne nouvelle, pas une loi ou un impératif.
L’environnement féminin peut nous enrichir énormément, mais cela ne doit pas nous féminiser
J’ai la chance (vraiment une chance, même si c’est difficile parfois) de vivre dans la communauté du Chemin Neuf où nous sommes hommes et femmes, couples et célibataires. Et à force de vivre avec des femmes, de partager avec des femmes, de faire des choses avec des femmes, je crois que j’ai appris des qualités féminines : plus d’attention à mes émotions, plus d’attention à leurs émotions, plus d’écoute (même si les hommes savent vraiment écouter parce qu’on est parfois obligé), apprendre à vraiment écouter, apprendre la douceur. C’est un vrai enrichissement pour nous ! Mais attention : ne le vivons pas en devenant féminisé ; vivons-le de manière masculine.
On peut être sensible, tendre, à l’écoute comme des hommes
On peut être comme des hommes, avec force, de même qu’une femme peut apprendre de l’homme à être plus sûre d’elle-même, à combattre, mais il ne faut pas qu’elle devienne masculine, car elle va devenir dure. Il faut qu’elle fasse à partir de sa féminité.
On a tous besoin de devenir bilingue
C’est une chance de devenir bilingue : langage de l’homme et langage de la femme. Mais les bilingues qui ont appris leur deuxième langue - pas ceux qui sont nés dans une situation de bilinguisme - ceux qui ont appris leur nouvelle langue dans un autre pays gardent souvent la trace, l’accent de leur première langue, même s’ils parlent très bien l’autre langue. Nous avons besoin d’apprendre cela. Nous sommes des hommes : notre première langue, c’est être masculin. Cela nous ouvre, cela nous aide énormément d’apprendre le langage des femmes, mais on va toujours le parler avec un accent, avec un accent masculin. Et c’est mieux car, sinon, on devient féminisé et ce n’est pas notre vocation. On est plutôt appelé à être des hommes accomplis et non pas des hommes durs ou des femmes : des hommes accomplis.
Le P. Etienne Vetö, de la communauté du Chemin Neuf, vit à Rome actuellement, où il enseigne la théologie à l’Université Pontificale Grégorienne.
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commentaires
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Tout à fait d'accord avec le commentaire de Clem. On est dans une société contradictoire qui pousse à la neutralité des genres et qui en même temps demande à l'homme d'être homme, et fait tout pour l'empêcher d'être homme. Je parle en ce qui me concerne. Et c'est un dur combat pour rester soi-même. C'est à la fois un combat contre soi-même pour ne pas se laisser manger par cette société, et à la fois contre une société masculine parfois très violente, et qui voudrait nous pousser à la violence, ou du moins celui qui la régit, c'est à dire le diable, voudrait nous pousser à la violence. Je pense qu'il veut que nous rentrions dans ce cercle de violence et de non amour. Jésus était doux et humble de coeur, et en même temps Jésus était très fort dans son humanité.
Nous n\'avons pas évolué ni progressé avec la théorie du genre qui n\'a rien de théorique. Ce n\'est qu\'une somme d\'arguments pour justifier le mal-être de certains qui espèrent se soigner en donnant ce mal-être à toute la société. Comme si on pouvait soigner la rage en la donnant à tout le monde. C\'est faux! Ce mouvement de pensée est contre nature et donc contre Dieu. L\'homme est homme dès sa conception et la femme est femme de même. Dire que nous naissons d\'un genre neutre et que seule la culture nous pousse à être homme ou femme ne tient pas la route. C\'est destructeur et ne contente que le père du mensonge qui ne cherche qu\'à nous détruire.
C'est repris d'Indomptable de John Eldredge. La source mériterait d'être mentionnée.
Je trouve cette article très intéressant, en revanch eje trouve qu'il reprend en tout point le livre de John Eldredge "indomptable" jusque dans les exemples (même histoire du déguisement de zorro dans le livre)