L'esprit est-il assimilable à un mécanisme ?
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1.
Les êtres vivants ne sont pas des machines. Un mécanisme, par lui-même, n’a pas de but, ne tend vers rien ; il n’a pas de finalité propre. C’est son concepteur qui tend vers quelque chose ; c’est lui qui a arrangé des composants de telle sorte qu’ils servent le but que, lui, le concepteur, s’est fixé.
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2.
Une machine n’est pas consciente. Le fait qu’un automate puisse se comporter comme un humain conscient dans un contexte donné, ne signifie pas que cet automate soit lui-même conscient. La décision concernant l’existence ou non d’une pensée ou d’une conscience est principalement de nature éthique et suppose une communication. De plus, l'idée que nous nous faisons des machines ne dépend pas seulement de l'évolution des techniques mais aussi du statut que nous leur accordons dans notre discours.
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3.
L’esprit n’est pas réductible au calcul. Pour les neurosciences cognitives, la pensée, l’esprit, la conscience sont des phénomènes dont l'étude relève exclusivement des sciences de la nature. Une telle naturalisation de l’esprit procède d’une triple réduction : réduction de l’esprit à la cognition, réduction de la cognition au calcul, réduction du calcul à un mécanisme. Identifier l’esprit au calcul et admettre que tout calcul est mécanisable est cependant parfaitement réfutable.
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4.
C’est l’interprétation qui donne sens aux symboles. Un symbole symbolise quelque chose pour quelqu'un. Rien n’est intrinsèquement une représentation de quoi que ce soit ; quelque chose est une représentation seulement pour ou de quelqu’un ; ainsi n’importe quelle représentation ou système de représentation requiert au moins un utilisateur et un interprète externes à cette représentation.
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5.
Simuler le cerveau n’est pas produire de la pensée. Un mécanisme peut évidemment simuler le fonctionnement du cerveau bien que le cerveau ne s’identifie pas à une machine telle que définie précédemment. Quoi qu’il en soit, une simulation du cerveau n’est pas une simulation de la pensée.
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6.
Il n’y a pas de critères objectifs de la subjectivité. En tant qu’expérience subjective, la conscience n’est accessible qu’à la première personne. Or, pour pouvoir être attestée, cette expérience doit pouvoir être partagée, c’est-à-dire communiquée (rapportée). Mais l’impossibilité de communiquer ne signifie pas l’absence de conscience. L’absence de preuve n’est pas une preuve d’absence.
Maître de Conférences Honoraire en Neurosciences (Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis). Ancien Directeur-adjoint de l’Institut d’Enseignement à Distance (IED) de l’Université Paris 8. Professeur associé à l’Institut de Philosophie Comparée (Faculté Libre de Philosophie et de Psychologie).
Documents de référence
« Je te bénis, père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits. Oui, père, car tel a été ton bon plaisir »
(Lc 10,21)
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commentaires
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Réflexion très intelligente! L'âme est bien plus que la matière. La singularité ne peut exister sans la lumière dont parle Saint-Jean dans le derniers Évangile. Qui commande à la matière? Quelque chose est bien au-dessus de celle-ci, pour lui dire comment se comporter et fixer les lois qui la régisse. Cela ne peut se résumer uniquement par le simple fait qu'une machine puisse effectuer des calculs.
Beaucoup de scientifiques reconnaissent le fondement non physique de la matière. Bernard d’Espagnat parle d’un autre ordre d’existence, celui du Réel voilé. C’est lui qui a craqué l’allumette du big bang, qui a mis le feu aux équations mathématiques présentes dans les lois physiques de l’univers.