A partir de 1611, Galilée entre en relation avec les plus hautes autorités civiles et religieuses et de ce fait excite la jalousie des dominicains. La lettre à la grande-duchesse de Toscane va mettre le feu aux poudres car Galilée pénètre dans la chasse gardée des dominicains, l'interprétation des Écritures.
Galilée publie en mars 1610 le traité Siderus Nuncius (le messager des cieux)
Ce traité décrit les observations de l’auteur concernant les anneaux de Saturne (qu'il appelle « planètes Médicéennes » en hommage aux Médicis). Son retentissement est extrême. Ces observations couplées à celle des taches solaires vont avoir de profondes répercutions. Dès 1611, Galilée est appelé à Florence avec la prestigieuse fonction de « premier mathématicien et philosophe du grand-duc ». Il entre à cette époque en relation avec le cardinal Barberini (le futur pape Urbain VIII) et le cardinal Bellarmin ; les jésuites du Collège romain donnent une opinion favorable sur ses découvertes. Elu à l’Académie des Lynx, il devient en quelque sorte le scientifique officiel des Etats pontificaux. Mais, à la même époque, par jalousie devant les succès de Galilée les dominicains du couvent San Marco lancent leurs premières attaques contre ses idées en les qualifiant d’hérétiques car contraire au passage du livre de Josué (où est relaté l'épisode du soleil s'arrêtant de tourner).
Galilée commence à parler de la juste interprétation des Écritures dès 1613
Dans sa « lettre sur les taches solaires » où il relate les observations des différentes taches du soleil et où il montre que ces dernières se déplacent à sa surface, il écrit que l'hypothèse de l'incorruptibilité du monde supra-lunaire est fausse car contraire à ses observations mais aussi « contraire aux indubitables vérités des Saintes Écritures lesquelles nous enseignent que les cieux et la totalité du monde ont été créés et sont donc dissolubles et transitoires». Cette publication le brouille avec le Père jésuite Scheiner qui affirme avoir fait ces observations auparavant. Mais surtout dans une lettre à son disciple Castelli, il y affirme que dans le domaine des phénomènes physiques, l'Écriture Sainte « n'a pas de juridiction », ce qui indispose encore plus les dominicains. D'autant plus qu'à cette époque, en réaction à la Réforme, la position catholique sur l'herméneutique penche plus vers une stricte attention au sens littéral des Écritures saintes plutôt qu'à leur sens symbolique.
Pris dans le conflit, les dominicains deviennent extrêmement virulents
Par exemple en décembre 1614, dans un sermon dominical, le Père Caccini, commentant le passage des Actes : « Hommes de Galilée, qu’avez-vous à regarder vers le ciel …», s'en prend directement à Galilée : les mathématiques sont une invention du diable et les mathématiciens devraient être bannis. Lorsque Galilée écrit à son ami Mgr Piero Dini au sujet des problèmes d'interprétation des Écritures posés par les thèses coperniciennes, ce dernier lui répond, en mars 1615, qu'il a vu le cardinal Bellarmin : celui-ci ne pense pas que la théorie de Copernic doive être condamnée, mais il souhaite que Galilée tempère ses positions et précise que la doctrine copernicienne « ne parle que selon les apparences ».
Dans la fameuse lettre à la grande-duchesse au printemps 1615, Galilée reprend ses arguments exégétiques sur le sens littéral des Écritures
« Les effets naturels et l’expérience des sens ne doivent d’aucune manière être révoqués ni a fortiori condamnés au nom des passages des Écritures quand bien même le sens littéral semblerait les contredire … car Dieu ne se révèle pas moins excellemment dans les effets de la nature que dans les Écritures sacrées. C’est ce que Tertullien a voulu dire par ces mots : ‘Dieu doit d’abord être connu par la nature et ensuite reconnu par la doctrine ; la nature est atteinte par les œuvres, la doctrine par la prédication’ ». Il en appelle à l’autorité d’Augustin sur la finalité des Écritures et poursuit en se référant aussi à saint Jérôme et saint Thomas d'Aquin. De plus, il prend vivement partie pour la théorie héliocentrique de Copernic en soulignant qu’elle n’est pas contraire aux Écritures et il affirme que la condamnation de la théorie héliocentrique serait en contradiction avec les passages bibliques proclamant que la gloire de Dieu apparaît dans toutes ses œuvres, (en particulier le célèbre passage du Psaume 19 « Le ciel raconte la gloire de Dieu et l'étendue révèle l'oeuvre de ses mains ; le jour en instruit un autre jour, la nuit en donne connaissance à une autre nuit »).
Galilée confirme une vielle tradition selon laquelle on lit la gloire divine à la fois dans le livre de la Nature et dans le livre des Écritures
Le simple astronome-mathématicien fait ainsi une leçon d’exégèse aux dominicains en se référant aux Pères de l’Eglise. Cette intrusion dans le domaine de la théologie et son influence dans les cercles du pouvoir politique excitent encore plus la jalousie des dominicains de Florence.
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