Outre le fait que l’accord tacite donné par le pape ait été outrepassé, on peut expliquer cette condamnation par la culture des juges de l'époque ; ceux-ci plutôt bienveillants à l’égard des sciences, étaient en effet incapables de dissocier vision théologique et vision cosmologique.
Le cœur de l’affaire Galilée est affaire de mentalités et d’histoire culturelle
Loin de notre culture habituée aux distinctions et aux séparations, à cette époque on vit encore dans une culture unitaire entre les différentes disciplines. On sort à peine de la période où les conceptions pythagoriciennes, astrologiques, alchimiques se mêlaient à la rationalité scientifique (voir par exemple Képler). La théologie est considérée comme une science, une science très importante qui est censée contrôler (grâce au Saint-Office en particulier) les connaissances intellectuelles, en particulier la philosophie qui est sa servante ; notons que les travaux en astronomie, en physique, en géométrie, en botanique font partie de ce que l'on appelle « philosophie de la nature ».
Pour les dominicains formés dans la scolastique sclérosée de leurs « studium », l'Incarnation ayant eu lieu sur la Terre, il était logique que la Terre fût au centre de l'Univers et si elle cessait d’être au centre du point de vue astronomique, elle risquait de ne plus l'être du point de vue ontologique. Cette culture basée sur une logique simplificatrice explique pourquoi ces dominicains se trouvaient dans un grand inconfort pour concilier la nouvelle cosmologie et la théologie catholique. L’héliocentrisme leur semblait inséparable d’une sorte de relativisation des vérités fondamentales de la foi. Le saut intellectuel qui leur était demandé était énorme : il s’agissait, ni plus ni moins, de comprendre que ce n’est pas parce que la vision cosmologique change que la vision de la foi est mise en cause, alors que l’on pensait ces deux visions inséparables.
Hommes de foi, hommes de sciences
Comprendre cet environnement culturel particulier, c’est aussi, à rebours des stéréotypes, reconnaître que milieux scientifiques et milieux ecclésiastiques s’interpénétraient. Ni l’homme d’Eglise, ni le scientifique, ne se projetait dans un combat binaire « sciences contre foi », pour la bonne raison qu’il s’agissait souvent d’une seule et même personne. Le Collège romain, la grande institution d’enseignement supérieur des Jésuites, réunissait ainsi les grands savants de l’époque. Ces hommes étaient les premiers à reconnaître la nécessité d’une bonne intelligence entre sciences et foi. Galilée lui-même se voyait avant tout comme un « chrétien zélé et catholique ». Comme l’a récemment montré le père Mayaud, jésuite et géophysicien, le plus grand anachronisme serait de faire de Galilée un rationaliste avant l’heure ; loin d’user de la science pour miner l’autorité de l’Église, le Florentin a sincèrement voulu que les hommes d'Eglise puissent s'intéresser aux nouveaux instruments de mesures et d'observations. Pour lui, on ne pouvait refuser les résultats des observations et des expériences (cette position étant à rapprocher de celle de Pascal 10 ans plus tard « L’évidence des expériences me force de quitter les opinions où le respect de l’Antiquité m’avait retenu »).
L’Europe était prise dans la tourmente de la Réforme protestante et de la Contre-réforme
L’importance de l’autorité pontificale était d’autant plus centrale qu’elle était niée par les protestants. Or Galilée avait franchi une ligne d’une part en remettant en cause la mise à l’Index du De revolutionibus promulguée 17 ans plus tôt et d’autre part il ridiculisait le pape ! De scientifique, l’affaire qui était devenue théologique dans cette culture unitaire, prenait une couleur politique.
Bien que condamné, Galilée n’en reste pas moins fidèle à sa foi et par sa rétractation, fait preuve d’obéissance
Dans sa résidence surveillée, il continue ensuite à travailler et de fait il reçoit beaucoup de visites en particulier ses disciples peuvent venir travailler avec lui (par exemple Viviani et E. Torricelli ) ou même vivre chez lui. L'ambassadeur de Toscane au Vatican, envoyait régulièrement des rapports à Florence concernant Galilée. Dans sa lettre du 18 juin 1633, il note que "en ce qui concerne le respect dû à la personne de Galilée, il doit être tenu emprisonné pendant un certain temps car il a désobéi aux ordres de 1616, mais le pape dit qu’une fois la sentence rendue publique, il envisagerait avec moi ce qui peut être fait pour l’affliger le moins possible ".
Malgré sa mise en résidence, en surmontant ses maladies, accompagnées de la cécité à la fin de 1637, Galilée continua à travailler et son oeuvre se propagea
Le traité que ses disciples rédigent avec lui, « Discorsi » (Discours et démonstrations mathématiques concernant deux nouvelles sciences touchant la mécanique et les mouvements locaux) est sans doute le plus important de sa vie. De fait, il fera l'admiration d'un nombre toujours croissant d'esprits à travers l'Europe, par la dignité et la noblesse de son attitude.
Curieusement ce procès qui ne fut pas à l’honneur des institutions ecclésiales n'a pas empêché le débat de porter ses fruits. Pour la science, comme pour la mentalité religieuse. Nul doute que, dans ce fait remarquable, les dernières années de Galilée n'aient joué un très grand rôle.
Grâce au gallicanisme, le décret du Saint-Office ne fut pas enregistré en France où les ouvrages de Galilée circulèrent librement, ils trouvèrent de puissants relais, tel le célèbre religieux minime Marin Mersenne, qui purent assurer la diffusion de leur message scientifique. Lorsqu'en 1638, son traité magistral, Discorsi, est publié à Leyde (Pays-Bas), il est largement diffusé à Paris. Il aura une influence profonde dans toute l'Europe.
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L'église aujourd'hui demeure très orgueilleuse ! L'humilité n'est pas son fort heureusement certains êtres humains en sont imprégnés car il y aurait de quoi désespérer. Catherine.