Il faut rechercher la sanctification et non la richesse
Le Christ recommande la pauvreté intérieure, éventuellement l’abandon de tous les biens, au moins intérieurement. Comment cela peut-il se concilier avec la vie économique, fondée apparemment sur le calcul et l’intérêt, et donc sur la recherche des biens matériels ? Mais d’un autre côté si les hommes meurent de faim, ce ne peut être le désir de Dieu ; c’est donc que les biens matériels ne sont pas mauvais en soi ; et l’économie, non plus, à condition qu’elle s’inscrive en s’y subordonnant dans la perspective supérieure, celle de la vie éternelle, et donc des vertus du don et de la pauvreté intérieure.
La richesse est une tentation sur le chemin de la sanctification
Les richesses matérielles peuvent être le moyen de tentations aux effets désastreux, y compris pour les personnes qui ne se classent pas comme riches. La richesse nous est donnée comme moyen, pas mauvais en soi, mais qui nous fait courir en permanence le risque de nous détourner de ce qui seul a véritablement un sens. Même si elle était répartie de façon égalitaire. Car il ne s’agit pas de construire le royaume de Dieu sur terre par notre activité économique ; mais de préparer en nous et ensemble un Royaume qui n’est pas de ce monde, y compris par notre activité matérielle.
Tout le monde est appelé à une conversion personnelle par rapport à la richesse
Quelle voie doivent suivre les gens confrontés à la réalité économique, notamment ceux en charge de diriger ou d’entreprendre ? Il ne saurait s’agir pour eux d’une mise entre parenthèse de la vie de foi ni même de la limiter à la solidarité. Ce qu’il faut est une conversion au sens plein du terme, avec remise en cause des valeurs et des styles de vie dominants, donc un choix de vie fondamental. Ce qui implique notamment de faire pour soi-même une critique radicale de la pensée et de la mentalité utilitariste. On ne transfigure la réalité matérielle qu’en se convertissant en profondeur à la Vérité essentielle, explicitée par le message évangélique (les Béatitudes en Matthieu 5,1-11 ; Luc 6, 20-26).
Le but de notre activité économique ne peut être le lucre, l’appât de l’argent ou l’accumulation
En revanche fonder une activité qui offrira un produit nouveau, donnera des emplois, animera une communauté, et au minimum établira sa famille etc. est positif, si c'est avec l’esprit qui convient. De même progresser dans une carrière, si ce n’est pas pris avec orgueil, mais comme une occasion de faire plus et mieux. Gagner plus peut même avoir un sens, si l’argent est gagné honnêtement, sans esprit d’accumulation, et surtout si sa présence signifie non seulement le succès -au bon sens du terme - dans ce que l’on a entrepris, mais une occasion d’en faire quelque chose d’intelligent ou de socialement utile.
La priorité est au devoir d’état
Dans une perspective chrétienne, il est évidemment nécessaire de prévoir du temps pour aider des actions d’intérêt général ; comme de veiller à ce que l’ensemble de notre temps ait le maximum de sens, dans une perspective de recherche du Bien. Mais la priorité est d’abord d’assumer notre devoir d’état, c’est à dire de faire rayonner, là où nous sommes, donc là où la Providence nous a placés, la Charité, et d’abord dans l’activité professionnelle d’un côté, la vie familiale de l’autre. Avec pour boussole la volonté de Dieu.
Tout dépend alors de l’état de vie dans lequel nous nous trouvons
A l’ouvrier incombe par exemple une qualité et un soin particuliers dans son travail, une vraie solidarité avec ses compagnons, et de vivre ce travail quotidien comme une louange au Seigneur. Au patron, qu’il combine les contraintes du marché, des actionnaires ou des banquiers, avec les besoins matériels et moraux de ses salariés et de ses collaborateurs, y compris leur vie familiale, leur dignité personnelle, la communauté qu’ils forment voire le sens de leur vie. En vivant ces tâches comme une offrande quotidienne à Dieu, et en faisant des produits bons et utiles, vendus correctement.
Il faut faire au mieux avec sa richesse grande ou petite, en fonction des appels du Seigneur
Que dire de celui qui a des moyens élevés, dépassant ce que lui demande une vie normale conforme à ses obligations sociales ? Sa priorité est que ces moyens soient utilisés en vue du bien commun. D’où deux types de questions. D’abord, quel est le niveau de dépenses jugées ‘normales’, qui découle de nos obligations sociales ? La réponse dépend de la société. Pas de la pression ambiante, tantôt excessive (dépenses somptuaires, immorales en regard de la pauvreté), tantôt insuffisante qualitativement (ainsi à notre époque de médiocrité collective). Il s’agit des dépenses, conçues raisonnablement, qui permettent de remplir dans la société le rôle positif qu’elle attend légitimement de celui qui a reçu des moyens importants. Ce qui va depuis le maintien d’un certain style, le modèle culturel, la construction d’édifices, l’artisanat d’art, etc. jusqu’à l’acceptation d’un rôle public rendu possible par ces moyens. Des circuits économiques de production légitimes et bénéfiques en vivent ; et le bien commun suppose que des personnes, ayant un certain effet d’entraînement sur les autres du fait de leur position et de leurs moyens, assument la promotion effective de telle ou telle valeur, ou style de vie.
Tout ce qui dépasse le niveau ci-dessus doit aller exclusivement dans le sens du Bien commun et cela vise deux grandes catégories : l’investissement et la générosité
L’investissement, la création de moyens de production de richesse collective futur est en soi bon. Ceci dit il faut l’orienter en fonction de facteurs qualitatifs, notamment éthiques : refuser de financer tout ce qui apparaît immoral, nocif, etc. Et favoriser tout ce qui est positif : l’emploi durable, le progrès moral, humain, technique, esthétique etc. On ne réfléchit pas assez au poids considérable que peut avoir une action collective en matière d’orientation des investissements, et donc des placements. Autant en effet il faut que certains donnent ce qu’ils ont et se dépouillent comme le jeune homme riche aurait dû, autant il faut que la richesse utile soit développée et gérée au mieux par des gens responsables et bienveillants. D’ailleurs même si quelqu’un se dépouille de tout ce qu’il possède, cette richesse est alors possédée par quelqu’un d’autre, qui a acheté ces biens. Il y a ici légitimement une fonction de détention privée à des fins d’investissement, consciemment et activement gérée dans le sens du bien commun.
La seconde grande catégorie d’utilisation de la richesse relève de la générosité et de la solidarité
Ce qui est donné qui aide des malheureux et démunis, soit directement, soit en finançant des œuvres qui les aident. On pourrait objecter que de nos jours la redistribution étatique y répond. De fait en France sur 1 euro supplémentaire gagné par un salarié très bien rémunéré, près des ¾ du coût pour l’entreprise va à l’Etat et au système social ; on pourrait se demander s’il faut alors encore donner. Posée ainsi la question confond deux plans distincts. Il est vrai qu’il y a un effet massivement redistributif, sans doute excessif, et d’une efficacité douteuse : le nombre et la marginalisation des exclus tendent en effet plutôt à augmenter. Mais la société fonctionne ainsi. Dès lors, tant que ce système subsiste, on ne saurait se dispenser d’un effort de réflexion sur ce qu’on a à faire avec ce qui nous reste, et cela en fonction de deux considérations. La première est celle de nos responsabilités. Comme notre mérite dans les prélèvements publics est nul, il est nécessaire, si on veut appliquer les préceptes évangéliques, de regarder ce que nous gagnons après toute fiscalité, et de donner une fraction de ce montant. La seconde considération est celle de la relative inefficacité de l’action publique, notamment dans le cas des plus déshérités et des exclus ; d’où l’utilité de financer les œuvres qui leur apportent ce dont ils ont le plus besoin, le soutien humain. S’y ajoute l’utilité évidemment de financer l’Église.
Quelle fraction donner ? Cela dépend évidemment de chacun, de ses charges, de son rôle dans la vie, de ses talents, de sa vocation
Est-il cependant possible de donner une idée de minimum ? Il me semble que l’Écriture et la tradition nous donnent une référence, qui est la dîme. Donnons au minimum le dixième de ce que nous gagnons vraiment (après impôt). La dîme est dans nos revenus la ‘part’ minimale de Dieu, c’est à dire ce qui est ‘pour Dieu’, les pauvres et les malades. Bien entendu ceci peut être réduit en cas de dépenses incompressibles résultant d’un devoir d’état, notamment familial.
Que dire des très riches ? Leur responsabilité est évidemment énorme
Cependant il y a des fortunes, donc des gens qui les possèdent, et c’est voulu par Dieu. Bien compris, c’est-à-dire comme une responsabilité collective confiée à quelqu’un, lourde mais passionnante, ce peut être très positif. En fait aucun des progrès qu’a pu effectuer l’humanité dans les sciences ou la culture, n’aurait été possible sans de riches personnes qui les ont assumés. Donc celui qui est dans cette situation, doit en assumer les exigences. Ce qui veut dire vivre au milieu des richesses sans en être le prisonnier, accepter de les perdre ou de les donner le cas échéant, et ordonner au mieux ces moyens dans un sens conforme au Bien commun. Mais malheur à lui si ses richesses le dominent …
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Pierre Dohet
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commentaires
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Oui, parce que le ne pas connaît pas la douleur de la misère. Lorsque l'autre pleur de faim à ses côtés il peut même penser que c'est une plaisanterie.
En ce qui concerne la parabole de l'intendant malhonnête, j'ai récemment entendu un commentaire qui m'a paru très pertinent et qui permet me semble-t-il d'éviter des "acrobaties de raisonnement": Dans les sociétés anciennes, y compris du temps de la ferme générale sous le royauté en France, il était courant que l'intendant ou que le fermier général majore significativement les sommes dues à son employeur afin de se pourvoir généreusement. (l'exemple bien connu est Fouquet vis à vis de Louis XIV). Dans la parabole, en fait l'intendant a émis de nouveaux billets de dettes se limitant strictement à ce que la personne devait à son maître et donc, de malhonnête auparavant en se servant largement au détriment des employés et non de son maître, il redevient honnête vis à vis de tous tout en protégeant son avenir.