Aux origines de l’investissement socialement responsable (ISR), on trouve les sin stocks
L’émergence des premiers investissements socialement responsables remonte au début du XXe siècle, aux États-Unis, dans le sillage du protestantisme anglo-saxon. Symboliquement (car il y aurait sans doute d’autres dates de naissance possibles), on fait remonter le premier fonds éthique à 1928, le Pioneer Fund, à l’initiative du Conseil fédéral des Églises américaines à Boston. On sait que ce fonds était dit « éthique » au sens d’une démarche d’exclusion, car il se refusait par principe d’acheter des titres d’entreprises dont l’activité était liée à l’alcool, au tabac ou aux jeux d’argent, bref d’investir dans ce que l’on a appelé, pour cette raison, les « sin stocks », c’est-à-dire les « actions du péché ». Dans ce type d’approche, devant qui juge-t-on que l’activité économique et financière doit être responsable ? On pourrait répondre : devant la conscience personnelle. Il s’agit alors d’assurer une cohérence entre l’éthique personnelle et les activités dans lesquelles l’investissement a lieu. Le présupposé d’une telle démarche est donc celui-ci : économie et finance ne peuvent pas être irresponsables devant la conscience personnelle, et donc il faut introduire une dimension de responsabilité à son égard. Voici pour la première vague de l’ISR.
La deuxième génération d’ISR prend en compte des enjeux politiques saillants de l’époque
La deuxième génération de fonds ISR prend naissance, toujours aux États-Unis, dans le contexte politiquement très mouvementé des années 1960. Cette fois-ci, il ne s’agit plus seulement d’assurer une compatibilité entre conscience individuelle et activité financière, mais de contribuer, par son investissement, aux grandes causes politiques du moment que sont la guerre au Vietnam et l’apartheid en Afrique du Sud. Par exemple, des fondations d’universités, sous la pression des mouvements étudiants, excluent de leur portefeuille des entreprises activement impliquées dans la guerre au Vietnam ou cautionnant le système de l’apartheid en Afrique du Sud. Dans ces initiatives, on voit donc qu’un pas est franchi : le champ de la responsabilité s’élargit, puisque l’on passe de la conscience individuelle ou d’un groupe religieux à une cause politique. L’activité économique et financière se doit non seulement d’être responsable vis-à-vis des valeurs de la conscience, mais aussi vis-à-vis de certaines décisions politiques qui sont critiquées : la sphère financière n’est pas coupée du politique et donc doit rendre compte de son attitude à son endroit.
La troisième génération d’ISR se concentre sur les enjeux sociaux
La troisième génération ISR, qui naît dans les années 1970, toujours et encore aux États-Unis, introduit une nouvelle extension du concept de responsabilité. En effet, il est de coutume de faire remonter à 1971 et au Pax World Fund la naissance du premier fonds éthique à utiliser la méthode « best in class » et surtout les critères qui deviendront, plus tard, les critères dits ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Ici, ce n’est plus des enjeux politiques qu’il s’agit, mais d’enjeux proprement sociaux, avec la prise en compte des questions du travail, de l’emploi, de la gouvernance d’entreprise, etc. Comme on peut le constater, le domaine de la responsabilité s’élargit encore : après la conscience, après le politique, c’est le social qui est l’instance face à laquelle l’économique est prié de prendre ses responsabilités, au sens où nous appelons « sociales » toutes les questions ayant trait aux relations de travail dans l’entreprise, au dialogue (appelé pour cette raison « dialogue social »)entre syndicats et patrons, etc.
La quatrième génération d’ISR intègre les enjeux écologiques
Il s’agit là encore d’une une nouvelle donne : la question de l’écologie et du « développement durable ». En 1988 est lancé en Grande-Bretagne le Merlin Ecology Fund, devenu l’année suivante le Jupiter Ecology Fund, pionnier de la « finance verte » et du lien entre finance et « développement durabl »e. On assiste alors à une véritable extension du domaine de la responsabilité : à partir de ce moment-là, l’instance devant laquelle économie et finance sont tenues d’être responsables n’est plus seulement la conscience, la politique ou la société, mais c’est la nature, c’est l’environnement tout entier, le monde…
Aujourd’hui, faut-il penser l’intégration de l’homme dans l’ISR ?
Aujourd’hui, on assisterait à une prise de conscience que ce n’est pas seulement la société qui s’engage envers l’économie et la finance, c’est, plus largement, l’homme, et il le fait avec tout ce qu’il est, à savoir, avec sa force de travail, ses compétences, sa créativité, son sens du dépassement de soi, etc. Dans ce cadre, le passage de l’investissement socialement responsable à l’investissement humainement responsable ne serait qu’un élargissement : que fait la finance, que fait l’économie, en retour, pour l’homme en tant que tel ?
Mais ici, une objection pourrait à bon droit être soulevée : il est vrai que l’homme est déjà inclus dans l’ISR tel qu’il est actuellement pratiqué, car, parmi les différentes composantes de l’ISR, il y a les droits humains ou les droits de l’homme. Déjà, dans les années 1960, on avait assisté à une convergence de l’ISR et du combat pour les droits civiques, par exemple dans les luttes menées par Martin Luther King ou dans la question de l’apartheid, qui n’était pas qu’une question politique, mais une question de droits de l’homme !
Il faut répondre à cela que la promotion de l’homme n’est pas seulement commandée par une logique d’extension du champ de la responsabilité, car quelque chose a radicalement changé. L’extension est en fait rendue impérieuse par les problématiques totalement inédites apparues à la toute fin de notre chronologie, à savoir à partir des années 1990 – comme, par exemple, celle des biotechnologies, celle de certains des droits dits « sociétaux », celle, toute récente, du « transhumanisme ».
modérateur du thème :
Pierre Dohet
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Vous allez un peu vite en besogne, il me semble. Le sens commun existe, et chez une majorité de personnes; sauf que cette majorité devient muette car on la stigmatise sans cesse. Il ne s’agirait pas de contester la doxa du parti de la bien-pensance qui nous gouverne et manipule par politiciens et merdias interposés, et constamment veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Quand j’entends sur KTO ou France-Culture, ou lis dans La Croix, Isabelle de Goldwyn, je suis sidéré. Même dans ce journal catholique on nous présente le bien comme un mal et vice-versa, sous prétexte des Droits de l’Homme ! Des minorités agissantes et sectaires veulent interdire à la société de penser selon l’ordre naturel des choses, mais le sens commun sait, par exemple, qu’un phallus n’a pas vocation à jouir dans un rectum; qu’un fœtus qu’on démembre souffre, quoiqu’en dise le président de l’ordre des médecins. Et l’Eglise doit l’affirmer Haut et fort.