Les chrétiens d'Orient vont-ils disparaître ?
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1.
Le Moyen-Orient est au centre du monde et il fait la Une de l’actualité en permanence avec le conflit israélo-palestinien qui dure depuis 65 ans, 10 ans de guerre entre l’Irak et l’Iran dans les années 80, les « guerres du Golfe » et aujourd’hui l’émergence de l’État Islamique depuis l’été 2014 avec la prise de Mossoul. Cela provoque un exode de 1,3 millions de personnes dont 125 000 chrétiens qui ont fui vers Erbil, la capitale du Kurdistan, ayant tout perdu en quelques heures, pour ne pas renier le Christ. L’AED essaie d’aider pour la nourriture, les logements et les écoles. La Syrie est également plongée dans la guerre depuis 2011, et cela a aussi suscité un exode massif qui crée des problèmes insolubles. Pourquoi tout cela ? Il faut distinguer deux responsabilités : la responsabilité locale et la responsabilité étrangère.
Le Moyen-Orient est géographiquement le centre du monde, à l’intersection de trois continents.
Le Moyen-Orient à proprement parler est en Asie. C’est aussi le centre du monde historique : c’est là que tout a été inventé : l’écriture, la civilisation... C’était précisément en Mésopotamie qui veut dire, en grec, « entre les fleuves ». Ces deux fleuves sont le Tigre et l’Euphrate : c’est l’Irak.
C’est le centre du monde religieux aussi : c’est là que les trois monothéismes sont nés.
Tout d’abord, Abraham. Abraham est un Irakien ! Il vient de Ur en Chaldée. Les Chaldéens, c’est encore le nom donné aujourd’hui aux chrétiens irakiens. C’est un rite catholique. Vous savez que dans l’Eglise catholique, il y a plusieurs rites. La plupart sont au Moyen-Orient : les maronites, les coptes, les chaldéens, les melkites, les syro-malabars (en Inde), les syro-malankares, etc. Les Chaldéens sont le nom des chrétiens en Irak. Ur, en Chaldée, était cette zone géographique d’où est parti Abraham ; Dieu lui dit d’aller vers l’Ouest et d’aller vers ce que l’on appelle aujourd’hui Israël, la Terre Sainte. Ensuite, le Christ. On passe au christianisme. Dieu aurait pu choisir de s’incarner n’importe où : à Paris, au Zimbabwe, au Malawi... Il a choisi de s’incarner en Terre Sainte et dans un peuple bien précis, le peuple juif. Aujourd’hui encore, dans la Bible, 80 % au moins du texte, c’est la Torah, la Bible des Juifs. Le Nouveau Testament est le petit appendice à la fin, qui change certaines choses, mais il y a une continuité. Et enfin, l’Islam. Mahomet, entre la Mecque et Médine, dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’Arabie Saoudite. L’Islam reprend un certain nombre d’éléments du judaïsme et du christianisme, tout en en faisant sa mixture personnelle, ce qui aboutit à la fin à un produit sensiblement différent.
Cette région du monde fait la Une de l’actualité en permanence.
Bref, on est bien dans une région au centre du monde et dont on entend parler tout le temps. Même si, techniquement aujourd’hui, le centre du monde est en train de se déplacer vers l’est (ou vers l’ouest, la Terre est ronde) : le centre du monde, c’est de plus en plus la zone pacifique, les Etats-Unis et la Chine. Reste que cette région du monde fait la Une de l’actualité en permanence.
Le conflit israélo palestinien dure depuis 65 ans et il pose des problèmes de fond évidemment, mais l’actualité du Moyen-Orient ne peut s’expliquer uniquement à partir de là.
Les deux pays dont on parle le plus actuellement sont l’Irak et la Syrie, mais tout est lié au Moyen-Orient. Le conflit israélo-palestinien est important mais on en parle depuis 65 ans. Le problème avec ce conflit israélo-palestinien est qu’il sert d’excuse pour tout le monde ; on dit que c’est toujours la faute de ce conflit, et donc la faute des Israéliens, à la fin. Clairement, l’établissement d’un foyer juif et la création d’un Etat d’Israël a un tout petit peu compliqué les rapports politiques de la région ; mais de là à en faire l’excuse indépassable de tout le chaos qui existe au Moyen-Orient, c’est évidemment absurde.
Un exemple : dans les années 80, il y a eu une guerre de dix ans entre l’Irak et l’Iran et cela n’a rien à voir avec Israël : un million de morts dans chaque pays.
A l’époque, la France vendait des armes aux deux pays, en veillant à l’équilibre de la terreur, pour que la guerre dure plus longtemps, pour que l’on puisse vendre plus d’armes. Une image m’a marqué (j’étais adolescent) : on distribuait des petites clés en plastique aux enfants iraniens, c’était la clé du paradis ! On disait aux enfants : « Allez courir dans les champs ! ». Sauf que c’étaient des champs minés ; c’était pour dégager le terrain, afin que l’armée iranienne puisse passer. Il y a eu un certain nombre de victimes. Bref, c’est juste un exemple : rien à voir avec le conflit israélo-palestinien.
Durant l’été 2014, la prise de Mossoul par l’Etat Islamique a constitué un tournant dans la région
L’actualité de l’été dernier, c’est-à-dire l’apparition de l’Etat Islamique et la prise de Mossoul sont un moment clé pour comprendre l’évolution actuelle. Mossoul est la deuxième plus grande ville d’Irak, dans le nord du pays ; c’est l’ancienne Ninive. Vous savez, Jonas qui ne voulait pas aller convertir les habitants de Ninive ; il fuit, se fait attraper par une baleine (il a dû partir loin quand même, car il n’y a pas du tout de baleine autour de Mossoul !) Finalement, il revient ; il a trois jours pour les convertir. Au bout d’un jour, même le roi se couvre de cendres. Il faudrait un nouveau Jonas aujourd’hui ! Car pour les habitants de Mossoul aujourd’hui, ça reste très compliqué !
La chute de Mossoul a eu lieu en juin 2014 avec dans la foulée, la prise de la plaine de Ninive qui entoure la ville, en août : c’est là que se trouvaient une grande partie des chrétiens d’Irak.
De toutes ces villes chrétiennes, tout le monde a fui. Ils ont eu à peu près deux heures pour partir ; ils ont pris une petite valise avec leurs affaires, leurs albums photos, leur argent, les clés de voiture. Il y a eu des barrages en route : on leur a tout pris, TOUT ! Ils n’ont plus rien. On a même arraché les boucles d’oreille aux femmes. Ils sont arrivés exténués, pas très loin de là, à Erbil, la capitale du Kurdistan. Le Kurdistan est cette petite bande au nord-est de l’Irak, peuplée de Kurdes, alors que le reste du pays est arabe. Mossoul-Erbil, cela fait moins de 100 km.
125.000 chrétiens ont fui vers Erbil en ayant tout perdu en quelques heures, mais au total, 1,3 millions de personnes ont pris la fuite
Ils sont arrivés là, et ils sont là depuis ce moment-là, à l’abri – ce qui est déjà une bonne chose dans le contexte de l’Irak aujourd’hui – mais en ayant tout perdu. 125 000 chrétiens sont partis, mais il n’y avait pas qu’eux : 1,3 millions de réfugiés. 10 % sont chrétiens. Qui sont les 90 % autres ? Les Yézidis. C’est une minorité religieuse. Ils ne sont pas considérés par les musulmans comme étant des musulmans. D’ailleurs, ce ne sont pas des musulmans. C’est une espèce d’antique religion orientale qui s’apparente un peu au zoroastrisme perse. Du coup, ils sont méprisés de manière absolue. Eux ont eu des morts, alors que les chrétiens ont eu la possibilité de fuir. Il y a aussi des Chiites qui sont partis, et aussi des Sunnites modérés qui ne voulaient pas être contrôlés par l’Etat Islamique. Tout le monde est parti.
Ces gens-là ont été d’abord accueillis par des grandes organisations internationales : on les a mis sous des tentes.
Ils se sont installés n’importe où : sur les places publiques, dans des écoles (car c’étaient les vacances scolaires), dans des centres commerciaux en construction... On leur a donné un peu à manger et à boire mais ensuite, personne ne s’en est occupé. Pour les musulmans, il y a une solidarité communautaire. Mais pour les chrétiens ?
Les chrétiens représentent 1 % de la population irakienne et 10 % des réfugiés et seule l’Église et ses mouvements s’en occupent
Les chrétiens ont donc été proportionnellement beaucoup plus concernés que les autres par cet exode. C’est l’Église sur place qui s’en occupe. Mais l’Église locale n’a pas les moyens. Donc des organisations catholiques internationales – dont l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED) – leur sont venues en aide à ce moment-là, et heureusement. Nous, à l’AED, on a débloqué 4 millions € début octobre (c’est quelque chose que l’on ne fait pas tous les jours), pour trois choses : d’abord, leur donner à manger et à boire. Toutes les familles ont été enregistrées et elles reçoivent tous les mois des colis alimentaires. Ensuite, on s’est occupé de leur logement, car la tente, ça va une semaine : en hiver, il fait très froid car on est au pied des montagnes du Kurdistan. On a loué des appartements, on a construit des logements, des préfabriqués.
L’AED essaie d’aider pour la nourriture, les logements et les écoles
Il y a donc des villages entiers construits en préfabriqué. J’y suis retourné fin octobre pour voir cela : ce n’est pas ultra confortable, mais au moins ils sont à l’abri, ils sont un peu chez eux. Et enfin, des écoles. Car, parmi eux, il y a beaucoup d’enfants qui ont tout perdu aussi. Et s’ils ne sont pas scolarisés, définitivement, ils n’ont aucun avenir. Vous me direz : « Ils pourraient aller dans les écoles kurdes ». Sauf que les écoles kurdes sont pleines d’enfants kurdes ; d’autres écoles sont encore occupées par des réfugiés ; et enfin il y a un problème de langue : les kurdes parlent kurde, les chrétiens sont arabes, donc arabophones ; l’arabe et le kurde ne sont pas la même langue, ce qui complique d’ailleurs un petit peu l’avenir des chrétiens au Kurdistan : ils ne parlent pas la langue du territoire où ils sont. On est actuellement en train de construire huit écoles.
On leur a dit : « Vous vous convertissez à l’Islam, vous partez, ou on vous tue » et ils ont tous choisi de rester fidèles au Christ !
Ces gens-là sont à bout, ils sont traumatisés, ils ont frôlé la mort. Ils avaient le choix : « Vous vous convertissez à l’Islam, vous partez, ou on vous tue ». Grâce à Dieu, ils ont eu la possibilité de partir. Ils sont tous partis. Je n’ai pas connaissance d’une seule personne ou famille qui ait choisi l’option « Je me convertis à l’Islam ». Pourtant, cela aurait été beaucoup plus simple : ils auraient pu rester chez eux, garder leur maison, continuer tranquillement à vivre dans la même ville dont ils étaient originaires depuis des générations et des générations depuis deux mille ans ! En plus, ils auraient certainement eu une grosse récompense. Ils ont renoncé à tout cela. Ils ont tout perdu.
Ils sont dans une insécurité totale parce qu’ils n’ont pas voulu abandonner le Christ
Ils ne sont certes plus en danger de mort au Kurdistan mais ils n’ont aucun avenir, matériellement en tout cas : tout cela parce qu’ils n’ont pas voulu abandonner le Christ. C’est très étonnant.
J’avais déjà été en Irak avant et j’avais rencontré un fermier irakien qui avait été pris en otage pendant dix jours. Il venait d’être libéré depuis quelques heures quand je l’ai vu, encore sous le choc. Il avait payé 60 000 dollars pour sa libération. 60 000 dollars pour nous, c’est déjà une somme coquette. Mais pour un fermier irakien, c’est une somme considérable, c’est le travail de toute une vie qui est parti en fumée. Il avait eu la possibilité de ne rien payer. Vous l’aurez compris, il aurait suffit que lui et toute sa famille se convertisse à l’Islam, chose qu’il n’avait pas faite. Quand je suis face à ce genre de personne, je me pose toujours la question : « Qu’aurais-je fait à sa place ? » Il a tout perdu, il est ruiné, il est toujours en insécurité, tout cela parce qu’il n’a pas voulu abandonner le Christ. C’est ce qu’ont vécu ces 125 000 chrétiens de la plaine de Ninive : ils auraient pu rester chez eux. Ils ont préféré tout perdre pour rester fidèles au Christ. Quel est leur avenir ? On ne sait pas. Ils ne parlent pas la langue, n’ont pas de travail (ils ont quand même tous envie de partir), mais notre mission est de leur permettre de tenir en espérant des jours meilleurs.La Syrie est en guerre depuis 2011, et cela a suscité un exode massif qui crée des problèmes insolubles
En Syrie, juste à côté, il y avait 21 millions d’habitants il y a quatre ans, au moment où la guerre a commencé. On est à 220 000 morts (c’est au moins le triple pour la France proportionnellement, cela fait 650 000 à 700 000 morts). Il n’y a pas une seule famille qui n’ait pas un ou plusieurs parents qui sont morts. Et on est à 12 millions de réfugiés ; cela veut dire à peu près 37 millions pour la France : 37 millions de personnes en France qui devraient abandonner leur logement. On a du mal à imaginer. Derrière ces 37 millions, chaque personne est unique ; ce ne sont pas des foules anonymes. Chaque personne a dû abandonner son logement et partir : 4 millions à l’étranger, vers les pays avoisinants (ce qui n’est pas sans poser de problème, d’ailleurs), notamment au Liban, et 8 millions de déplacés à l’intérieur du pays – pays ruiné.
C’est une catastrophe totale, alors que c’est un pays qui allait assez bien il y a quatre ans, avec 8 à 9 % de croissance économique.
Certes, ce n’était pas une démocratie, mais les gens vivaient assez bien. C’était le pays du Moyen-Orient où les chrétiens étaient le moins discriminés, en-dehors du Liban (qui est un cas à part parce qu’il y avait une majorité chrétienne, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui). Donc en-dehors du Liban, la Syrie était clairement le pays où les relations entre chrétiens et musulmans étaient les moins mauvaises. Tout cela a disparu.
On peut parler du martyre des chrétiens, même pour ceux qui ne sont pas morts
A la « Nuit des Témoins » en mars 2015, il y avait une religieuse libanaise de Beyrouth, la capitale du Liban, qui accueille toute la journée des réfugiés syriens, et parmi eux beaucoup de chrétiens. Elle a des histoires horribles. Cette fille chrétienne de 16 ans violée plusieurs fois dans la même journée par plusieurs djihadistes différents, uniquement parce qu’elle était chrétienne. Ou cette mère de famille de 20 ans qui avait son fils sur ses genoux et qui a été tué à bout portant sur ses genoux. Tout cela parce qu’ils étaient chrétiens. Il y a un moment donné où être fidèle au Christ dans ces régions devient pesant. Alors peut-on parler de martyre ? Normalement, le martyr, c’est quelqu’un qui est mort. Cette fille et cette femme ne sont pas mortes ; mais on peut parler de martyre d’humiliation, de souffrance, et c’est aussi le cas des 125 000 qui sont partis. Ils ont tout perdu pour la simple raison qu’ils sont chrétiens. On est dans une situation douloureuse. Cela, cet exode massif des chrétiens d’Irak, vous le saviez déjà.
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2.
En ce qui concerne la responsabilité locale, force est de constater tout d’abord que nous assistons aujourd’hui à une radicalisation de l’Islam qui diminue la possibilité même du « vivre ensemble ». Cet Islam radical, l’Islam sunnite wahhabite pratiqué en Arabie Saoudite et au Qatar, est en train de supplanter tous les autres Islams qui existaient avant, financé par les pétrodollars. Mais l’Islam se radicalise aussi parce qu’il est en crise : 1°/ par rapport à la modernité, 2°/ par rapport à la mondialisation, et 3°/ de manière plus surprenante, à cause de l’attraction du christianisme et des très nombreuses conversions dans le monde musulman. En réaction à cela, les islamistes, qui sont dans une impasse, recourent à la violence et à un retour fantasmé à la « gloire » des origines. L’instauration du mode de vie en vigueur dans la première communauté musulmane de la péninsule arabique au 7ème siècle est l’objectif et l’horizon indépassable de ces extrémistes.
Force est de constater tout d’abord que nous assistons aujourd’hui à une radicalisation de l’Islam : la possibilité de vivre ensemble disparaît.
Cet Islam qui se radicalise, qui devient extrémiste, cela diminue la possibilité de vivre ensemble, de manière évidente. Ces musulmans extrémistes ne veulent plus vivre avec les autres religions, voire avec les autres sensibilités religieuses ; donc les chrétiens doivent partir, ils n’ont plus rien à faire là. Et les Yézidis, les Druzes, les Alaouites, les Chiites et les Sunnites modérés (c’est-à-dire les musulmans modérés qui n’acceptent pas cet Islam rigoriste), tout le monde doit partir. C’est l’une des explications de cette guerre, de ce chaos ; on fait fuir les gens, on les tue. C’est une raison essentielle.
L’Islam qui pose problème est l’Islam sunnite wahhabite pratiqué en Arabie Saoudite et au Qatar
Wahhab était un religieux de la péninsule arabique au XVIIIe siècle qui a fait une alliance avec la tribu des Saoud - d’où le nom « Arabie Saoudite » - qui prônait un Islam rigoriste ultra radical. C’est cet Islam qui est pratiqué aujourd’hui dans la péninsule arabique et qui, malheureusement, tend à se répandre partout dans le monde. Quand je dis « malheureusement », ce n’est pas à moi de dire aux musulmans comment pratiquer leur Islam. Je dis « malheureusement », car cela a des répercussions, dans le sens où les autres sensibilités religieuses ne peuvent plus vivre avec eux.
Cet Islam rigoriste ultra radical est en train de supplanter tous les autres Islam qui existaient avant, à cause des pétrodollars notamment.
Il n’y a pas UN Islam, il y a plein d’Islam : l’Islam africain (et encore, il faut dissocier l’Islam sénégalais, l’Islam ivoirien, l’Islam malien, l’Islam tchadien, etc.), l’Islam qui était vécu autrefois au Pakistan, l’Islam pratiqué en Europe, même s’il est plus récent. En Afrique, l’Islam était beaucoup plus tolérant (même s’il y a eu des djihads, de l’esclavage de masse), comparé à cet Islam wahhabite. Or aujourd’hui, et depuis trois ou quatre décennies, il y a cette expansion de l’Islam wahhabite partout dans le monde. Pourquoi ? Parce que, tout d’abord, il est financé par les pétrodollars (les pétrodollars sont les dollars qui viennent du pétrole et du gaz, de l’énergie).
Ces pays sont ultra riches. Ils financent la construction de mosquées partout dans le monde, ils font venir des imams pour les former (en leur inculquant leur Islam rigoriste).
Enfin, il y a des personnes de tout le Moyen-Orient qui viennent là-bas pour travailler ; au bout de trois ou quatre ans, ils repartent chez eux, totalement transformés dans leur manière de pratiquer l’Islam et également acquis à cet Islam rigoriste. Donc cet Islam wahhabite se répand partout sur la planète, financé par les pétrodollars.
L’Islam se radicalise aussi parce qu’il est profondément en crise
Il ne faut pas négliger cette deuxième raison : pourquoi une religion ou une idéologie en viennent-elles à se radicaliser ? En général, c’est souvent pour lui permettre d’échapper à une crise. Par exemple, la Révolution française commençait à s’essouffler : on a inventé la Terreur : on radicalise la Révolution pour la sauver. On est aujourd’hui en train de radicaliser l’Islam car, en réalité, l’Islam est en crise, et même trois crises.
1°/ L’Islam est d’abord en crise par rapport à la modernité.
Les musulmans se rendent bien compte que ce ne sont pas eux qui ont inventé les rétroprojecteurs, les Iphone, les voitures, l’électricité, et tout ce qui fait notre quotidien. Je ne fais pas l’apogée de la modernité. Je constate simplement qu’ils se rendent compte qu’ils ne créent plus rien ; il n’y a plus d’innovation. Or, autrefois, il y en avait ! Au début de l’Islam, ils ont conquis la moitié de la planète (du monde connu, en tout cas) – cela ne venait pas que d’eux, ils ont puisé dans les textes de l’Antiquité traduits du grec en arabe par des moines chrétiens – ils ont puisé à la culture indienne, chinoise auxquelles ils avaient accès ; ils ont su profiter de tout cela, il y avait une espèce d’innovation, de création. Peut-être parce qu’au IXe siècle, lorsqu’ils ont supprimé la possibilité d’interpréter leurs textes sacrés, cela a eu un effet stérilisant ; ils ne pouvaient plus réfléchir, ils ne pouvaient plus créer à partir de là. En tout cas aujourd’hui, plus rien ne vient d’eux : aucune innovation technologique, littéraire, culturelle, culinaire, ils n’inventent rien : quelle frustration ! Alors ils se disent : « Autrefois, on était puissants, et maintenant, on ne sait plus faire ». Ils sont comme face à un mur.
Comment réagir dans une telle impasse ? Beaucoup recourent à la violence et aspirent à revenir au mode de vie des origines
Le recours à la violence est facilité par l’importance des versets qui invitent à la violence dans leurs textes sacrés, mais il y a aussi ce retour fantasmé à la gloire des origines ; ils se disent : « Redevenons comme nous étions à ce moment-là ! A l’époque, nous avions la Baraka, c’est-à-dire la bénédiction de Dieu. Reproduisons les faits et gestes, les paroles de Mahomet et de ses premiers disciples, et nous serons à nouveau puissants comme à l’époque ». C’est assez logique. Ils n’ont pas besoin d’inventer : avec les hadiths (les actes, les paroles de Mahomet et de ses disciples), il suffit qu’ils appliquent ce qu’ils lisent ! Ils sont très pieux, très littéraires, littéralistes presque ; et donc ils appliquent ce qui faisait le quotidien des premiers musulmans, c’est-à-dire des arabes de culture bédouine dans la péninsule arabique au VIIe siècle..
Ce sont les salafistes qui prônent cet Islam-là, qui est en train de se développer en France.
Ils vont mettre des djellabas mi-mollets car ils s’habillaient comme ça à l’époque. Ils ne vont pas se raser, car il n’y avait de rasoir à l’époque. Ils ne vont pas se laver les dents avec du dentifrice, parce qu’il n’y avait pas de dentifrice à l’époque. Ils vont mâcher des brindilles. Ils vont traiter la femme comme on la traitait à l’époque dans la culture bédouine de la péninsule arabique au VIIe siècle, c’est-à-dire comme pas grand-chose. Ils vont épouser des filles de moins de dix ans, parce que ça se faisait comme ça à l’époque. Mahomet a épousé treize femmes ; parmi elles, la plus connue, Aïcha, avait sept ans. C’était un homme pieux, il a attendu qu’elle ait neuf ans pour la consommer. Ce qui fait qu’aujourd’hui sur le marché à Mossoul, les filles de dix ans sont celles qui ont le plus de valeur. Entre dix et vingt ans : beaucoup moins de valeur. Après vingt ans : soldées. Je n’invente rien. Ils appliquent ce qu’ils lisent dans leurs textes sacrés. Ils espèrent par là revenir à une gloire des origines. Leur horizon est la culture bédouine du VIIe siècle : cela va être un peu compliqué pour le « vivre ensemble » ! Donc : crise par rapport à la modernité.
2°/ l’Islam est en crise par rapport à la mondialisation.
Aujourd’hui, la mondialisation, c’est une occidentalisation - plus précisément, une américanisation. Nous, on ne se rend pas compte, car on est déjà américanisé. Je ne dis pas que c’est bien ou pas bien : c’est comme ça. Le rouleau compresseur de cette culture - dans le sens large du terme - propagée par Internet, par Hollywood, par les médias fait que, petit à petit, toutes les cultures du monde se voient transformées par cette espèce de culture mondiale occidentalo-américaine. Certaines cultures réagissent. Pourquoi y a-t-il une montée du fondamentalisme hindou en Inde aujourd’hui ? Parce qu’ils veulent conserver un peu leur culture, leurs spécificités. Je ne justifie pas leur violence ni cette réaction qui, d’ailleurs, va bientôt compliquer un peu la tâche pour les chrétiens en Inde. Les Chinois réagissent aussi, les musulmans réagissent aussi : ils veulent garder une espèce de spécificité, leur propre culture. C’est plutôt une réaction saine : encore une fois, je ne justifie pas la manière de réagir. Mais il y a une vraie crise par rapport à la mondialisation.
La mondialisation véhicule des valeurs occidentales et/ou des valeurs chrétiennes
Dans cette mondialisation, dans cette occidentalisation, dans cette américanisation, qu’on le veuille ou non, il y a des fondements judéo-chrétiens – voire surtout chrétiens : des valeurs de tolérance, de respect de l’un de l’autre, d’égalité de tous... C’est assez étranger à ces cultures-là : l’égalité de tous dans la culture hindoue ou indienne, cela n’a aucun sens : c’est le système des castes ! L’égalité homme-femme n’a aucun sens pour les arabo-musulmans. Donc tous réagissent : crise par rapport à la mondialisation.
3°/ L’Islam est en crise, de manière plus surprenante, à cause de l’attraction du christianisme.
Les musulmans se rendent compte que le christianisme attire aujourd’hui. Nous, on ne s’en rend pas compte : on est à 3 ou 4% de pratiquants en France. L’Occident est quand même dans une espèce d’apostasie générale, de coma spirituel. L’attraction du christianisme peut donc vous sembler surprenante. Voyagez ! Allez en Afrique, allez en Asie, allez même au Moyen-Orient ! Le christianisme attire de plus en plus et les musulmans s’en rendent compte.
Il y a de plus en plus de conversions partout dans le monde, même si on ne peut pas trop en parler
Surtout eux-mêmes n’en parlent pas, car normalement, on n’a pas le droit de quitter l’Islam. L’apostasie est punie de mort, théoriquement ; en général, c’est la famille qui s’en occupe. Donc ils restent discrets. Mais vous avez des conversions. L’année dernière, un imam saoudien s’alarmait du fait qu’il y avait 6 millions de musulmans africains qui se convertissaient chaque année au christianisme. Je ne sais pas d’où il tenait ce chiffre : est-il vrai, exagéré ? ... En tout cas, il était alarmé et, du coup, il a émis une fatwa, c’est-à-dire un avis juridique qui a force de loi, pour la destruction de toutes les églises de la péninsule arabique. En fait, ils ont peur de nous ! C’est l’une des raisons aussi pour lesquelles ils nous chassent : ils ne veulent pas qu’il y ait des chrétiens, ils ne veulent pas que des chrétiens puissent témoigner de leur foi, que Dieu est Amour, que l’on peut vivre ensemble ; cela ne va pas du tout dans leur case mentale ! Eux, ils sont : « Tout le monde doit appliquer notre Islam, sinon vous ne pouvez pas rester ! » Ce n’est pas possible.
A cause de ces trois crises et des pétrodollars, il y a une OPA de l’Islam radical sur l’Islam modéré
Donc trois crises de l’Islam : modernité, mondialisation, attraction du christianisme qui font que l’Islam se radicalise aujourd’hui ; on le constate malheureusement chaque jour. C’est comme une OPA de l’Islam radical sur l’Islam modéré. La plupart des musulmans sont modérés aujourd’hui, sauf qu’ils ne peuvent pas parler. S’il y en a un qui parle, il risque gros. Ils sont un peu timides. Petit à petit, l’Islam radical prend le dessus, et notamment au Moyen-Orient, ce qui explique la fin des chrétiens là-bas, leur exode, et pas seulement l’exode des chrétiens mais de tous ceux qui ne suivent pas l’Islam rigoriste tel qu’il est pratiqué dans la péninsule arabique. L’expansion de cet Islam est financée par les pétrodollars. C’était la première responsabilité locale.
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3.
Deuxième responsabilité locale : la guerre entre Sunnites et Chiites, qui n’est pas réellement une dispute doctrinale mais bien plus une lutte à mort entre l’Arabie Saoudite et l’Iran pour la suprématie régionale. Pour briser l’arc chiite (Iran, Irak, Syrie (Alaouites) et Liban (Hezbollah) qui le menace, l’Arabie Saoudite cible le « maillon faible », à savoir la Syrie dont la majeure partie de la population est sunnite. Objectif : renverser Bachar el Assad pour mettre les Sunnites au pouvoir, d’où la guerre en Syrie.
Deuxième responsabilité locale : la guerre entre Sunnites et Chiites, qui est l’une des raisons essentielles de la guerre en Syrie.
Sur les deux grandes branches de l’Islam, 90 % des musulmans sont Sunnites (« sunnite » vient du mot « sunna », la « tradition »), et 10 % sont Chiites ; « chiite » vient de « chia » qui veut dire « partisan ». Partisan de qui ? Partisan d’Ali, le cousin de Mahomet, son gendre. Dès le début dans l’Islam, il y a eu une division. Mahomet meurt ; Ali, le premier à l’avoir suivi, pense devenir calife, le chef ! Mais ce n’est finalement pas lui. Le premier calife, c’est Abou Bakr, l’un des beaux-pères de Mahomet (Abou Bakr, c’est aussi le nom de l’actuel pseudo-calife autoproclamé de Mossoul : Abou Bakr al-Baghdadi, parce qu’il vient de Bagdad). Ensuite : Omar, deuxième calife, également un beau-père de Mahomet (les quatre premiers califes : deux beaux-pères, deux gendres). Il meurt assassiné. Troisième calife : Othman, gendre de Mahomet, il meurt assassiné. Quatrième calife : Ali, gendre de Mahomet, il meurt assassiné. Cette tension entre Chiites et Sunnites a toujours existé, avec des hauts et des bas.
Aujourd’hui c’est la guerre totale, pour des raisons de suprématie régionale
Ils ne se font pas la guerre pour des questions doctrinales ; personne ne connaît l’Islam, pas même les musulmans (à la limite, les Chiites connaissent un peu mieux que les Sunnites). En tout cas, ce n’est pas pour une dispute théologique qu’ils se font la guerre. La question, c’est : qui va être le patron du Moyen-Orient ? Le champion des Sunnites est l’Arabie Saoudite, concurrencée aujourd’hui par le Qatar. Ils ont le même Islam, exactement. Mais le Qatar est très puissant aujourd’hui, plein de gaz : il voudrait être le premier aussi, sauf qu’il est tout petit, c’est une grenouille qui rêve d’être un bœuf. Le champion des Chiites, pas loin, il suffit de traverser le Golfe Persique : l’Iran. Ils se font la guerre, pas directement, mais par intermédiaires. L’Iran est une vraie civilisation : les Perses. Il y a des temples qui datent d’avant Jésus-Christ; c’était une civilisation assez fine. Alors que la péninsule arabique, c’est la catastrophe : s’il n’y avait pas eu le pétrole, ils seraient encore en train de se promener avec leurs dromadaires dans le désert et de boire du thé à la menthe. Ce n’est pas péjoratif ! Je trouve même que c’est plus intelligent de se promener avec des dromadaires dans le désert et de boire du thé à la menthe que d’être pris dans les bouchons sur le périphérique à Paris. Mais en termes de rayonnement culturel, c’est assez limité.
La puissance financière sans limite de ces pays est la raison de leur influence
Au début du XXe siècle, l’Islam était moribond. C’est parce que l’on a découvert du pétrole et du gaz que, d’un seul coup, ils ont acquis cette puissance financière qui a fait qu’ils dominent en quelque sorte le monde aujourd’hui. D’ailleurs, c’est une question que je poserai à Dieu : pourquoi avez-vous donné autant de pétrole et de gaz aux arabo-musulmans ? C’est une vraie question. Toute cette guerre qui se répand partout en Afrique et en Asie et maintenant en Europe – cela va venir - est liée à leur puissance uniquement due au pétrole et au gaz, pour lesquels ils n’ont aucun mérite : c’était juste sous leurs pieds.
Aujourd’hui l’Arabie Saoudite craint d’être encerclée par le monde chiite et elle réagit
Dans cette guerre qui oppose l’Arabie Saoudite à l’Iran, la péninsule arabique commence à avoir un peu peur, elle est encerclée : un arc chiite, tel un couvercle, surplombe la péninsule arabique : l’Iran, poids lourd démographique de la région, qui est en train de prendre de l’importance ; même les Américains s’en rapprochent. On va vers l’ouest : l’Irak, majeure partie de la population chiite, 65 % de la population. Avant, c’était dominé par des Sunnites ; Saddam Hussein était sunnite, les sunnites étaient les patrons de l’Irak, c’était un grand pays. Maintenant, ce sont les chiites au pouvoir, car on a exigé la démocratie. La démocratie, dans ces pays-là, c’est l’ethnie ou la religion la plus nombreuse qui prend le pouvoir ; donc les chiites ont le pouvoir.
La Syrie est devenue leur objectif car la majeure partie de la population est sunnite, mais ceux qui sont au pouvoir, dont Bachar al-Assad, sont Alaouites.
Les Alaouites sont une secte chiite. Donc les patrons de la Syrie sont chiites. Et on finit au Liban, où il y a encore un tiers de chrétiens, il y a des Sunnites, et il y a ceux qui font la pluie et le beau temps au Liban aujourd’hui : le Hezbollah, chiite, armé et financé par l’Iran. Tout cela se tient. Il y a un cordon, une communication. Il y a aussi des Chiites dans le Golfe Persique, c’est normal, il y a une proximité avec la Perse (l’Iran), les Emirats Arabes Unis, même des poches chiites en Arabie Saoudite. Problème : c’est là qu’il y a le pétrole. Pour les Wahhabites, les Chiites ne sont même pas des musulmans ! C’est pour vous dire jusqu’où vont les dissensions au sein de l’Islam. Et enfin, au sud, il y a cette zone dont on entend parler aujourd’hui tous les jours : les Chiites sont en train de prendre le pouvoir à Sanaa, Aden et sont en train de se rapprocher du détroit où passe une bonne partie du pétrole consommé chaque jour dans la planète. C’est un détroit stratégique. Donc l’Arabie Saoudite s’est mise à bombarder les positions tenues par les Chiites. On est bien dans cette guerre totale sunnite-chiite.
Le projet est simple : renverser Bachar al-Assad et mettre des Sunnites à la place au pouvoir
Pourquoi la guerre en Syrie ? Dans cet arc chiite, le maillon faible est le pays où la majeure partie de la population est sunnite. Donc le projet est simple : on renverse Bachar al-Assad et on met des Sunnites à la place au pouvoir. C’est logique et simple. C’est l’explication majeure de la guerre qui a lieu en Syrie en ce moment.
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4.
Troisième responsabilité locale : le projet de gazoduc qatari qui devait alimenter le marché européen en passant par la Syrie. Le refus de la Syrie (conditions insuffisantes, volonté de ne pas nuire à son allié la Russie (dont l’Europe est très dépendante pour le gaz) a provoqué la guerre dès le lendemain de ce refus. Objectif là aussi : renverser Bachar !
Troisième responsabilité locale : le projet de gazoduc qatari pour aller vers la Méditerranée, que la Syrie a refusé
C’est aussi clairement cela qui explique la guerre en Syrie : le projet de gazoduc qatari pour aller vers la Méditerranée, à destination du marché européen, c’est-à-dire nous. Le Qatar, ce n’est que du gaz. Le Qatar, pour le moment, est obligé d’exporter le gaz par des méthaniers qui font tout le tour de la péninsule arabique ; cela prend du temps, cela coûte cher ; ce gazoduc permettrait de livrer du gaz beaucoup plus abondant et moins cher. La route directe passe par Israël. Or, il y a un contentieux entre Juifs et Arabes ; ils ont donc dû décaler ce tracé un peu plus au nord, en passant par la Syrie. La Syrie a dit non il y a quatre ans, la veille du début de la guerre. Grosse erreur ! La Syrie et le Qatar étaient amis à ce moment-là. Du jour au lendemain, la guerre a commencé. Pourquoi la Syrie a-t-elle dit non ? Sans doute que les conditions financières n’étaient pas suffisantes, mais surtout elle n’a pas voulu contrarier les Russes qui sont ses alliés, son principal soutien. Pourquoi les Russes sont concernés ? Parce que, si ce gazoduc avait été construit, on serait devenu beaucoup moins dépendants du gaz russe, car on aurait eu le gaz bon marché venant du Qatar. Tout se tient, c’est logique.
En tout cas, ce qui est ultra logique et inscrit dans les faits, c’est que ce refus de gazoduc a entraîné dès le lendemain la guerre.
On dit que la guerre en Syrie est une guerre civile. Elle a commencé au moment du printemps arabe où il y a eu des volontés de réformes par la population locale de ces pays. Sauf que, pour en avoir beaucoup discuté avec les Syriens, très peu souhaitaient la chute du régime. Ils voulaient des réformes ! Le pays tenait bien : 9 % de croissance économique ! Les gens n’étaient pas entièrement libres sur le plan politique, mais globalement, cela ne se passait pas trop mal. Des réformes : oui ! Le renversement du régime : non ! Or, ils ont été tout de suite débordés par des gens qui avaient un accent bizarre, des mercenaires venus de l’étranger qui avaient comme objectif de provoquer le régime pour entraîner un cercle vicieux de violence, pour que la situation dégénère et pour que l’on se transporte dans ce chaos qui existe encore aujourd’hui. La plupart des djihadistes au Moyen-Orient sont ici, dans le nord-est de la Syrie, une zone désertique qui échappe au contrôle du régime. Ces mercenaires viennent de 84 pays différents : ne venez pas me parler de guerre civile ! Parmi ces 84 pays, il y a la France. Ces djihadistes sont financés et armés par la péninsule arabique et par l’Occident. C’est assez logique. Le projet de gazoduc ayant avorté, on a voulu punir Bachar al-Assad, et en même temps, cela tombe bien, car on voulait renverser Bachar al-Assad pour mettre des Sunnites à la place, à cause de cette guerre entre Sunnites et Chiites. Donc il faut renverser le régime syrien, détruire la Syrie. Donc ces djihadistes qui se retrouvent ici sont financés et armés par la péninsule arabique. Tout cela est très logique.
La Syrie est un nœud qui concentre et cristallise tous les enjeux aujourd’hui, et qui permet le développement de l’État Islamique
Pourquoi est-ce important de parler de la Syrie ? Parce que tout ce chaos qui se cristallise autour de l’Etat Islamique vient de la guerre en Syrie. L’Etat Islamique est, au départ, une filiale d’Al-Qaïda, c’est un groupe irakien dans le nord du pays, qui combat les Américains, mais ils se prennent des claques, ils sont très affaiblis, on n’en entend plus parler (cela date de 2006). Et c’est au moment de la guerre en Syrie qu’il y a cette fameuse zone grise qui échappe au contrôle du régime où il y a de l’argent et où les armes arrivent massivement, que l’Etat Islamique va se renforcer, s’aguerrir, s’enrichir, ce qui leur permettra l’été dernier de ne pas aller très loin : ils ont traversé la frontière, pour prendre Mossoul et la plaine de Ninive. Aujourd’hui, ils contrôlent un tiers de l’Irak et un tiers de la Syrie aussi. C’est donc bien le conflit syrien qui a créé les conditions de cette espèce de matrice djihadiste, cette zone grise qui échappe au contrôle du régime, où les djihadistes se donnent rendez-vous, qui sont armés et financés par la péninsule arabique, qui a permis l’émergence de l’Etat Islamique, qui a fait que les chrétiens ont fui du nord de l’Irak cet été. Tout cela pour une histoire de gazoduc et de lutte entre Sunnites et Chiites, de cette crise au sein de l’Islam, tout cela poussé par cette radicalisation de l’Islam que j’évoquais tout à l’heure.
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5.
La responsabilité étrangère est également incontournable : les « guerres du Golfe » (1991 & 2003) sans oublier l’embargo anglo-américain entre les deux opérations (on estime à 500.000 le nombre d’enfants irakiens morts en 12 ans faute d’accès à des médicaments et à une nourriture suffisante – j’appelle cela un génocide) ont évidemment gravement nui à l’Irak. Les dix années d’occupation (2003-2013) n’ont rien arrangé.
Les 10 ans de guerre que les Américains ont menée en Irak ont déstabilisé toute la région
Tout d’abord, il faut bien reconnaître que si les Américains ne s’étaient pas lancés dans cette idée de s’occuper de l’Irak, on n’en serait pas là. L’Irak, à l’époque, était un pays puissant. A part le Liban et Israël qui sont des cas à part, c’était le pays le plus alphabétisé du Moyen-Orient : plein de médecins et d’ingénieurs, prospérité, niveau de vie important... C’était un vrai rival pour l’Arabie Saoudite dans cette recherche de primauté au sein du Moyen-Orient. Il devait faire de l’ombre à l’Arabie Saoudite. Bref, on l’a détruit. Comment cela s’est-il passé ?
La première guerre du Golfe contre l’Irak se déclenche après l’invasion du Koweït
Tout d’abord : première guerre du Golfe. Certes, ils ont envahi le Koweït. Il fallait donc les en chasser. On a quand même beaucoup de raisons de penser qu’ils y ont été invités au moment où on leur a dit : « Vous pouvez y aller, on ne fera rien », sauf que c’était un piège : il y a eu une coalition internationale à l’époque, « Libérez le Koweït » dès le mois d’août 1990. On nous a mis la pression en France : « L’Irak est la troisième plus grande armée au monde ! » Tout le monde s’est précipité dans les supermarchés pour faire les courses. Il y avait des pénuries dans les magasins en France car tout le monde avait peur, alors qu’il n’y avait aucun risque : la supériorité technologique de la coalition était telle que la pauvre armée irakienne ne pouvait rien.
Ensuite, il y a douze ans d’embargo anglo-américain, 1991-2003, qui a conduit à la mort de 500.000 enfants irakiens
On l’a trop souvent oublié : on estime au bas mot qu’il y a eu 500 000 enfants irakiens morts à cause de l’embargo, faute d’accès à des médicaments et à de la nourriture suffisante. Moi, j’appelle cela un génocide : cela dérange quelqu’un ? On a posé la question à Hilary Clinton, vous savez, cette femme qui veut devenir présidente des Etats-Unis. Elle a répondu : « Bah, que voulez-vous, parfois il faut ce qu’il faut... » Cela ne les dérange pas, eux. Ce qui compte, ce sont leurs intérêts. Tout le monde est comme cela, sauf qu’eux le font avec un cynisme et une puissance de moyens telle que les conséquences peuvent parfois être un peu dramatiques.
Après, il y a eu cette deuxième guerre du Golfe, à partir de 2003, à la recherche de ces « armes de destruction massive » qu’on ne trouvera jamais.
A l’époque, nous n’y allons pas, la France est encore un peu indépendante, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les Américains occupent l’Irak pendant dix ans. Ils finissent par s’en aller, en laissant le pays dans une situation bien meilleure : tout le monde est mort, tout est détruit et le pays est découpé en trois zones. La crise irakienne sert de prémices à la crise syrienne qui nourrit aujourd’hui la crise irakienne... Tout est lié.
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6.
Il semble aussi qu’il existe un plan israélo-américain de redécoupage du Moyen-Orient basé sur la constitution de zones mono-ethniques et mono-religieuses. Cela conforterait Israël qui se veut un Etat juif (basé sur une religion) et faciliterait le contrôle de la région par les Etats-Unis dont la puissance ne serait plus contrariée.
Deuxième responsabilité étrangère : il semblerait qu’il existe un plan israélo-américain de redécoupage du Moyen-Orient.
La carte actuelle du Moyen Orient n’est pas très commode : elle a été dessinée par un Français et un Britannique, les fameux accords Sykes-Picot dans les années 1920 à la chute de l’Empire Ottoman. Ils se sont rassemblés, ont bu un whisky et, avec une règle, ont tracé ces traits qui existent encore. L’Etat Islamique veut effacer ces traits car, pour lui, la « nation » n’a aucun sens ; ce qui compte, c’est l’ « oumma », la communauté des musulmans. Dans cette conception, les musulmans qui sont dans un pays ne respectent les lois du pays que jusqu’au jour où ils ont la force de les abolir, pour les remplacer par la charia. Partout dans l’Histoire, c’est ainsi que cela s’est passé. Mais visiblement, les Israélo-Américains veulent jouer au même jeu et donc changer les frontières. Pourquoi ?
A partir du présupposé qu’on ne peut pas vivre ensemble et pour mieux contrôler les choses, on pense à créer des États confettis
Aujourd’hui, pour le moment, on a des gros Etats qui résistent : on a mis vingt ans à détruire l’Irak, cela fait quatre ans que l’on veut tuer Bachar et on n’a toujours pas réussi... Ce serait tellement plus commode si on avait des petits confettis, des petites zones mono-ethniques, mono-religieuses, en partant du présupposé que, de toute façon, on ne peut plus vivre ensemble. Il y aurait une zone kurde, une zone arabe, une zone perse, une région chiite, une région sunnite, un micro-Etat druze, il n’y aurait plus de chrétiens, comme ça ce serait réglé. L’avantage pour les Israéliens qui se veulent un Etat juif, c’est qu’ils pourraient dire : « On est comme vous, on est un Etat fondé sur une religion ». C’est beaucoup plus sécurisant pour eux ; on ne peut pas leur reprocher d’avoir un Etat fondé sur une religion. Pour les Américains, les micro-Etats sont beaucoup plus commodes et plus faciles à contrôler : « Diviser pour mieux régner » plutôt que d’avoir ces gros Etats. Ce projet a déjà quelques années ; entre-temps, les choses peuvent évoluer géopolitiquement, mais en attendant, on a déjà commencé ce projet : l’Irak de facto est découpée en trois : tout le sud est chiite, tout le nord est sunnite (ce sont des Arabes), et dans cette bande dans le nord-est, ce sont des Kurdes, également sunnites, qui sont autonomes et qui se veulent indépendants, qui veulent l’indépendance. C’est le même scénario que l’on est en train de reproduire en Syrie.
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7.
Enfin, il y a l’alignement systématique de notre politique au Moyen-Orient sur celle des Saoudiens et des Qataris, ce qui explique notre acharnement à renverser Bachar, alors que notre intérêt serait bien au contraire de stabiliser la Syrie, si l’on voulait lutter contre l’Etat Islamique et surveiller nos propres djihadistes sur le terrain. Pourquoi ce suivisme ? Il n’y a que trois explications possibles : 1°/ on a besoin de leur pétrole et de leur gaz. 2°/ on a besoin de leur vendre des armes. 3°/ ces pays-là détiennent une partie croissante de notre dette. On est donc liés !
Troisième responsabilité étrangère, la plus importante : l’acharnement assez incompréhensible des puissances occidentales contre Bachar El Assad.
Que l’Arabie Saoudite veuille renverser Bachar al-Assad, on l’a compris : c’est logique. Mais pourquoi nous, nous voulons la même chose ? Quel est notre intérêt ? Qu’est-ce que Bachar al-Assad nous a fait ? Ah oui, il n’est pas démocrate : ça, c’est ce que l’on dit à la télé toute la journée ; et aussi, c’est lui personnellement qui a tué les 220 000 Syriens de ses mains, ce qui est quand même grotesque. C’est une guerre régionale, voire internationale, avec des djihadistes de 84 pays différents qui se battent contre le régime, le régime se défend, il y a des morts des deux côtés, c’est dramatique, mais on ne peut pas imputer tout cela uniquement à la personne de Bachar al-Assad pour lequel je n’ai aucune sympathie particulière par ailleurs. Bachar al-Assad était notre ami (de la France) il y a quatre ans, on l’a invité à l’Elysée, Kadhafi aussi. Ont-ils changé de régime politique entre-temps ? Non ! Donc ce n’est pas parce qu’il n’est pas démocrate qu’on veut l’assassiner ! Cela veut dire qu’il y a d’autres raisons. Sinon, si vraiment la défense de la démocratie était notre unique et indépassable horizon, pourquoi n’attaquons-nous pas l’Arabie Saoudite, la Corée du Nord, le Zimbabwe ? C’est une excuse. A tel point qu’aujourd’hui, lorsque des pays d’Afrique entendent l’Occident qui se met à parler de la démocratie dans un pays, ils prennent peur. Ils se disent : « C’est le signe précurseur qu’ils vont commencer à s’occuper de ce pays et cela va être le chaos ». Expérimentalement, c’est ce que nous observons régulièrement : l’Irak, la Libye et ainsi de suite. Donc ce n’est pas parce que Bachar al-Assad n’est pas démocrate qu’on veut le renverser : pourquoi veut-on renverser Bachar al-Assad ? Quel est notre intérêt ?
Notre intérêt serait au contraire de stabiliser la Syrie, car on a des djihadistes là-bas ! …
On aurait même besoin de renouer immédiatement les relations diplomatiques avec la Syrie pour que leurs services secrets puissent contrôler nos djihadistes et nous en rendre compte. Les services syriens nous disent : « Ecoutez, on voudrait bien vous aider, sauf qu’on ne sait pas qui vous êtes, vu qu’on n’a pas de relations avec vous ». Ils ont raison. D’autre part, si on veut la fin de l’Etat Islamique, il faut que l’on mette fin à cette zone grise de djihadistes : il faut permettre à l’Etat syrien de reprendre le contrôle de son territoire. Or, ce n’est pas en renversant Bachar al-Assad que l’on va parvenir à cela.
Donc pourquoi veut-on la mort de Bachar al-Assad ? Il faut imaginer qu’en réalité, on a envie de faire plaisir à nos amis saoudiens et qataris !
C’est la seule explication que j’ai trouvée. Si quelqu’un parmi vous en a une autre, je veux bien l’entendre, cela m’intéresserait beaucoup ! Pourquoi veut-on faire plaisir aux Saoudiens et aux Qataris ? Plusieurs raisons possibles :
1°/ Premièrement, on a besoin de leur pétrole et de leur gaz. Mais à la limite, il y en a ailleurs : le premier producteur de pétrole au monde aujourd’hui, ce sont les Etats-Unis, avec le pétrole de schiste.
2°/ Deuxième raison : on a besoin de leur vendre des armes. La France est le troisième exportateur mondial d’armes, l’Arabie Saoudite est le premier importateur. Il y a un lien. On vend aussi beaucoup aux Emirats Arabes Unis. Il y a en France, comme aux Etats-Unis, un lobby militaro-industriel qui cherche à vendre des armes ; donc plus il y a la guerre, plus on vend d’armes. Et plus on est ami avec ceux qui consomment beaucoup d’armes (notamment l’Arabie Saoudite), plus on a de chances d’en vendre.
3°/ Troisième raison : ces pays-là détiennent une partie croissante de notre dette. Vous savez qu’on est en faillite : heureusement qu’ils achètent notre dette. Seul compromis, on n’est plus libre : celui qui détient votre dette vous détient. On ne peut pas leur dire : « Ecoutez, Bachar ne nous intéresse pas, débrouillez-vous avec lui ». On est tenu. Et ces gens-là investissent de plus en plus chez nous, et c’est commode vu qu’on est en faillite.Aujourd’hui notre politique étrangère semble en partie dictée par Riyad et Doha dans leur intérêt, contre nos intérêts objectifs
Cela fait beaucoup de raisons qui font qu’aujourd’hui, tout se passe comme si une partie de notre politique étrangère au Moyen-Orient était dictée, quelque part, par Riyad et Doha (la capitale du Qatar). On est bien dans une responsabilité étrangère, dans une complicité au moins passive, mais en réalité active : nous finançons aussi, nous l’Occident (les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France essentiellement), l’armement et le financement des djihadistes dans l’est syrien, avec comme objectif : renverser Bachar al-Assad. Les Britanniques viennent d’annoncer qu’ils vont encore envoyer 80 formateurs militaires pour ces fameux djihadistes. Alors on dit toujours que c’est pour l’opposition modérée. Ça veut dire quoi, l’opposition modérée ? Il y a une porosité totale entre tous ces groupes. On leur livre des armes ; le lendemain, soit elles ont été capturées par des djihadistes beaucoup plus violents, soit elles ont été vendues. De toute façon, cela revient au même. C’est comme en Afrique où on a parachuté des armes en Libye ; aujourd’hui, elles sont dans les mains de Boko Haram. 40 % des armes qu’on prend sur Boko Haram au Nigeria sont des armes françaises. Ce n’était pas fait exprès au départ. C’est ce qui se passe sur le terrain.
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8.
Veut-on vraiment en finir avec l’État Islamique ? Si on voulait résoudre le problème, il faudrait exiger de la péninsule arabique et de l’Occident qu’ils cessent de soutenir les djihadistes rassemblés dans le nord-est syrien, il faudrait exiger de la Turquie qu’elle cesse son double jeu (vente du pétrole de l’EI) et il faudrait réunir autour de la table tous les acteurs de cette crise, y compris les Iraniens, les Russes et le régime syrien. Comme rien de tout cela n’est fait, la guerre va continuer, nos djihadistes vont continuer à y aller et en revenir, les chrétiens vont continuer à disparaître et l’ensemble de la population locale va continuer à souffrir !
A-t-on vraiment envie d’en finir avec l’Etat Islamique ? Rien ne le montre dans les faits.
C’est ce que l’on nous dit à la télé et on a notre porte-avions dans le Golfe Persique avec des Rafales qui décollent (pas tous les jours car cela coûte cher) et qui larguent des bombes, mais pas trop, car cela coûte cher aussi : 300 000 € la bombe. En tout cas, on a réussi à circonscrire l’avancée de l’Etat Islamique. Le problème de l’Etat Islamique, c’est que c’est une création de la péninsule arabique, avec un double objectif : renverser Bachar al-Assad pour mettre des Sunnites à la place et reprendre Bagdad pour remettre des Sunnites à la place des Chiites. On est totalement dans cette guerre Sunnite-Chiite. L’Etat Islamique, c’est le même Islam qu’en Arabie Saoudite.
« Cela n’a rien à voir avec l’Islam » ? Bien sûr que si : tout ce que fait l’État Islamique est au nom de l’Islam, dans la plus pure imitation de Mahomet
Il y a eu des questions dans les médias : « Oui, l’Etat Islamique, ils disent qu’ils sont musulmans, mais cela n’a rien à voir avec l’Islam ». Vous vous rappelez, il y a eu une série de micros attentats en France avant Charlie Hebdo : des musulmans voulaient écraser des gendarmes avec leur voiture en criant « Allah akbar » ! Mais « cela n’avait rien à voir avec l’Islam ». Et donc, à ce moment-là, on trouve toujours deux options. Premièrement : « Ce ne sont pas des vrais musulmans ». Ou alors deuxième cas de figure : « Ce sont des cas psychiatriques ». Je veux bien, mais dans ce cas-là, il faut se poser la question : « Pourquoi parmi ces gens y a-t-il autant de cas psychiatriques ? » C’est trop facile de toujours dire, dès qu’un musulman fait quelque chose de mal, que ce n’est pas un bon musulman ou alors que c’est un cas psychiatrique. On évite la question, on passe à autre chose : cela n’a jamais rien à voir avec l’Islam. Or, l’Etat Islamique s’appelle « Islamique », ce n’est pas pour rien. Ils ont rétabli le califat, qui est un concept musulman. Ils pratiquent la charia, qui est un concept musulman. Tout ce qu’ils font est au nom de l’Islam. Et cet Islam est le même que celui qui est pratiqué dans la péninsule arabique. Donc ce sont bien des musulmans ! Tous les musulmans ne sont pas comme cela, évidemment. Mais on ne peut pas dire que ce ne sont pas des musulmans.
Si on voulait résoudre le problème, il faudrait exiger de la péninsule arabique et de l’Occident qu’ils cessent de soutenir l’État Islamique financièrement
Alors, si on veut en finir avec l’Etat Islamique, que faut-il faire ? Premièrement, de manière évidente : mettre fin à cette zone grise où il y a tous les djihadistes, qui est la matrice de l’Etat Islamique. Cela veut dire qu’il faut arrêter de les soutenir financièrement ; il faut exiger de la péninsule arabique et de l’Occident qu’ils cessent de les soutenir. Ce qui n’est pas ce que nous faisons. D’autre part, la Turquie a une frontière commune avec la Syrie et l’Irak, et soutient activement l’Etat Islamique : ce sont eux qui vendent le pétrole de l’Etat Islamique : 1 à 2 millions de dollars de revenus par jour. Ce pétrole est bien vendu à quelqu’un... Peut-être qu’il y en a en France... En tout cas, il est vendu par les Turcs qui soutiennent l’Etat Islamique, car l’Etat Islamique est aussi contre les Kurdes. Or, les Turcs n’aiment pas les Kurdes ; il y a des Kurdes partout dans la région : au nord-est de l’Irak, en Iran, un peu en Arménie, au nord de la Syrie et plein en Turquie. Donc on doit exiger de la Turquie, qui est censée être notre alliée, membre de l’Otan, qui veut entrer dans l’Europe, de clarifier sa position par rapport à l’Etat Islamique.
Si on voulait résoudre le problème, il faudrait réunir tous les acteurs de cette crise, y compris les Iraniens et les Russes, et évidemment le régime syrien.
Bachar El Assad, c’est sans doute une partie du problème, mais c’est aussi une partie de la solution. Sauf si on n’est pas pressé et qu’on veut que la guerre continue. Bref, tout ce qu’il faudrait faire pour arrêter l’Etat Islamique, on ne le fait pas.
Conclusion : la guerre va continuer. Les djihadistes – notamment français – vont continuer à y aller. Et les chrétiens vont continuer à disparaître du Moyen-Orient. Voilà, c’est tout. -
9.
Des raisons d’espérer malgré tout ? 1°/ l’Espérance est une vertu théologale, 2°/ la guerre va bien finir un jour car ce niveau de violence ne peut pas durer, 3°/ il y a de plus en plus de conversions au christianisme, 4°/ il y a paradoxalement de plus en plus de chrétiens (étrangers) dans cette région du monde et les églises de la Péninsule arabique sont archi bondées. Une cathédrale est actuellement en construction au Bahreïn ! 5°/ tôt ou tard, l’Islam va devoir se réformer sous peine de s’effondrer car il est gangréné par ses extrêmes, 6°/ on assiste au réveil des musulmans modérés, en Egypte par exemple où des dizaines de millions d’Égyptiens (la plupart musulmans) sont descendus dans la rue pour exiger de l’armée qu’ils les débarrassent des Frères musulmans. 7°/ l’Égypte est aujourd’hui une source d’espérance : au-delà du contrat des Rafales, c’est le dernier obstacle à une continuité territoriale djihadiste qui va du Moyen-Orient à la bande sahélo-saharienne (allégeance de Boko Haram à l’EI). Elle est aujourd’hui sous tension mais elle peut aussi aider à changer la face du Moyen-Orient.
Comme tout cela n’est pas très gai, je rajoute à ce propos ajouté un petit paragraphe sur les raisons d’espérer malgré tout.
Il y a un très beau livre qui s’appelle « Chrétiens en danger, 20 raisons d’espérer ». Ah oui, c’est moi qui l’ai écrit ! « Danger » et « espérer », c’est un oxymore : les deux termes sont contradictoires. Mais c’est vrai, les chrétiens sont en danger dans ces pays, et en même temps, il y a des raisons d’espérer. Vingt raisons, c’est parce qu’il y a vingt pays : on commence par l’Arabie Saoudite, on va en Irak, en Syrie (toute l’histoire du gazoduc, c’est là-dedans), on va en Amérique du sud, en Afrique, en Asie, en Europe et même en France. Chaque chapitre est conçu de la même manière ; l’introduction est une anecdote que j’ai vécue sur le terrain. Deuxième partie : c’est le déploiement, c’est ce que l’Eglise vit dans le pays ; en général, elle se prend des claques. Troisième partie : conclusion prospective ; je donne des raisons d’espérer malgré tout. Cela donne des chapitres, par exemple au Congo : « Le serpent et le saucisson » : ça donne envie de lire ! « Chine : 32 ans en prison » ; c’est un prêtre que j’avais rencontré. Il avait passé 32 ans en prison car il voulait rester fidèle à Rome. Faut avoir envie... Les prisons chinoises ne sont pas les prisons françaises avec Canal + : c’est le Goulag chinois, ce sont des camps de rééducation ! « Soudan : la trilogie du diable », « Colombie : seulement 125 assassinats », vous voyez c’est très vivant !
Pourquoi des raisons d’espérer ? Tout d’abord, parce que l’Espérance est une vertu théologale.
Bon, ce n’est pas un argument très puissant. La Foi, l’Espérance et la Charité, tout le monde connaît cela : lorsque l’on verra le Christ, tout aura disparu sauf la Charité, c’est-à-dire l’Amour. Péguy dit que l’Espérance est la plus difficile. Ce n’est pas contradictoire. Pourquoi ? Parce qu’il dit que la Foi est quelque chose d’accessible par la raison : si on réfléchit deux minutes, on sort, on regarde l’océan, la montagne, la nature... On peut aboutir à la conclusion qu’il y a un Créateur, un Dieu. La Charité, c’est le bon sens : il vaut mieux avoir des amis que des ennemis, il vaut mieux être charitable plutôt que de faire des crasses à son prochain. Mais l’Espérance, notamment quand on pense aux chrétiens au Moyen-Orient, là c’est plus difficile.
Deuxième raison d’espérer : la guerre va finir un jour.
Ce n’est pas très puissant comme argument non plus. Mais ce n’est pas entièrement faux. Je le disais tout à l’heure sur l’Irak et l’Iran : dix ans de guerre, un million de morts dans chaque pays. Y a-t-il eu un gagnant ? Non. Ils ont arrêté car ils n’en pouvaient plus, par épuisement. On ne peut pas rester indéfiniment à ce niveau de violence dans lequel on est aujourd’hui au Moyen-Orient. Cela veut dire que viendra le jour où l’on trouvera d’autres alliances, d’autres combinaisons, d’autres solutions et on mettra fin à cette crise démente qui se produit aujourd’hui.
Troisième raison d’espérer : ces fameuses conversions au christianisme.
Il y en a beaucoup ! C’est difficile à chiffrer car ils doivent rester discrets. Vous me direz : il y a beaucoup de conversions à l’Islam en France ; de qui s’agit-il ? Ce sont des gens un peu paumés, qui vivent dans des quartiers un peu difficiles (déjà musulmans), où ne pas être musulman vous complique la tâche, qui ont un lien avec des musulmans, qui sont à la recherche d’un marqueur identitaire, ou alors souvent c’est le mariage mixte. L’Islam raisonne toujours en termes démographiques, comme un cheptel : un musulman a le droit d’épouser une chrétienne. Elle peut rester chrétienne si elle le veut, mais les enfants seront musulmans. Une musulmane n’a pas le droit d’épouser un non-musulman, car la religion se transmet par le père. Donc les Français qui s’entichent de jolies maghrébines doivent se convertir à l’Islam s’ils veulent les épouser. Dans tous les cas, les enfants seront musulmans. C’est ce qui explique la plupart des conversions à l’Islam en France et en Europe. Chaque fois, c’est un lien assez superficiel : ai-je à un moment évoqué la beauté indépassable de la doctrine islamique ? Non.
Les musulmans qui se convertissent au christianisme au Moyen-Orient, c’est simplement absurde sur le plan humain, mais ils le font en nombre
Ils ont tout à perdre, à commencer par leur vie. Ils prennent des risques énormes, sans compter des troubles sociétaux, de voisinage, dont ils ne se sortiront jamais. Or, ils le font.
Comment se passent ces conversions ? Une conversion est un don de Dieu évidemment, mais souvent, la grâce utilise deux canaux au Moyen-Orient. Le premier : les médias - Internet, les radios, des programmes de télévision en arabe, en turc, en farsi, dans toutes les langues... Une télévision catholique à Beyrouth reçoit tous les jours des témoignages de Saoudiennes qui disent : « J’ai découvert Jésus, j’ai rencontré le Christ ». C’est un bouleversement ! Dieu est Amour ! Pour eux, c’est vraiment une révélation. Ils ne connaissent pas le christianisme. Pour eux, le christianisme, c’est l’Occident. L’Occident, c’est décadent, c’est la pornographie et le blasphème. Ce n’est pas très attirant. Et là, ils découvrent tout autre chose.Quand ils découvrent enfin qui est le Christ et ce qu’est l’Evangile, c’est vraiment quelque chose de magnifique pour eux.
C’est pour cela qu’ils se convertissent malgré tous les risques encourus. Le deuxième canal massif des conversions est plus surprenant pour nous : les songes. Quand on dit cela en France, cela fait sourire, car je ne connais pas beaucoup de personnes qui ont des songes en France. Au Moyen-Orient, on en a beaucoup ! Lors de tous mes voyages là-bas, je rencontre des gens devenus chrétiens car ils ont fait un rêve, un songe, une espèce d’expérience spirituelle, un état de béatitude qui a fait qu’ils se sont mis à cheminer vers le Christ malgré tous les risques encourus. Je connais une jeune Iranienne, d’une riche famille de Téhéran, ingénieure informatique, elle a beaucoup voyagé, elle apprécie particulièrement la Malaisie... Un jour, elle était dans sa chambre : elle a vécu une expérience béatifique, elle se voyait dans la position de la croix... Elle ne connaissait rien du christianisme ! Elle a eu envie de reproduire ce qu’elle avait vécu, cela l’a tellement bouleversée, attirée... Elle se renseigne, elle commence à fréquenter des chrétiens, elle finit par être baptisée, ses parents le découvrent et la battent très violemment ; (aujourd’hui, elle est en France et doit aller chez le kiné toutes les semaines jusqu’à la fin de sa vie). A un moment donné, son père excédé veut la brûler vive : il lui renverse du pétrole sur elle, mais il n’arrive pas à allumer la mèche. Elle est enfermée dans sa chambre pendant trois jours, avec le pétrole sur elle. Pourquoi trois jours ? Parce que vous n’avez pas le droit de quitter l’Islam. L’homme a 24 heures pour changer d’avis. La femme : trois jours. Pourquoi ? Parce qu’elle a un cerveau plus petit ! Donc elle a trois fois plus de temps pour changer d’avis ! C’est logique ! Finalement, sa sœur n’en peut plus, elle la libère, ce qui lui a permis de survivre. Qu’a-t-elle gagné ? Va-t-elle en Malaisie aujourd’hui en vacances ? Non. Est-elle encore ingénieure ? Non. A-t-elle encore sa famille, son pays, sa culture ? Rien. Elle a tout perdu pour le Christ. Innombrables, ces cas au Moyen-Orient ! Et en France, même si on ne le voit pas encore beaucoup. Dieu est en train de préparer une foule de témoins convertis au christianisme. Ça, c’est quand même une raison d’espérer !
Autre raison d’espérer : paradoxalement, il y a de plus en plus de chrétiens dans cette région du monde.
Ce ne sont pas les mêmes. Les chrétiens d’Orient sont en train de disparaître, il n’y en a plus. Il y a dix ans, l’Irak comptait encore 1,5 million de chrétiens ; aujourd’hui, s’ils sont 150 000, c’est le maximum. 90 % des chrétiens ont disparu en dix ans. En Syrie, 40 % des chrétiens a disparu en quatre ans. Dans quelques années, il n’y en aura plus. C’est pareil partout. En Turquie, il y a un siècle, 25 % de la population était chrétienne ; aujourd’hui, 0,1%. Sa Sainteté le Patriarche Œcuménique Bartholomée a 2000 fidèles. Il y a un peu plus de chrétiens en Turquie, les autres sont des Chaldéens, des Arméniens, etc., mais au total, cela fait 0,1 % : c’est rien. Même en Terre Sainte, les chrétiens disparaissent. Bethléem était à 80 % chrétienne ; maintenant, les chrétiens sont une minorité, pris en étau entre les Juifs et les musulmans palestiniens. Pas très commode. Si vous voulez en voir, allez-y rapidement, car bientôt il n’y en aura plus. Mais il y a de plus en plus de chrétiens étrangers en Israël. Cela ne les remplace pas, évidemment. Ce n’est pas la même culture. Et ceux qui viennent, viennent pour le travail, restent trois ou quatre ans, puis repartent. La plupart sont Asiatiques : ce sont des Philippins, des Indiens, etc. Donc il n’y a pas de basculement démographique, puisqu’ils repartent. A la différence de l’Islam en Europe où, là, il y a un vrai basculement démographique. En général, ils viennent travailler dans la péninsule arabique, les conditions de travail sont souvent limites, on leur pique leur passeport et ils repartent quand ils ont fini. Mais le résultat, c’est qu’à un instant T, c’est-à-dire aujourd’hui, vous avez 3 millions de chrétiens – la plupart catholiques - dans la péninsule arabique, alors qu’il y a trente ans, il y en avait 200 000. Cela veut dire : + 1500 % en trente ans. 50 % d’augmentation en moyenne par an. C’est la région du monde où le christianisme s’est le plus développé ces trente dernières années.
Qu’est-ce que Dieu prépare à travers cela ?
Encore une fois, ils ne sont pas là pour rester : ce ne sont pas des autochtones, ils sont des étrangers. Mais ils sont là. Il y a des églises partout dans la péninsule arabique, sauf en Arabie Saoudite qui est considérée comme une immense mosquée. Pas d’église, vous n’avez pas le droit d’avoir de Bible, de chapelets, rien. Deux millions de catholiques en Arabie Saoudite... Les Français peuvent aller à l’Ambassade, mais doivent rester discrets. Les Philippins, les Indiens se regroupent dans des petits groupes de cinquante, chez les uns chez les autres ; c’est l’Eglise des catacombes. S’ils sont pris – cela arrive parfois - ils sont en prison, se font à moitié torturer, remettre dans l’avion, ils rentrent chez eux et n’ont plus de travail. Il faut être un peu motivé pour aller à la messe dans ces conditions : c’est un acte militant voire héroïque d’aller à la messe là-bas.
Les églises de la Péninsule arabique sont archi bondées
L’évêque d’Abu Dhabi, capitale des Emirats Arabes Unis, est un Suisse. Donc il compare à la situation en Suisse. Nombre de mosquées pour le nombre de musulmans en Suisse / nombre d’églises pour le nombre de catholiques dans la péninsule arabique. Il y a quarante fois plus de mosquées pour les musulmans en Suisse – tant mieux pour eux – mais cela veut dire qu’il n’y a pas du tout assez d’églises dans la péninsule arabique. Si vous allez dans la péninsule arabique - par exemple Dubaï ou Manama, le dimanche (ou plus généralement le jeudi), vous avez quinze messes d’affilée dans plein de langues différentes, dans plein de rites catholiques différents ; la moitié des gens sont dehors car l’église est pleine à craquer, il fait 50°C degrés au soleil... Il n’y a pas assez d’églises !
Aidez-nous à construire la Cathédrale de Bahreïn !
Alors en ce moment, on est en train de construire une cathédrale au Bahreïn. En fait, l’évêque d’Abu Dhabi avait les six pays de la péninsule : c’était trop ! Le Vatican a donc créé un nouveau Vicariat. Maintenant, c’est l’évêque de Bahreïn qui est en charge du Koweït, du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Cela tombe bien, il s’entend bien avec le roi qui lui a donné un terrain pour construire sa cathédrale. Il lui a donné la nationalité bahreïnie, ce qui fait qu’il peut aller en Arabie Saoudite quand il veut, car il y a un pont entre les deux. Il va donc souvent en Arabie Saoudite, ce qui était un peu compliqué avant, car il avait la nationalité italienne.
Bref, on est en train de construire une cathédrale aujourd’hui en 2015 dans la péninsule arabique ! C’est une raison d’espérer, ça ! Alors, c’est un énorme projet, car il faut une immense église – il y a beaucoup de fidèles - il faut aussi un immense parking car les gens viennent en voiture, il faut un évêché pour l’évêque et ses services, et il faut un grand centre pastoral pour loger tous les agents pastoraux – souvent des laïcs, catéchistes, etc. - de la péninsule arabique. Le coût : 20 millions d’euros. On a déjà donné 500 000 euros ; il manque donc 19,5 millions d’euros : vous pouvez donner sur le site de l’AED !Tôt ou tard, l’Islam risque de s’effondrer car il est gangréné par ses extrêmes
L’Islam survivra-t-il à cette OPA de l’Islam radical, gangrené qu’il est par ses extrêmes. Comme toute idéologie (car l’Islam est plus qu’une religion : c’est une idéologie religieuse, politique, qui recoupe beaucoup plus que les aspects religieux : ce sont tous les aspects administratifs, civiques, de la vie entière), la probabilité que ce système survive décroît proportionnellement à la gangrène qui est déjà bien avancée aujourd’hui. Ce n’est pas moi qui le dis ! Le président égyptien a été voir il n’y a pas longtemps Al-Azhar, la grande université islamique du Caire, en Egypte. Et il leur a dit clairement, ouvertement, publiquement : « C’est quoi cette religion ? Pourquoi y a-t-il un milliard et demi de musulmans qui veulent tuer les 5,5 milliards d’autres habitants sur la planète ? Que se passe-t-il avec notre religion qui est aujourd’hui totalement prise en otage par cet Islam radical ? Vous avez une responsabilité pour changer les choses ». Vont-ils y parvenir ?
Dernière raison d’espérer : l’Egypte, justement.
En Egypte, cela ne se passait pas très bien pour les chrétiens (cela ne se passe toujours pas très bien, d’ailleurs mais les choses vont mieux). 10 % de la population est encore chrétienne. C’est le gros réservoir des chrétiens d’Orient aujourd’hui, c’est-à-dire entre 8 et 9 millions. On a parlé de coup d’état militaire en France quand l’armée a chassé Morsi, ce pauvre Morsi qui était le patron des Frères musulmans, c’est-à-dire des musulmans extrémistes qui voulaient imposer la charia. S’il y a eu un coup d’état, c’est bien la tentative de coup d’état constitutionnel que Morsi a essayé de faire en décembre 2012 pour renforcer cette charia. Que s’est-il passé dans le pays ?
Il y a eu des manifestations avec des dizaines de millions d’Egyptiens qui sont descendus dans la rue pour exiger de l’armée qu’ils se débarrassent des Frères musulmans.
Ce n’est pas un coup d’état militaire, ça : c’est la démocratie ! Qui est descendu dans la rue ? La majeure partie des Egyptiens qui sont des musulmans ! C’est une raison d’espérer ! Ce sont les musulmans eux-mêmes qui ont dit : « On en a marre de l’Islam radical ! » C’est comme au Mali ! Que s’est-il passé au Mali ? 99 % du pays est musulman. Des djihadistes étaient au nord à Tombouctou, à Gao, Kidal ... D’un seul coup, ils se sont mis à descendre vers la capitale Bamako. L’armée française est intervenue au dernier moment. On a sauvé le pays.
99 % de la population musulmane du Mali nous a remerciés de les avoir délivrés des djihadistes.
Au Mali, c’était une bonne ingérence, pour une fois. Pour moi le critère d’une bonne ingérence est simple : est-ce bien ou pas bien pour la population locale ? Au Mali, c’était très bien pour la population locale, donc c’était une très bonne ingérence. En Syrie, ce n’est pas bien du tout pour la population locale. En septembre 2013, on voulait les bombarder avec ce motif assez pertinent : « On va bombarder la population, ça va lui faire du bien ». Par contre, je suis allé trois semaines après notre intervention au Mali : il faisait bon être Français ! 99 % de la population musulmane nous a remerciés de les avoir délivrés des djihadistes.
Le président Égyptien s’est rendu pour la première fois à la messe de Noël à la cathédrale Saint-Marc du Caire et il proclamé 7 jours de deuil national quand 20 chrétiens ont été décapités !
C’est donc plutôt une bonne nouvelle de voir ces musulmans descendus dans la rue en Egypte pour exiger que l’on se débarrasse des extrémistes musulmans. Ensuite, il y a eu un ensemble de signaux positifs ces dernières semaines - outre le fait qu’ils ont acheté des « Rafales ». Le président a été à la messe de Noël à la cathédrale Saint-Marc du Caire ; cela ne s’était jamais passé. Ensuite, quand il y a eu, il y a un mois, les vingt chrétiens égyptiens décapités en Libye, le président a non seulement été présenter ses condoléances au Patriarche, mais il a décrété sept jours de deuil national ! C’est du jamais-vu ! Sept jours de deuil national pour des chrétiens ! Des chrétiens assassinés en Egypte, ce n’est pas nouveau. Là, il décrète sept jours de deuil national ! Ce sont des signaux positifs.
L’Égypte est une clé : c’est le dernier obstacle à une continuité territoriale djihadiste qui va du Moyen-Orient à la bande sahélo-saharienne aujourd’hui.
En mars, Boko Haram au Nigéria a fait allégeance à l’Etat Islamique ; il y a un lien. Tout cela est en continuité. La Libye est l’autre grand foyer djihadiste. Les deux grandes poches, les matrices djihadistes, sont le nord-est syrien et le sud libyen. Grâce à notre « brillante » intervention en Libye. Sauf que maintenant, nos soldats, au nord du Tchad et du Niger, sont en train d’essayer de les contrôler ; je leur souhaite bon courage. Sur le terrain, avec les moyens dont ils disposent, ils font un travail remarquable, mais avant de récupérer la situation, on en a pour un moment. Sur cet axe djihadiste, le verrou égyptien est le seul qui demeure, qui doit absolument tenir, sinon c’est la fin du monde ! C’est-à-dire que la moitié de la Méditerranée, toute la Méditerranée orientale sera aux mains des djihadistes. Là, on pourra commencer à faire nos prières. D’ailleurs, on peut déjà commencer à faire nos prières, mais là, il ne faudra plus commencer, ce sera trop tard.
L’Égypte aujourd’hui est sous tension et il faut prier pour qu’elle tienne.
Vous avez l’État Islamique en Libye et des djihadistes dans le Sinaï ; les Égyptiens sont pris en étau et au cœur de la population égyptienne, vous avez les plus extrémistes des Frères musulmans qui sont encore là ; ils ne sont plus au pouvoir, mais ils sont là. Il y a des attentats tous les jours contre les forces de l’ordre en Egypte, mais on n’en parle pas. Ils veulent détruire le pays et instaurer le chaos, car ils aiment le chaos, c’est dans le chaos qu’ils prospèrent ; c’est leur terrain naturel de prédilection. Il faut beaucoup prier pour l’Egypte. Alors justement, le Patriarche que j’ai rencontré l’année dernière et qui est assez optimiste pour l’avenir de son pays es chrétiens me disait : « Vous savez, tous les pays sont dans les mains de Dieu, mais l’Egypte est dans le cœur de Dieu !». Espérons, et nous le croyons et nous prions pour cela : que nos frères chrétiens d’Orient soient toujours dans le cœur de Dieu ! Lui seul aujourd’hui peut les sauver !
Marc Fromager est ancien Directeur de l’AED (Aide à l’Eglise en Détresse) en France. Né en 1968 à Nouméa, père de six enfants, il a vécu vingt ans à l’étranger et travaille depuis vingt-quatre ans pour l’Eglise. Ancien rédacteur en chef de la revue L’Eglise dans le Monde, il est l’auteur de nombreux articles sur les chrétiens persécutés, chroniqueur sur plusieurs radios chrétiennes et conférencier.
- Prier 15 jours avec le Père Werenfried - Nouvelle Cité, 2010
- Chrétiens en danger, vingt raisons d’espérer – EdB, 2013
- Contribution au Le livre noir de la condition des chrétiens dans le monde – XO Editions, 2014
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commentaires
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Merci pour cette belle analyse. J'y ai beaucoup appris
En ce qui concerne l'irak , je pense que Qaraqosh et sa région deviendront le refuge des Chrétiens de ce pays . Une force internationale sous l’égide de l'onu devrait les proteger comme les autres minorités yézidies , mazdéens. etc... La guerre des ressources fait également rage dans cette partie du monde . les Russes via la société Rosfnet seraient devenus le principal bailleur de fonds du Kurdistan avec un projet de pipeline concernant le gaz . https://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-kurds-referendum-russi/russia-becomes-iraq-kurds-top-funder-quiet-about-independence-vote-idUSKCN1BV1IH
Merci cher Marc de cette analyse qui n'oublie pas que Ciel et terre sont unis en ce combat ultime car derrière Daesh le Malin se cache comme il se cache derrière les États qui défient Dieu et Sa création Le diviseur et l'assassin croit gagner mais partout dans le monde la résistance s'organise y compris celle de la nature qui gémis d'être dégradée par cette avidité ces guerres .... UDP