Certains refusent le pardon parce qu’ils le croient mensonger, puisqu’on continue à souffrir du mal qu’on a subi… On ne peut pas toujours oublier
Il ne s’agit pas de nier le mal, et de trouver que tout est bien, ccar le mal laisse forcément des séquelles. Le pardon n’est donc pas coup de baguette magique. Il n’oblige pas à considérer que le mal est bien, mais il invite à reconnaître que l’autre ne s’identifie pas complètement avec le mal commis.
Dans la lutte contre le mal, il faut arriver à dissocier le péché du pécheur. Voler, c’est un mal ; mais celui qui a volé n’est pas qu’un voleur. En ne l’identifiant pas avec son mal, on lui rend une possibilité de vivre. Il ne s’agit pas de dire que le mal n’existe pas, bien au contraire : le pardon n’est pas un blanchiment facile, il ne consiste pas à dire que mal est bien, il ne revient pas à nier la gravité de la faute. Le pardon est un acte re-créateur, qui s’attaque au mal dans ses racines. Par lui, on manifeste qu’on voudrait que l’autre s’en sorte et échappe à la logique du mal.
Le pardon n’est pas non plus disparition de la souffrance que le mal nous a causé
Après avoir pardonné, on peut avoir toujours mal ; on peut garder de mauvais souvenirs. Le pardon ne repose pas sur des critères subjectifs. Il est parfois donné avec peine et grande difficulté : c’est quelque chose de grand, qui demande des efforts. Et lorsqu’on y arrive un jour, il y a encore un effort important à faire le lendemain pour garder les mêmes dispositions. On a donné le pardon, mais on continue à sentir les effets du mal, et c’est normal si c’est un vrai mal : le pardon n’est pas un médicament. Quand Jésus dit qu’il faut pardonner « de tout son cœur » (Matthieu 18,35), cela veut dire sans aucune réserve, mais cela ne veut pas dire qu’on est forcément heureux de pardonner. C’est une grâce assez exceptionnelle de pouvoir pardonner avec le sourire. Bien souvent, on pardonne dans les larmes. Mais il ne faut pas le montrer, ce qui empoisonnerait le geste que l’on fait vers autrui.
Le pardon n’est pas non plus une démission, une lâcheté, une manière de ne pas affronter le problème, bien au contraire
Il consiste fondamentalement à ne pas entrer dans la logique du mal, à ne pas répéter le péché, à ne pas le renouveler et à ne pas lui donner une postérité par notre rancune et par notre haine. Ce n’est ni une riposte, ni une démission : c’est au contraire une attitude forte et noble qui va jusqu’au cœur du mal et qui accepte d’en subir les conséquences pour que l’autre s’en sorte, pour redonner vie : « Le pardon est certainement l'une des plus grandes facultés humaines et peut-être la plus audacieuse des actions, dans a mesure où elle tente l'impossible – à savoir défaire ce qui a été – et réussit à inaugurer un nouveau commencement là où tout semblait avoir pris fin » (Hannah Arendt).
Dans l’Écriture, Jésus ne parle en fait jamais exactement de « pardon » : il parle de « remettre les dettes », ce qui est plus précis et plus fort
Si on pardonne sans remettre la dette, celle-ci reste d'une certaine manière comme un tort, et dans sa tête on garde alors un certain pouvoir sur l’autre, on le domine. Compris en ce sens, le pardon n'est pas une notion chrétienne, ni évangélique : si l’on veut être précis, Jésus n’a en fait parlé que de « remise de dettes », ce qui est plus fort et vraiment libérateur. Car après lui avoir remis sa dette, même si on n'est pas obligé de parler à la personne, d'être gentil avec lui ou de faire beaucoup de choses avec lui, on lui a remis sa dette une fois pour toutes et l’objet du problème a disparu : tout est annulé, on ne peut plus y revenir.
Ainsi, dans le Notre-Père, comme dans les paroles ; « C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond de son cœur » (Matthieu 18,35) ou encore « Père pardonnes-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font » (Luc 23,34), c’est – dans tous les cas – de remise des dettes qu'il s'agit et non de « pardon », terme plus affectif, qui n’est pas faux, mais qui laisse croire que la faute est simplement subjective.
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Il ne peut y avoir de pardon sans contrition préalable ni accomplissement d'une réparation (pénitence). Ce n'est pas Jésus qui demande le pardon pour Ses bourreaux, mais Lui-même implore le Père d'intercéder en leur faveur. Pardonner sans condition préalable de contrition de pénitence, c'est effectivement lâcheté et complicité avec le Malin et cela, Dieu l'a en horreur Pardonne-nous et sauve-nous,ô Dieu Un et Trine !.
Dans l'affirmation "1°) Dieu pardonne et 2°) il nous enjoint de faire de même et en fait une condition de son pardon.", le " et en fait une condition de son pardon" me semble tout à fait discutable. D'un point de vue exégétique, la polysémie de ὡς, l'adverbe grec traduit pas " comme" n'incite pas à ce genre d'affirmation. D'un point de vue existentiel, c'est plutôt en expérimentant le pardon pour soi-même que l'on reçoit dans le même mouvement la grâce de pardonner son tour. Une des grandes constantes de la foi chrétienne, c'est de faire démarrer tous les commencements du coté de Dieu , dans la don de sa grâce. Le travail du croyant, c'est de la désirer, d'y consentir et par là même, de renoncer à croire en la puissance de ses propres forces seules et de coup de croire que le fait de pardonner autrui se range d'abord du coté de la volonté.
Il y a une erreur dans la mise en page: les détails des points 3 et 4 sont identiques. Merci pour la profondeur de cet enseignement/