Peut-on dire que Dieu crée par l’évolution ?
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1.
La découverte de l’évolution s’oppose à la perspective fixiste comme à celle d’un univers éternel mais elle s’accorde au contraire très bien avec l’idée biblique d’un commencement et donc d’une histoire dans laquelle l’ensemble du cosmos va se déployer, au cours du temps, selon le plan de Dieu.
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2.
Dans l’enseignement le plus classique de l’Église, Dieu est défini comme Cause première de l’Univers mais il soumet le gouvernement de l’univers à des causes secondes, qui ont leur autonomie, leurs relations et leurs lois propres (Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique Ia Q22, Q 103). Dieu n’a pas voulu tout gouverner de manière immédiate, mais il a donné aux créatures la vocation et la dignité d’être elles aussi des causes.
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3.
C’est bien la Cause première qui soutient, supporte et donne fécondité aux causes secondes, comme lorsqu’un musicien joue du violon : toute la musique est produite par le violon, mais il y a nécessairement derrière un musicien qui s’exprime. La Création est à comprendre selon cette analogie : Dieu agit principalement à travers les processus naturels qu’il a institués, comme dans la Genèse quand il s’adresse à la terre (Gn 1,11) et à la mer (Gn 1,20) pour leur demander de produire de la végétation et de la vie (Gn 1,24).
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4.
La créativité naturelle qui se manifeste dans le cosmos et en particulier à travers l’évolution des vivants est à interpréter théologiquement : elle est le signe d’un Dieu proche qui veut partager son pouvoir créateur avec sa Création, et qui veut avec elle créer du neuf tout au long de son histoire, dans une création continuée. Le Dieu de la Bible agit constamment au sein du créé (Jn 5,17). Il est présent au plus intime des processus naturels (Ac 17,28), et embarqué avec nous dans une histoire en développement, en opposition au Dieu absent des philosophes et des déistes de la théologie naturelle (Descartes, Newton, Voltaire, Paley, etc), qui ne se basent que sur l’idée du Dieu architecte.
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5.
La tradition biblique plaide massivement pour cette vision de la création comme un cosmos organisé avec Sagesse (Pr 8, 24-31, Sg 7, 22 ; 8, 6 ; 9, 2. 9 ; 14, 2, et renouvelé sans cesse sous l’action du « Souffle de Dieu » envoyé pour créer la vie (Ps 104,30). La Bible parle deux fois de la création ex nihilo (Gn 1,1 ; 2 M 7,28) mais elle enseigne partout la création continuée d’un Esprit qui « renouvelle la face de la terre » (Ps 103,30 ; Sg 7,27), d’un Dieu qui « déploie les cieux » (Is 42,5 ; 44,24) et qui fait surgir de la nouveauté (Is 42, 9 ; 43, 18-19 ; 48,6-8), d’une raison dynamique qui organise l’Univers et d’un Verbe créateur qui prend chair (Jn 1,14). Dans le Credo, on dit de l’Esprit Saint : « Il est « Seigneur et il donne la vie » : vivificantem en latin et zoopion en grec. L’Esprit est à l’œuvre au cœur de la Création et au cœur de l’homme.
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6.
Le fruit de l’évolution c’est une biodiversité extraordinaire, qui accomplit incessamment la finalité de la Création décrite par Saint Thomas, Saint Bonaventure et les Pères de l’Église : le Dieu unique, parfait et infini est reflété par la Création, dans ses conditions propres, par la multiplicité et la variété des êtres vivants, qui rend gloire au Créateur. Plus il y a diversité d’être, mieux la bonté et la perfection divines sont représentées.
Fabien Revol est un laïc marié, maître de conférence et enseignant chercheur à l'Université Catholique de Lyon. Docteur en théologie et en philosophie, diplômé en biologie des écosystèmes (maîtrise), il est membre du Centre Interdisciplinaire d’Éthique où il enseigne la bioéthique en biologie et en théologie, Titulaire de la Chaire "Jean Bastaire, pour une vision chrétienne de l'écologie, théologie, éthique et spiritualité" où il donne en faculté de théologie un cours de théologie morale de l'écologie, Président d'une association de sensibilisation des chrétiens au rapport entre l'écologie et le Christianisme: "Oeko-logia, centre chrétien d'écologie Saint Jean Baptiste", Coordinateur adjoint de la Chaire "Science et Religion" où il enseigne la question du dialogue entre science et foi pour des étudiants en théologie et en philosophie, et professeur associé au séminaire inter-diocésain Saint Irénée de Lyon ou il enseigne la théologie de la création et de l'eschatologie.
OUVRAGES
- Fabien REVOL, Le concept de création continuée dans l'histoire de la pensée occidentale, préface Jean-Michel Maldamé O.P. (Paris/Lyon: Vrin-IIEE, 2017).
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Fabien REVOL, Alain RICAUD, Une encyclique pour une insurrection écologique des consciences (Paris: Parole et Silence, 2015).
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Fabien REVOL, La nouveauté dans l'histoire de la nature. Herméneutique philosophique de la créativité naturelle, préface Emmanuel Gabellieri (Paris/Lyon: Vrin-IIEE, 2015).
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Fabien REVOL, Pour une écologie de l'espérance. Les Chrétiens et la création (Lyon: Editions Peuple Libre, collection les Altercathos, 2015).
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Fabien REVOL, Le temps de la création (Paris: Cerf, 2015).
OEUVRES DIRIGEES
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Fabien REVOL (dir.), Avec Laudato Si', devenir acteurs de l'écologie intégrale (Lyon: Peuple Libre, 2017).
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Fabien REVOL (dir.), La réception de l'encyclique Laudato si' dans la mouvance écologiste (Paris: Cerf, 2017).
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Bertrand SOUCHARD, Fabien REVOL (dir.), Réel voilé et cosmos théophanique - Le regard de l'homme sur la nature et la question de Dieu (Paris/Lyon: Vrin-IIEE, 2016).
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Fabien REVOL (dir.), Bertrand SOUCHARD, Expérimentation scientifique et expérience de foi. Un dialogue science et religion en France (Lyon: Peuple Libre, 2016).
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Bertrand SOUCHARD, Fabien REVOL (dir.), Controverses sur la création: science, philosophie, théologie (Paris/Lyon: Vrin-IIEE, 2016).
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Jean-Marie GUEULLETTE, Fabien REVOL (dir.), Avec les Créatures, pour une approche chrétienne de l'écologie (Paris: Cerf, 2015).
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Jean-Marie EXBRAYAT, Emmanuel D'HOMBRES et Fabien REVOL (dir.), Évolution et création : des sciences à la métaphysique (Paris/Lyon: Vrin-IIEE, 2011).
- Film "Le livre de la nature"
Documents de référence
"Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur ! (...) la terre s'emplit de tes biens. (...) Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre"
(Ps 103,24-30)
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commentaires
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L'évolution est tout, tout vient de Dieu. Il a créé le cadre, le reste en découle ... Quant à l'âme, elle vient tout simplement donner la conscience à ce que nous sommes ... Elle n'existe pas sur le même plan que notre corps, et donc "n'évolue" pas de la même manière ... Nous ne sommes jamais seul, des "anges gardiens" nous accompagnent dans notre propre processus d'évolution ... L'univers lui-même est un élément en cours d'évolution, il grandit, gonfle ... Et il y a encore sans doute un certain nombre de milliards d'années à "attendre" avant de savoir comment il finira !! Une question se pose : "Combien d'univers existent dans l'infini cosmos" ? Une autre : "Naissent-ils tous pareillement, d'un big-bang" ? Une dernière :"Chaque univers créé est-il semblable aux autres ou totalement différent ?"
L'évolution du corps humain est une chose. Par contre, hors évolution, Dieu crée l'esprit de l'homme. Aristote l'avait compris: "il reste donc que l'intellect seul entre du dehors et que seul il est divin. Car l'activité corporelle ne possède rien en commun avec son activité" 736b 29. Tardivement P. Teilhard de Chardin l'a également déclaré. Il évoque à plusieurs reprises une intervention créatrice de Dieu, et ce pour le même motif. Voir Le Phénomène Humain, 3 La Pensée, 1 La Naissance de la Pensée, 1 Le Pas de la Réflexion, 2 Mécanisme théorique, Note 1. Le pape François, Laudato Si 81 utilise le même argument: la pensée "transcende le domaine physique et biologique", et nécessite la création de l'esprit sous l'intervention directe de Dieu. Merci
Enfin un exposé clair et intelligent qui réconcilie la "théorie de l'évolution" avec la foi. Les découvertes dans les différents domaines scientifiques comme la physique, la chimie, les mathématiques et la biologie ne sont en fait que la mise en évidence des lois qui régissent le cosmos. Lois qui sont l'expression de la puissance créatrices de Dieu. Dieu permet à l'homme de découvrir progressivement les lois dont il est lui même l'instigateur. L'évolution est un fait scientifique comme le code génétique, comme les lois physiques, chimiques et mathématiques qui régissent l'univers que l'homme peut alors utiliser pour améliorer sa vie et participer à la création divine. Nier l'évolution est une insulte à l'intelligence et donc à Dieu lui-même puisqu'il est l'intelligence suprême. Toutes ces découvertes sont en fait des cadeaux de Dieu à l'humanité afin qu'elle les utilise pour faire le bien. Il ne vient à l'idée de personne de remettre en cause les lois de la physique et des mathématiques qui ne sont pourtant pas exposées dans la bible et qui sont à l'origine de tous les progrès de ces derniers siècles. Il doit en être de même pour la théorie de l'évolution qui loin de s'opposer à la foi est une preuve s'il en fallait encore de l'infinie intelligence divine et de sa complexité. La Bible n'est en aucun cas un livre de science mais l'histoire de la relation de l'humanité avec son créateur. A travers les science Dieu laisse à l'homme le soin de découvrir petit à petit les lois qu'il a lui-même "imaginer" pour réaliser la création ou plutôt sa création; homme compris! Un professeur de SVT croyant pratiquant catholique.
On voit que l’auteur est inspiré par sa rencontre avec l’écrivain catholique naturaliste Jean Bastaire (converti par son épouse et intellectuellement inspiré par le dominicain Henri de Lubac, condamné pour modernisme à ne plus enseigner par l’Eglise avant d’être Consultant de Vatican II puis créé Cardinal) L’auteur fait fi de tous les contre-arguments scientifiques qui pleuvent contre l’hypothèse créationiste qui n’y répond toujours pas. Il devrait faire preuve de retenue et ne pas fonder sa théologie sur une fondation qui peut s’effondrer d’un jour à l’autre. Dieu est ici un « grand architecte de l’Univers » qui a tellement « réglé les constantes de l’univers » que l’évolution a - immanquablement car Dieu ne peut jouer aux cartes - donné Adam et Eve. En effet, les scientifiques montrent que, si l’on fait varier très faiblement ces constantes, la biochimie et les systèmes planétaires et solaires ne sont plus ce qu’ils sont et, pire, la complexion des êtres magnifiquement adéquate à une vie individuelle « viable » dans à un système écologique « viable », s’effondre.
Si, comme l'auteur de cet article le soutient, Dieu a créé un univers en évolution créatrice de formes de vies, cela sous-entend que l'homme est aussi dans cette évolution. On retombe dans l'erreur de Theillard de Chardin car se pose alors la question théologique de l'âme : puisqu'elle ne peut provenir de la matière (elle est incorruptible selon le Christ lui-même, et l'homme est constitué d'un corps mortel et d'une âme immortelle) elle a été insufflée par Dieu à un hominidé qui a ensuite évolué (?) ou a un homo-sapiens mais qui "la veille" de recevoir une âme était un pure animal bien que pure humain sans âme. Cette opinion condamnée par l'Eglise ressurgit ici. Il faudrait que cet auteur (qui sinon théologien n'est en tout cas pas biologiste) nous définisse l'âme (ce qu'elle est et ce qu'elle implique pour l'Homme) et réinterprête la Genèse afin de défendre sa position. Je ne trouve dans la masse des citations aucune preuve de la véracité de son opinion.
M. REVOL devrait relire la genèse : Dieu crée les êtres "selon leur espèce" ; expression sans cesse répétée. Je l'invite aussi à lire les travaux de nombreux scientifiques de tous pays remettant en cause l'idéologie de l'évolution : Michael DENTON sur l'impossibilité d'évolution biologique cf "l'évolution une théorie en crise" éd champ flammarion; G BERTHAULT et ses travaux depuis 40 ans sur les méthodes de datations de la terre notamment la formation des couches terrestres ; etc.