Pourquoi l’œcuménisme des martyrs est-il le plus convaincant ?
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1.
Les martyrs sont une réalité de notre temps : les chrétiens n’ont jamais autant fait face à la mort qu’aux XX-XXIe siècle. Il ne faut pas oublier qu’ils sont de toutes les confessions : catholique, protestante, orthodoxe et Eglises d’Orient.
Les martyrs sont une réalité de notre temps
D’abord, il faut savoir ce que l’on entend par « œcuménisme des martyrs ». J’élargirais tout de suite : « des martyrs et des saints », avec un accent mis sur les martyrs et plus particulièrement sur les martyrs du XXe siècle. Le mot « martyr »,veut dire « témoin ». Comme le dit saint Augustin, « Ce n’est pas la peine mais la cause qui fait le martyr », et le Concile Vatican II précise que, dans le martyre, « le disciple est assimilé à son maître, acceptant librement la mort pour le salut du monde, et rendu semblable à lui dans l’effusion de son sang » (Lumen Gentium, 42). A peu près tous les premiers saints de l’Eglise ont été des martyrs.
Il faut prendre conscience que des chrétiens de différentes confessions ont témoigné de leur vie pour le même Christ
Comment en suis-je venu à cette conviction ? J’ai travaillé pendant près de trente ans pour l’Eglise en Détresse, ce qui m’a amené dès le début à découvrir, au début des années 80, que les martyrs étaient une réalité de notre temps. Aujourd’hui, on est peut-être un peu plus conscient avec ce qui se passe pour nos frères chrétiens d’Orient ; mais à cette époque, cela semblait être plutôt un reliquat du passé : comment, au XXe siècle, peut-on encore avoir des martyrs ? J’ai découvert comme réalité qu’il y en avait très proches de chez nous. Quand j’ai commencé à travailler à l’AED, c’était juste quelques semaines après qu’on ait appris qu’en Tchécoslovaquie, le Père Coufal venait d’être assassiné : on avait découvert qu’il était un prêtre clandestin dans ce pays. Je me suis intéressé à cette réalité de chrétiens qui donnent leur vie pour le Christ.
Jean Paul II a voulu que le Jubilé de l’an 2000 mette en lumière la mémoire des martyrs chrétiens
Petit à petit, cela m’a amené à écrire sur eux et on m’a demandé, dans les années 90, de participer à Rome à ce travail sur la mémoire des martyrs. Vous savez que Jean-Paul II avait voulu que le grand Jubilé de l’an 2000 ait trois grâces, trois dimensions fondamentales : la purification de la mémoire, la charité et la mémoire des martyrs. J’ai donc fait partie de la Commission à Rome qui s’intéressait à eux et j’ai découvert très vite que cela valait non seulement pour des catholiques, mais aussi pour bien d’autres frères dans la foi chrétienne. J’ai commencé à travailler, à partir de l’action de Jean-Paul II lui-même, sur cette dimension de chrétiens de toutes les confessions qui donnent leur vie pour le même Christ.
Il faut réaliser que les martyrs sont de toutes confessions
Je crois que c’est important de faire connaître cette dimension. Pour moi, ce fut la troisième étape - la plus récente – ; quand j’ai quitté l’AED pour partir en retraite, professionnellement parlant, j’étais en lien avec l’Eglise martyre catholique d’Ukraine et on a dit : on va poursuivre ensemble. L’Eglise catholique d’Ukraine venait juste d’ouvrir son université catholique ;. Cette université avait quelque chose de magnifique et de formidable : les relations entre les catholiques d’Ukraine et les orthodoxes russes n’ont pas été des plus faciles – c’est une litote – au XXe siècle, puisque l’Eglise catholique d’Ukraine a été liquidée par Staline et que la moitié de ses églises ont été transformée en porcheries ou autres lieux, et l’autre moitié donnée à l’Eglise orthodoxe. ses prêtres n’ayant le choix qu’entre le Goulag et de passer à l’orthodoxie, c’est donc une histoire très difficile . Or, l’Eglise catholique d’Ukraine, sortie de la clandestinité, ouvre son université, et aussitôt demande à un orthodoxe d’origine russe d’être co-fondateur de cette université comme responsable de son Institut d’œcuménisme ! J’ai donc travaillé avec lui, et nous nous sommes dit : « Il faut faire connaître comment ces chrétiens de toutes les confessions (catholique et orthodoxe) ont témoigné pour le même Christ ».
Un « Cours d’hagiologie œcuménique » proposé en Ukraine depuis 2008
Il m’a été alors demandé de commencer un cours (j’en suis à ma huitième année) que l’on a appelé de façon un peu pompeuse : « Cours d’hagiologie œcuménique ». « Hagiologie », c’est la science, le savoir, la connaissance des saints ; donc en quoi les martyrs - et de façon plus générale les saints - peuvent-ils aider à l’unité des chrétiens. Ou encore l’œcuménisme par les martyrs et les saints, avec les martyrs et les saints, dans les martyrs et les saints, selon les martyrs et les saints, en lien avec les martyrs et les saints, pour les martyrs et les saints, tout ce qui a un lien entre ces hommes et ces femmes qui ont donné leur vie soit dans le don, la brutalité du martyr ou de la persécution, soit à travers toute leur vie, ce qui a mené les Eglises à reconnaître leur sainteté. Depuis huit ans, j’enseigne cela ; j’ai des élèves aussi bien aux Etats-Unis, en Croatie, au Danemark, au Kenya, dans les îles grecques ou même en Ukraine où je vais de temps à autre donner ce cours pour les élèves de l’université. En ce moment, c’est très intéressant : je prends les mémoires de fin de ce cycle. Je viens d’avoir un élève danois d’une Eglise protestante un peu dissidente, il est en train de travailler sur la communion des saints, alors que cette question des saints est l’une des causes de la Réforme de Luther et de Calvin au XVIe siècle. Donc il y a des frontières qui bougent à travers les martyrs et les saints. Ce cours est assez copieux, avec tous les documents que je fournis (1200 pages). Quand on me demande de résumer cela, la phrase qui me vient tout de suite (c’est ce travail, cet enseignement sur l’hagiologie œcuménique que j’essaie de faire partager) est la suivante : pourquoi les chrétiens, qui sont capables de souffrir et de mourir ensemble pour le même Christ, ne seraient-ils pas capables de vivre ensemble ? Voilà le cadre global par rapport à la question posée, le fond de ce que l’on peut appeler « l’unité à travers les martyrs et les saints ».
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2.
L’œcuménisme des martyrs a deux dimensions : la première est cette réelle unité vécue en « interne », par les martyrs eux-mêmes de confessions chrétiennes différentes. On a pu le constater en Ouganda au XIXe siècle, sous le nazisme et le communisme au XXe siècle.
L’œcuménisme est vécu par les martyrs et les confesseurs de foi
Il est important de passer de la théorie et d l’enseignement à la réalité vécue, de voyager à travers cette unité dans les martyrs et dans les saints. Là, on voit que le terme désigne deux réalités qui se tiennent, qui sont complètement les mêmes : d’une part ses dimensions, parfois ses semences : ces réalités d’unité vécues par les martyrs eux-mêmes : comment des chrétiens de différentes confessions dans des situations de persécutions témoignent ensemble pour le même Christ. D’autre part, comment la mémoire, la célébration, le souvenir de ces hommes et de ces femmes qui ont donné leur vie pour Jésus peuvent nous aider, peuvent aider d’autres chrétiens à aller vers l’unité.
Il y avait déjà l’exemple des martyrs ougandais au XIXe siècle : des catholiques et des anglicans qui meurent ensemble pour le même Christ
Cet exemple important, historiquement très significatif, nous vient d’Afrique : les martyrs ougandais du XIXe siècle, dans les années 1880 et qui concerne le fruit des missions - aussi bien anglicanes que catholiques –dans ce pays qui s’appelle aujourd’hui l’Ouganda (à l’époque, on l’appelait Buganda). Après avoir été plutôt bien accueillis par un premier roi, voilà que son successeur se met à persécuter les missionnaires parce qu’une bonne partie de la jeunesse de la cour était devenue chrétienne. Ces jeunes résistent aux avances homosexuelles du roi en question, Mwanga, parce qu’ils sont chrétiens. Et puis on assassine un missionnaire anglican qui était responsable de son Eglise dans cette partie de l’Afrique. On chasse les missionnaires catholiques et on laisse le choix à ces jeunes chrétiens entre céder aux avances du roi ou la mort. Ils choisissent de rester fidèles à leur foi chrétienne et à leur exigence morale et 45 jeunes chrétiens sont assassinés : 22 catholiques dont Charles Lwanga (qui est le chef du groupe des jeunes catholiques) et 23 anglicans sont brûlés vifs. En 1920, Benoît XV béatifie Charles Lwanga et ses compagnons, ces grands saints de l’Afrique moderne, et ils sont canonisés pendant Vatican II, par Paul VI en 1964. Or, au cours de cette canonisation, le Pape Paul VI rappelle aussi le martyr des jeunes anglicans brûlés en même temps ; quelques années plus tard, il ira en Ouganda et répètera à nouveau que le don de leur vie doit être admiré. Il rend hommage autant qu’aux jeunes catholiques. D’ailleurs, il a un texte sur l’œcuménisme de Vatican II qui dit la même chose : le témoignage de ces jeunes Africains est en quelque sorte l’illustration de ce dit Vatican II dans ce domaine. Voilà donc un exemple au XIXe siècle de chrétiens qui ont souffert et sont morts martyrs pour le même Christ.
Les chrétiens n’ont jamais autant fait face ensemble à la mort qu’au XXe siècle
Au XXe siècle, cette réalité de chrétiens faisant face ensemble à la mort va prendre une ampleur peut-être jamais connue auparavant (Il y a quelques exemples : au IIIe siècle, un Pape, Pontien, et un prêtre dissident, Hippolyte, se réconcilient ensemble comme martyrs et sont associés dans la mémoire). Mais au XXe siècle, il y a une ampleur sans précédent, particulièrement dans les camps nazis et dans les camps du Goulag, mais aussi dans d’autres lieux : par exemple l’Ouganda au XXe siècle, où il y a eu des persécutions de chrétiens, l’Amérique latine, l’Inde, mais aussi un ensemble de pays musulmans – où cela se poursuit aujourd’hui, ainsi en Irak, en Syrie, au Nigéria ou au Pakistan.
L’unité chrétienne sous le nazisme et la magnifique entraide œcuménique vécue dans les camps
Prenons d’abord le cas du nazisme. L’un des exemples les plus forts et impressionnants est le groupe de la Rose Blanche, connu aujourd’hui à travers des films et des livres, surtout par le nom de Sophie Scholl. C’est un groupe de jeunes chrétiens, influencé pour la plupart d’entre eux par un grand penseur catholique résistant Théodore Haecker, et qui décide de faire connaître aux autres étudiants de l’université la réalité sur le caractère antichrétien du nazisme. Il distribue donc des tracts dans les universités. Parmi eux, il y a des protestants, des catholiques et un jeune orthodoxe d’origine russe, Alexander Schmorell. Ils sont arrêtés, jugés et tous exécutés, ainsi que le Pr Kurt Huber, professeur (catholique) de Sophie Scholl, auteur du sixième et dernier tract. D’autres exemples d’exécution pour cause de résistance chrétienne : à Lübeck en 1943 où un pasteur évangélique et trois prêtres catholiques prêchent ensemble pour dire leur refus du nazisme ; ils sont arrêtés et décapités dans cette même ville. Même en France, il y a un très beau témoignage du groupe autour de Mère Marie Skobstova qu’on appelle aussi maintenant sainte Marie de Paris. C’est une moniale russe qui, avec un prêtre russe (le Père Dimitri Klépinine), avec d’autres orthodoxes, et aussi avec des prêtres catholiques et des laïcs catholiques, organisent tout un travail pour donner des faux papiers d’identité à des personnes juives qui seront pourchassées pour être envoyées dans les camps de la mort. Ils seront découverts et la plupart mourront dans les camps nazis.
Il faut parler aussi de l’œcuménisme, de l’unité chrétienne vécue dans les camps nazis
Il y a beaucoup de témoignages, mais le plus fort est ce qui s’est passé à Dachau : trois mille membres des clergés des différentes confessions chrétiennes – prêtres catholiques, prêtres orthodoxes, ministres protestants et même d’autres confessions chrétiennes – sont concentrées ; sur les trois mille, plus de mille mourront dans ce camp, sans parler de ceux qui seront transportés ailleurs et qui mourront aussi. Il n’y en a guère plus de mille qui seront encore vivants quand le camp sera libéré en avril 1945. Il y a d’ailleurs des martyrs catholiques qui ont déjà été béatifiés comme Mgr Michael Kozal de Wroclawek ou Karl Leisner et d’autres encore. Il y a dans les mêmes camps nazis des pasteurs importants : le pasteur Martin Niemöller, des théologiens protestants ; il y a le patriarche orthodoxe de Serbie, ou encore un autre évêque serbe orthodoxe. On a des témoignages sur ce qui s’est passé à Dachau, par le millier qui a survécu. Au début, ces différents membres du clergé se regardaient un peu en chien de faïence. Les catholiques avaient le droit à une chapelle et ne voulaient pas, au début, que les protestants viennent dedans, car le Saint-Sacrement était dans le tabernacle. Petit à petit, dans la souffrance commune, les barrières sont tombées ; il y a eu une entraide magnifique en partageant le si peu qui était donné à manger, les tortures, le froid, la faim. L’évêque polonais Kazimierz Majdanski alors séminariste (que j’ai bien connu) disait dans son témoignage : « On a appris à se dépouiller de ses vêtements (en particulier de ses vêtements pour la liturgie qui étaient différents de l’un à l’autre) et à découvrir ce qui était l’essence de la vie et de la foi, le témoignage chrétien ». Aujourd’hui, cela est inscrit dans les monuments à Dachau ; ce témoignage commun reste comme l’une des grandes pierres de ce XXe siècle.
L’unité des chrétiens s’affiche aussi dans les pays communistes : l’œcuménisme du Goulag fait tomber les barrières
La même chose s’est passée dans les pays communistes, à commencer par la Russie. Un événement est relativement peu connu au tout début de la Russie, en 1922 : Lénine fait arrêter le patriarche orthodoxe de Moscou, le patriarche Tikhon. Des orthodoxes courageux viennent protester et manifestent ; ils demandent d’eux-mêmes à la petite église catholique russe de venir avec eux. Le responsable de cette église le fait avec sa poignée de fidèles. Le patriarche est finalement libéré, même s’il meurt pas très longtemps après. Il est très touché par la présence des catholiques, alors que ces catholiques, juste avant la Révolution encore, étaient quasiment interdits sous la pression de l’Eglise orthodoxe. Voilà que, dans l’épreuve, les barrières là aussi fondent ; mais cela ne va pas durer très longtemps pour une raison très simple : un bon nombre de ces responsables, qu’ils soient orthodoxes ou catholiques, vont être mis dans des bateaux, expulsés de Russie qui est en train de devenir l’Union Soviétique. Mais ce premier exemple de témoignage dans l’épreuve portera du fruit : quand les croyants de plus en plus nombreux sont envoyés au Goulag, il va y avoir comme dans les camps nazis ce que l’on peut appeler un « œcuménisme du Goulag », de prière commune, d’entraide. En parallèle dans le cas du nazisme, on peut citer les propos de Mgr von Galen à Pie XI le 25 mai 1937 au sujet de la réception de l’encyclique « Mit Brennender Sorge » sur le nazisme dans le monde luthérien : « Pour la première fois depuis quatre cents ans les protestants reconnaissent que le Pape a parlé aussi pour eux. » On peut aussi citer dans le même sens les propos du pasteur Dietrich Bonhoeffer dans une lettre de captivité à Eberhard Bethge (9 mars 1944) au sujet des souffrances endurées par les catholiques allemands : « Peut-être savent-ils mieux par leur histoire ce que sont réellement la souffrance et le martyre ? »
« Dans le camp, nous partagions ce que nous avions de mieux. Les protestants : la Bible. Nous, les orthodoxes : notre liturgie. Les catholiques : d’appartenir à l’Église universelle »
L’un des plus beaux exemples que je connaisse (il est lié au fait que j’enseigne l’œcuménisme par les saints dans l’université catholique) est celui de l’archevêque du chef de l’église catholique d’Ukraine (alors totalement clandestine et interdite), qui deviendra après sa libération cardinal, arrêté par le KGB (comme tous les évêques et envoyés dans le Goulag, il sera le seul survivant de la quinzaine d’évêques) : le cardinal Slipyj a raconté comment, dans le camp, il était le père spirituel de prêtres orthodoxes au moment où les relations entre les deux Eglises étaient vraiment au plus bas, et comment il célébrait l’Eucharistie avec eux secrètement, clandestinement, dans les camps du Goulag sibérien où il se trouvait ; il a été aidé pour pouvoir avoir le pain et le vin. C’est un exemple parmi d’autres. Il y a une page de Soljenitsyne dans « Une journée d’Ivan Denissovitch » où il dit quelque chose de beau : « Dans le camp, nous partagions ce que nous avions de mieux. Les protestants : la Bible. Nous, les orthodoxes : notre liturgie. Les catholiques : d’appartenir à l’Eglise universelle ».
L’exemple de Stefania Shabatura
Un autre exemple me tient particulièrement à cœur : celui d’une catholique ukrainienne, Stefania Shabatura (elle est morte l’an passé), qui a passé huit ans dans le Goulag, car elle avait commis un crime absolument impardonnable : cette jeune catholique artiste connue et reconnue avait écrit une lettre qu’elle avait envoyée tout à fait ouvertement, demandant le droit d’aller à la messe le dimanche. C’était un crime assez épouvantable à l’époque soviétique, puisque son Église n’existait plus et que la foi religieuse était en cours de liquidation. Elle s’est retrouvée avec 26 autres femmes dans un camp. Toutes étaient des « criminelles » religieuses : il y avait des gréco-catholiques comme Stefania Shabatura, des catholiques latines comme la lituanienne Nijolé Sadunaite, des orthodoxes, des protestantes ; imaginez un camp avec une ligne de chemin de fer spéciale pour arriver dans ce camp ; là, ces 27 femmes et tous les gardiens. Ces femmes ont vécu ensemble une densité de foi chrétienne vraiment comme des sœurs dans la prière, ou en protestant, en faisant une grève de la faim pour avoir une Bible, et d’autres actes courageux. Voilà la première dimension de l’œcuménisme vécu par des martyrs, des confesseurs de la foi ensemble.
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3.
La seconde dimension est « externe » : ce martyre œcuménique des chrétiens doit inciter les communautés chrétiennes à davantage d’unité. Jean-Paul II a été le prophète et l’instigateur de cette réconciliation à travers l’œcuménisme des martyrs et des saints.
Selon Jean-Paul II, le martyre œcuménique des chrétiens doit inciter les communautés chrétiennes à l’unité
La deuxième dimension, c’est l’œcuménisme des communautés chrétiennes à partir de la mémoire des martyrs. Là, il y a vraiment un nom qui s’impose : celui de Jean-Paul II. Jean-Paul II a été à la fois le prophète, mais il a aussi posé les pieds sur la reconnaissance de l’unité vécue à travers les martyrs et les saints. Jean-Paul II écrit dans « Tertio millennio adveniente » que l’œcuménisme des martyrs et des saints est sans doute le plus convaincant. Il a aussi écrit que, d’un point de vue théocentrique – en Dieu – nos Eglises partagent déjà le même martyrologe, le grand livre dans lequel on a écrit les martyrs et les saints. Petite parenthèse : les martyrs ne sont pas une catégorie de saints ; les saints sont des martyrs non sanglants, historiquement parlant. Le mot « martyr » veut dire « témoin » ; tous les premiers saints de l’Eglise ont été des martyrs. Les martyrs ont donc, en quelque sorte, imprimé ce qu’est la sainteté pour l’Eglise. Après la fin de la persécution, les chrétiens se sont aperçus que l’on pouvait non seulement mourir pour le Christ, mais que l’on pouvait aussi vivre et témoigner pour lui : témoigner pour lui en mourant pour lui ou en vivant pour lui, en portant témoignage pour le Christ dans toutes les dimensions, tous les recoins possibles de la vie.
La reconnaissance et la canonisation des martyrs confessionnels lors des voyages de Jean-Paul II
Jean-Paul II a commencé par agir dans ce domaine ; lors de ses voyages apostoliques, surtout en 1995 en République Tchèque et en Slovaquie, il a canonisé des martyrs catholiques tués par des protestants. Or, pendant les messes de canonisation, aussi bien en République Tchèque qu’en Slovaquie, il a demandé aux fidèles essentiellement catholiques de reconnaître la grandeur, la foi, la beauté du témoignage des protestants qui avaient préféré être tués par les catholiques plutôt que d’abjurer leur propre confession. Par sa voix, il leur rend la louange qu’ils méritent, exprime son admiration car le martyr unit tous les croyants au Christ, en attendant de pouvoir parvenir à une pleine communion ecclésiale.
Ainsi, à Kosice, il a demandé aux catholiques de se réjouir et de rendre grâce à Dieu pour le témoignage dans la foi de ceux qui ont préféré mourir martyrs catholiques plutôt qu’abjurer leur foi pour devenir protestants, donc tués par des protestants. Dans le même temps, il a demandé de rendre louange (selon ses termes) et d’admirer les protestants – 24 fidèles protestants – tués à Prešov par des catholiques; puis, il est allé un peu plus tard en République Tchèque, et a parlé dans le même sens.
Les « martyrs confessionnels » invitent spécialement à la repentance et l’action de grâce mutuelles
Ces protestants ont été tués par des catholiques et Jean-Paul II demandait aux catholiques de reconnaître la grandeur du témoignage de protestants qui ont préféré mourir pour leur foi plutôt que de l’abjurer. En 1995, quand j’ai entendu et lu cela, je me suis dit : « Là, il y a quelque chose d’extraordinaire ». Le pasteur Bethge, l’ami le plus proche de Dietrich Bonhoeffer (l’un des grands témoins de la foi du XXe siècle), a inventé ce terme de « martyr confessionnel ». Bethge dit : « Les chrétiens qui meurent ensemble pour le Christ dans le cas du nazisme, du communisme et d’autres situations, sont un témoignage de foi magnifique et c’est une voie magnifique vers l’unité et la réconciliation des chrétiens ». Mais il ajoute que dans le cours de l’Histoire, il y a eu d’autres chrétiens tués, cette fois-ci, par des chrétiens d’autres confessions. Il les appelle donc « martyrs confessionnels » et dit – et il a tout à fait raison – que là, c’est nettement plus délicat. C’est facile à comprendre pourquoi : en particulier parce qu’à juste titre, leurs Eglises gardent, reconnaissent et rendent grâce pour la grandeur de leur témoignage, qu’il les canonise ou non. Les Eglises protestantes ne canonisent pas, mais elles les reconnaissent et les gardent dans la mémoire ; elles ont des livres de mémoire sur ceux qui ont donné leur vie pour leurs convictions. Et en écoutant Jean-Paul II parler comme il l’a fait en 1995, je me suis dit : « Le jour où nos Eglises participeront ensemble à une commémoration qui les lie - repentance et action de grâce mutuelles pour les martyrs - un pas important aura été fait vers l’unité ». Comme toujours, un petit pas dans ce qu’il y a de plus difficile a au moins autant – voire plus – de valeur qu’un grand pas dans ce qu’il y a de plus facile.
Une icône pour se souvenir
Dans ce domaine, il y a des choses qui se sont faites – je pense à nouveau à l’Ukraine que je connais bien. A peu près en même temps, au XVIIe siècle, dans ce pays qui s’appelle aujourd’hui l’Ukraine mais qui, à l’époque, s’appelait la « Ruthénie » (ce qui veut dire « Russe », c’est le même mot), un évêque catholique, Josaphat Kuntsevych, un moine basilien, a été tué par des orthodoxes et un higoumène orthodoxe, Athanase de Brest-Litovsk, a été tué par des catholiques. Tous deux ont été canonisés par leurs églises respectives. Pendant des siècles, ces deux saints – un saint catholique et un saint orthodoxe – ont été exaltés par leurs Eglises réciproques, non seulement pour le beau témoignage jusqu’au martyr qu’ils ont donné, mais aussi comme un instrument pour dire que les autres sont des méchants – c’est presque une litote – donc un instrument dans la guerre confessionnelle.
Je me souviens avoir terminé une conférence que je donnais au début des années 2000 à l’université catholique d’Ukraine au moment où elle naissait, en disant : « Imaginons qu’un jour, catholiques et orthodoxes célèbrent ensemble leurs deux saints, Josaphat et Athanase, leurs deux martyrs qui nous ont tellement guidés pendant ces siècles, en demandant pardon à Dieu pour ces situations de violence, et qu’on rende grâce pour leur témoignage de foi ». Le responsable de l’université m’a dit : « Vous arrivez juste un petit peu trop tôt. Nous sommes en train de faire peindre une icône avec ces deux saints ensemble, sur le modèle d’une icône très connue de saint Pierre et de saint André ». De fait, cette icône a été rapidement non seulement terminée, mais aussi installée : elle commence à se répandre chez les catholiques et les orthodoxes, ensemble. Donc un magnifique témoignage.« L’œcuménisme des martyrs et des saints est le plus convaincant » selon Jean-Paul II
Je reviens à Jean-Paul II et à ses phrases si fortes sur l’œcuménisme des martyrs et des saints. Pourquoi est-il le plus convaincant ? La première raison toute simple, c’est que c’est un œcuménisme de la conviction : la conviction qui donne son accord à une vérité qui se révèle, la conviction qui va jusqu’au don de sa vie est bien sûr la plus forte et la plus impressionnante. Ces martyrs chrétiens - qu’ils soient catholiques, protestants, orthodoxes - nous disent la même chose : « La seule réponse adéquate à Celui qui donne sa vie pour moi, c’est de donner ma vie pour Lui », y compris au sens radical s’il le faut, tout en sachant que les martyrs ne sont pas des chrétiens d’une espèce différente des autres ; leur témoignage de la foi est le même, c’est partout la même chose, c’est difficile, exaltant ; que l’on meurt dans la violence d’une exécution, d’un assassinat ou que l’on meurt – sainte Thérèse de Lisieux dit cela de façon tellement magnifique quand l’une de ses sœurs, Céline, lui écrit qu’elle rêve que Thérèse meurt martyr et qu’elle est fort jalouse, et que Thérèse lui répond un peu sèchement : « Avant de mourir par le glaive, commençons par mourir martyr à coups d’épingles» (c’est-à-dire dans la vie quotidienne) .
L’unité des chrétiens à construire sur terre est déjà réalisée au Ciel, dans les martyrs et les saints
Il faut certes exalter les martyrs, mais il ne faut surtout pas les séparer de ce qu’est la vocation chrétienne : ce sont des témoins jusqu’au bout, mais elle est bien partout la même : suivre Jésus. Donc pour Jean-Paul II, ce martyr est le plus convaincant et il dit aussi que « d’un point de vue théocentrique, nous partageons déjà le même martyr » : c’est une phrase très forte ; peut-être même qu’en un certain temps, elle lui aurait valu quelques ennuis avec sa propre Eglise. Jean-Paul II veut dire que l’unité des chrétiens n’est pas à rechercher, n’est pas à faire comme quoi elle n’existerait pas : elle n’est pas à faire, elle est à élargir, elle est déjà réalisée dans nos martyrs et dans nos saints. C’est comme toute action humaine : quand nous savons que cela existe déjà (que c’est à agrandir), c’est quand même plus facile que quand cela n’existe pas du tout.
« Les murs qui séparent nos Églises ne montent pas jusqu’au Ciel »
Dire que l’Eglise est indivise dans ses martyrs, cela reprend une idée exprimée au XIXe siècle par un Métropolite orthodoxe, Platon de Kiev, qui disait : « Les murs qui séparent nos Eglises ne montent pas jusqu’au Ciel ». C’est vraiment la même idée, c’est une façon de dire la même chose que ce que dit Jean-Paul II. Cette unité est déjà réalisée. Il ne faut pas oublier cette dimension : nous partageons déjà le même martyr. Autrement dit - et au point de vue de l’unité des chrétiens c’est une leçon non moins importante – il peut y avoir la tentation que j’appelle la tentation du « plus petit dénominateur commun » : cherchons a minima ce qu’on a ensemble entre nous, même si finalement ce n’est pas grand-chose, c’est quand même ça. Mais nos martyrs sont, après le Christ, notre « plus grand dénominateur commun » : Dieu, son Fils, l’Esprit Saint en ses saints, en ses martyrs ; l’unité est déjà réalisée au Ciel ; elle n’efface pas les divisions, les problèmes réels sur la Terre, il ne faut vraiment pas les cacher, mais elle constitue – il me semble - pour toutes nos Eglises un encouragement formidable. D’où la question : puisque nos saints, nos martyrs sont ensemble dans la sainteté, pourquoi ne serait-on pas ensemble dans notre vie quotidienne, chrétienne ?
On peut relier cela d’ailleurs exactement à une demande que l’on fait tous les jours : « Que Ta volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel »
La volonté de Dieu est faite au Ciel, au point de vue théocentrique : nous prierons pour ceux qui sont allés au bout de leur témoignage pour Lui, que ce soit dans le martyr ou la sainteté, ensemble avec Lui. Pour ce qui est sur Terre, le Seigneur, qui nous a créés sans nous demander notre avis, ne veut pas nous rendre saints et nous sauver sans notre collaboration. C’est saint Ephrem, Saint Augustin, les Pères de l’Eglise, etc., et c’est toujours vrai aujourd’hui.
Il y a donc des pistes très intéressantes dans ces paroles de Jean-Paul II : d’être attentifs ensemble à soutenir, défendre, consoler, honorer les frères chrétiens qui, en ce moment même, souffrent ensemble pour le nom du Christ ! Je pense à ceux d’Irak, de Syrie, du Nigéria, d’Inde et d’autres pays... Avançons ensemble dans le travail de mémoire et marchons ensemble à leur suite ! -
4.
Beaucoup de réalisations concrètes témoignent de cette volonté d’œuvrer pour l’unité des chrétiens, que ce soit lors de la semaine de prières annuelle qui lui est consacrée, ou bien la multiplication dans le monde des lieux à la mémoire des martyrs du XXe siècle.
La semaine de prière pour l’unité des chrétiens traduit une forte volonté œcuménique, mais elle a jusqu’à présent peu développé le thème de l’unité à travers les martyrs
Je passe au troisième point fort que je voulais partager avec vous, à savoir des réalisations concrètes. Les réalisations concrètes : tout le monde pense tout de suite et avec raison à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, on est en plein dedans. Et je ne veux surtout pas la minimiser, elle est tellement importante. Je veux simplement exprimer un petit regret : à ma connaissance, sauf erreur de ma part, il y a souvent cette dimension de témoignages (il y a un thème chaque année ; mais il n’y a pas encore eu explicitement ce thème de l’unité à travers les martyrs). Cette petite réserve mise à part sur la semaine de l’unité des chrétiens qui est très importante, il y a aussi un partage, une avancée au point de vue théologique. Là, il y a un travail concret qui se fait, qui est animé par le monastère de Bose, dans le nord de l’Italie, avec une dimension œcuménique très forte. Là, il y a un groupe de travail un peu informel – mais qui ne se cache pas – avec d’un côté des responsables non officiels en tant que tels du Conseil Œcuménique des Eglises, et du côté catholique, des personnes envoyées par Rome, un peu en retrait, qui travaillent ensemble sur comment avancer dans l’unité à travers les martyrs et les saints par des rencontres, par des études, par un gros livre, un martyrologe, publié cette année et traduit dans plusieurs langues.
La pierre et les pèlerinages sont les meilleurs témoins de cet œcuménisme des martyrs
Il y a une dimension sur laquelle je vais un peu insister – et ce sera ma dernière partie. On est non seulement des personnes incarnées, nous le savons bien, mais ce qui se voit dans beaucoup de choses de la vie chrétienne - religieuse ou non - c’est quand les choses deviennent inscrites dans la pierre, d’une façon ou d’une autre, qu’elles restent peut-être le mieux. Il y a déjà des inscriptions de cette unité par des martyrs dans la pierre : monuments, statues et autres. Je termine là-dessus parce que ça se voit, ça résume – que ce soit les rencontres, aussi les pèlerinages : il y a des pèlerinages communs, des vieux lieux de martyrs qu’ils soient anciens ou modernes, dans tous les pays du monde, jusqu’en Albanie par exemple.
A Rome, la « basilique de saint Barthélémy et des martyrs du XXe siècle »
Ces inscriptions dans la pierre (ce n’est pas un hasard si c’est lié à Jean-Paul II), c’est d’abord à Rome même : deux lieux extraordinaires, un qu’on ne peut pas visiter et un qu’on peut visiter : le premier lieu extraordinaire est la basilique de saint Bartholomée, confiée à la Communauté Sant’ Egidio. A Rome, il y a une seule île sur le Tibre, qu’on appelle l’île Tibérine. Il y a la basilique dédiée à l’apôtre et martyr saint Barthélémy (San Bartolomeo en italien) ; depuis le début des années 2000, cette basilique s’appelle la « Basilique de saint Barthélémy et des martyrs du XXe siècle ». Par la volonté de Jean-Paul II, précisée ensuite par Benoît XVI qui s’y est rendu et y a fait des discours importants, c’est un lieu de mémoire et un lieu où sont conservées des reliques. Il y a un grand autel avec une grande icône œcuménique des martyrs du XXe siècle ; dans chaque chapelle latérale, il y a des reliques soit de martyrs catholiques, soit de martyrs orthodoxes (je pense au dernier calice du Père Men), soit de martyrs anglicans (les bâtons des sept frères d’une fraternité anglicane tués en ramenant la paix dans les îles Salomon), et d’autres aussi. C’est donc un lieu très émouvant ; à travers ces reliques, quelques objets, une croix, quelques objets des camps nazis et des camps du Goulag, il y a tout un travail, des célébrations régulières, il y a quelque chose de très beau.
Cette basilique s‘enrichit constamment de nouvelles reliques, les dernières étant de martyrs de 2015.Au Vatican, la chapelle « Redemptoris Mater »
Au Vatican même, il y a la chapelle « Redemptoris Mater », ce qu’on a pu appeler « La Sixtine du XXe siècle » ; c’était le cadeau des cardinaux au Pape. Il y a des centaines de mètres carrés de mosaïques qui ont été faites dans cette chapelle (une visite virtuelle de cette chapelle est possible sur Internet), c’est fabuleux. C’est là où auront lieu tous les exercices de Carême de la Curie. Le Père Marko Rupnik, un jésuite, a été chargé du projet avec le soutien du cardinal Spidlik, l’un des grands amis de Jean-Paul II. Le propre neveu du cardinal Spidlik (qui avait déjà quitté la Tchécoslovaquie) avait été assassiné en vengeance contre son oncle qui avait le courage de parler des persécutions dans son pays, la Tchécoslovaquie. Il y a deux dimensions extraordinaires dans cette chapelle : la première, c’est qu’il y a tout un mur couvert par des Saintes Trinités qui représentent toujours trois saints : un Oriental et deux Occidentaux ou deux Orientaux et un Occidental. Par exemple, il y a saint Nicolas entre Grégoire le Grand et saint Chrysostome ; ou encore saint Serge entre saint Basile et saint Benoît. Mais il a mis aussi ce qui divise un peu l’Orient et l’Occident au niveau de la spéculation théologique, à savoir saint Thomas d’Aquin d’un côté et saint Grégoire Palamas de l’autre ; tellement de livres ont été écrits de part et d’autre, pour montrer que l’autre avait tort ; mais il a mis au milieu l’un de leurs inspirateurs communs : Jean Damascène.
Et puis il y a une grande fresque en haut, toujours en mosaïque : la grande procession des martyrs du XXe siècle : des martyrs catholiques, protestants, orthodoxes, en particulier du Goulag russe.A Saint-Maurice, à Nanterre...
D’autres monuments catholiques, si vous allez par exemple à Saint-Maurice du Valais qui vient de fêter ses 1500 ans cette année, là où Saint Maurice et ses compagnons ont été martyrisés, la grande porte magnifique en bronze est la mémoire œcuménique des martyrs du XXe siècle et de tous les siècles. Et même tout près de Paris, à Nanterre, Mgr Daucourt a créé dans sa cathédrale une chapelle de saint Maurice sur les martyrs de tous les temps, ce qui était l’occasion d’une sensibilisation sur le martyr chrétien des différentes confessions du XXe siècle.
L’abbaye de Westminster contient des statues de martyrs chrétiens du XXe siècle...
Dans l’Eglise anglicane, le lieu le plus extraordinaire (dans le domaine qui nous intéresse aujourd’hui) est l’abbaye de Westminster, comme cathédrale de Canterbury, le sanctuaire anglican le plus important dans le monde, au cœur de Londres ; au milieu des années 90 – c’est tout récent – les autorités de l’Eglise anglicane se sont rendu compte que la réforme était arrivée alors même que Westminster a dit que ce n’était pas tout à fait terminé, et qu’on avait laissé toute une façade avec un endroit plein de niches pour mettre des statues qui n’avaient jamais été mises. En réfléchissant, ils ont décidé de mettre des statues de martyrs chrétiens du XXe siècle. J’étais à Londres récemment, il pleuvait comme souvent, il y avait des touristes japonais devant ces statues ; comme il pleut beaucoup à Londres, la pierre a déjà un peu verdie par la pluie. La plupart des gens croient que ces statues datent du Moyen-âge, alors qu’il y en a un ou deux qui portent des lunettes ! Il y a là des noms à la fois très connus, comme saint Maximilien Kolbe, Martin Luther King, Oscar Romero ou encore la grande duchesse Elisabeth de Russie - donc toutes les confessions - et d’autres totalement inconnus : un catéchiste anglican tué par sa mère en Afrique australe dans les années 20, un pasteur protestant tué en Chine pendant la Révolution culturelle. Il faut aussi citer chez les anglicans la chapelle de la Corona tout au bout de la cathédrale de Canterbury (là où il y avait la tombe de saint Thomas Beckett qui a été désacralisé au moment de la Réforme) ; cette chapelle aujourd’hui est la chapelle œcuménique des martyrs du XXe siècle ; pour l’instant, c’est tout modeste, ce sont des reproductions, mais il y a Charles de Foucauld, Edith Stein, Bonhoeffer, le Père Kolbe et d’autres.
L’église Sainte-Marie à Oxford contient une stèle sur les martyrs confessionnels
Le troisième exemple aussi très fort en Angleterre est à Oxford : la fameuse église Sainte-Marie où Wesley et Newman ont prêché. Il y avait une grande stèle à la mémoire des martyrs anglicans tués par les catholiques au XVIe siècle. Cette stèle a été remplacée à Noël 2000 par une autre stèle, commune, sur les martyrs anglicans tués par les catholiques au moment de la Réforme (époque de Marie Stuart) et les martyrs catholiques tués par des anglicans, en particulier ceux qui ont été canonisés par Paul VI : ils sont honorés ensemble dans ce haut lieu de l’Angleterre.
Il y a d’autres exemples de chapelles un peu similaires dans des églises - des cathédrales même - protestantes. En Suède : la cathédrale de Strängnäs, ou encore à Utrecht (Réformés).Il y a encore beaucoup d’autres lieux de mémoire dans le monde orthodoxe, notamment en Russie
Dans le monde orthodoxe, puisque c’est en Russie (plus précisément, dans l’ex-URSS) qu’il y a eu le plus de martyrs chrétiens au XXe siècle, il y a Butovo un endroit près de Moscou où l’on a trouvé un charnier avec 21 000 personnes exécutées (un bon millier de prêtres, moines et évêques, et parmi eux des catholiques) ou encore à Sandormorch, à côté de Saint-Pétersbourg, où un évêque catholique, des dizaines de prêtres et des centaines de prêtres orthodoxes ont été exécutés. Là où il y a des lieux de mémoire orthodoxes, la mémoire des catholiques qui sont morts est aussi marquée. Donc cette inscription dans la pierre est un très beau témoignage sur l’œcuménisme à travers les martyrs.
Diacre, historien, ancien directeur de l'Aide à l'Eglise en Détresse (AED)
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Il fut canonisé par la vox populi.
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commentaires
postés
A quand les martyrs des trois religions issues dAbraham?
OUI, à œcuménisme il le faut, c'est important, et LE CHRIST serait comblée de cette Unité. Mais il ne faut pas nous Catholiques nous nous forçons à aller vers cette œcuménisme, il nous faut prier beaucoup pour que cette Unité soit façonné par l'ESPRIT SAINT et LUI SEUL serait en mesure de donner la perpétuité à cette Unité. Maintenant dire que l’œcuménisme des martyres chrétiens est convaincant:
Je ne savais pas qu'Hitler et Staline étaient protestants! On en apprend tous les jours.
En accord avec Paladin sur le fond. Sauf que l'humanisme, loin d'être l'opposé de la religion est au départ une réflexion catholique quant à l'égale humanité, en terme d'égalité de nature, des indigènes Amérindiens et des Européens. L'Église Catholique a donc bien créé et promu l'humanisme véritable, égalité devant Dieu, et la Révolution, destructrice du Catholicisme, a bien détourné et perverti le message humaniste dans une redéfinition tardive de la notion.
Le commentaire de Paladin est bien plus intéressant que l'article :)
Bien d'accord avec vous s'agissant de la traduction vraie de œcuménisme : il s'agit de chercher la paix entre les chrétiens et donc ne pas confondre avec le sinistre "dialogue inter-religieux". Néanmoins, cessons l'angélisme criminel : les principaux bourreaux de catholiques des deux derniers siècles sont protestants ! Et il n'y aura jamais de repentance protestante puisque ce courant compte une infinité de sectes (les plus tolérants parlerons pudiquement d'églises). La définition même d'un catholique prévoit l'apostolat, pourquoi vouloir en ce cas conforter nos frères dans l'hérésie protestante ? Ce n'est ni chrétien, ni cohérent, ni souhaité par le Christ... Alors au nom de quoi ? De l'Humanisme ? Cette notion s'opposant par définition à la religion, je crois que le Ciel attend de nous que nous aidions à la conversion de nos frères bien plus qu'à dialoguer avec eux au risque de renoncer à nos dogmes les plus fondamentaux (l'Immaculée Conception par exemple).