Le temps est donc venu de passer à une pratique œcuménique de la gouvernance ecclésiale
Face à la prise de conscience des limites d’une vision trop juridique, ou trop mystique, ou trop congrégationnelle de l’Église (car le Conseil œcuménique des Églises admet de plus en plus qu’il traverse une période de crise), il convient de réconcilier le génie de chaque tradition chrétienne pour penser et vivre la gouvernance ecclésiale dans l’esprit du Christ ressuscité.
Il convient tout d’abord de se mettre à l’écoute des « signes des temps ». A l’âge post-constantinien de l’histoire, la conscience ecclésiale se souvient que chaque citoyen du royaume du Christ, baptisé en Christ, a revêtu le Christ. De fait, le renouveau contemporain de la théologie du politique affirme qu’une synthèse est possible entre l’âge médiéval, qui a insisté sur l’origine divine du pouvoir de César, et l’âge moderne, qui a fait primer la nécessaire séparation entre le royaume de César et le royaume de Dieu. (On recommande en particulier la lecture des Actes du colloque « La démocratie, une valeur spirituelle », sous la direction de Antoine Arjakovsky, Antoine de Romanet et Philippe Poirier, Paris, Parole et Silence, 2013.) A l’âge œcuménique et post-confessionnel de l’histoire, il apparaît également, en Orient comme en Occident, que la gouvernance dans l’Église doit associer le génie de la régulation responsable de Pierre, de la résistance insoumise de Jacques, et de la vision spirituelle de Jean (Cf. Antoine Arjakovsky, Qu’est-ce que l’orthodoxie ?, Paris, Gallimard, 2013).
Le Christ lui-même nous a donné des clés pour comprendre la gouvernance ecclésiale
Il faut en effet relire les sources évangéliques comme l’ont suggéré le père Serge Boulgakov, et le père Hans Urs von Balthasar. Il est frappant à la lecture attentive des textes de constater que le Christ a lui-même organisé la gouvernance de son Église. Bien que l’ensemble du ministère du Christ puisse être compris comme un temps de « management ecclésial », la période qui se situe entre l’épisode de la Transfiguration et l’Ascension de Jésus (Luc 24) est particulièrement éclairante. Le Christ au moment de sa Transfiguration (Luc 9,28), comme le révèle la mémoire visuelle et iconographique mais aussi orale et liturgique de l’ÉEglise, apparaît au centre d’une croix formée à gauche et à droite par la Loi (Moïse) et la justice prophétique (Élie) et en haut et en bas par la gloire (la main du Père) et la mémoire (les trois apôtres Pierre, Jacques et Jean). Le pôle de la mémoire est trine et reflète de la sorte la trinitarité du phénomène théologique et historique. Pierre, Jacques et Jean, seuls apôtres a avoir assisté à la résurrection de la fille de Jaïre (Luc 8,49) n’ont pas été conduits par hasard sur le Mont Thabor. Il fallait qu’ils puissent voir de leurs yeux la glorification anticipée du Fils et entendre de leurs oreilles la voix du Père leur dire : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai élu, écoutez-le ! ». A ceux à qui le Christ octroie un honneur particulier et donc une responsabilité particulière, il a été donné de comprendre que Dieu se manifeste et agit dans l’Histoire à travers son Fils. La tradition iconographique retient trois détails étonnants. Chaque apôtre est représenté de façon différente. Pierre l’organisateur suggère de dresser trois tentes. Jacques le silencieux est catapulté à la renverse. Jean le mystique se concentre sur une fleur des champs.
À partir de ce moment précis, l’évangéliste Luc rapporte que le Christ se fait plus explicite dans ses recommandations et dans son annonce de sa propre résurrection, tout en les enjoignant de ne « dire mot à personne », c’est-à-dire pas même aux autres apôtres, ce qui témoigne de leur maturité et donc de leur mission particulière. Le Christ leur apprend à régler les cas de possession les plus graves (Marc 8,14), la gestion du pouvoir (Marc 9,33), le rapport aux guérisseurs au nom du Christ extérieurs à la communauté apostolique (Marc 9,38), les met en face des dangers des comportements pécheurs (Marc 9,42), les instruit sur les questions du mariage et du divorce (Marc 10,1), sur le rapport aux richesses (Marc 10,17), sur la question de l’impôt à l’Etat et dans la communauté (Marc 12,13), etc. Cette énumération est frappante.
Le plus frappant est que le Christ instaure une collégialité entre les apôtres fondée sur la responsabilité particulière de Pierre, Jacques et Jean
Celle-ci apparaît dans certains passages comme l’annonce de la ruine du Temple faite à « Pierre, Jacques, Jean » (et André, le frère de Pierre, à l’écart), l’épisode du sommeil au jardin de Gethsémani où les trois apôtres sont cités nommément, et dans le Livre des Actes (1,13-14) qui à la fois énumère Pierre, Jean et Jacques avant les autres disciples (avec André en tant que frère de Pierre) et en même temps donne à Pierre le rôle de porte parole des onze (Actes 1,15) au moment où il s’agit pour la première fois de prendre une décision au nom du Christ, à savoir l’élection du douzième apôtre. Comme l’a rappelé la théologienne orthodoxe Marina Copsidas dans son très beau livre, Les Larmes de Pierre, Paul lui-même témoigne de cette gouvernance triumvirale dans l’Église primitive : « Et considérant la grâce qui m’a été donnée, Jacques, Céphas et Jean, considérés comme les colonnes, nous donnèrent la main à moi et à Barnabas, en signe de communion, afin que nous allions nous, vers les païens, eux, vers les circoncis » (Galates 2,9).
Le caractère charismatique de la gouvernance ecclésiale fondée sur les vocations particulières de Pierre, de Jacques et de Jean, qui connurent tous le martyr, donne certains enseignements au temps présent. Tout d’abord, l’autorité dans l’Église appartient au Christ seul, comme il le dit à ses disciples après sa résurrection (Matthieu 28,8 : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre ») Et en même temps, le Christ donne une responsabilité politique aux apôtres, puisqu’il les enjoint à faire « de toutes les nations » des disciples.
Ensuite, le pouvoir s’est organisé progressivement dans l’Église autour des trois colonnes, Pierre, Jacques et Jean. Mais cette autorité ne fonctionne qu’à plusieurs. Boulgakov a montré de façon magistrale que la même autorité christique se manifesta à la fois par la face régulatrice et volontaire de Pierre – qui enjoint dans le livre des Actes un paralytique de se lever –, et par la face mystique et silencieuse de Jean – qui tourne son regard, à l’heure de la mort du Christ, vers l’infirme de la belle Porte. Mais on pourrait ajouter bien des exemples de l’autorité en tension qui unit les deux fils du tonnerre, rebaptisés Boanergès par le Christ lui-même : Jean est l’apôtre à qui fut donné de voir les événements de l’Apocalypse et Jacques fut le premier apôtre à expérimenter l’apocalypse terrestre du martyre par sa confrontation ouverte avec Hérode (Actes 12,1). Jean fut adopté par le Christ sur la croix comme son frère adoptif (Jean 19,26) tandis que Pierre fut désigné par le Christ comme le pasteur de ses brebis (Jean 21).
Si Pierre fut tenté d’adopter un langage diplomatique afin de ne froisser ni les Juifs ni les Grecs, Jacques adopta une position plus tranchée, mais aussi plus claire à l’égard des Hellènes. Tout ceci signifie que l’Église sera une à mesure qu’elle sera sainte et qu’elle sera catholique à mesure qu’elle sera apostolique.
L’Église n’est ni une monarchie ni une démocratie
C’est le troisième enseignement sur la volonté christique d’une gouvernance tri-vocationnelle dans l’Église. Le père Congar a remarqué que les deux seuls emplois du mot « Église » dans le Nouveau Testament (Matth 16,18 et 18,18) orientait vers deux modes bien différents de gouvernance : top-down (de haut en bas) pour l’épisode de Pierre recevant du Christ les clefs du Royaume, et bottom-up(de bas en haut) pour l’injonction de la correction fraternelle en cas de conflit, d’abord en cercle privé, puis en cas d’insuccès sur la parole de deux ou trois témoins, et enfin devant toute l’ekklesia. La juste gouvernance ecclésiale doit intégrer rois, prêtres et prophètes. La Jérusalem céleste ne pourra rencontrer la Jérusalem terrestre, selon Vladimir Soloviev (Court récit sur l’Antéchrist), que si le pape Pierre II, le pasteur Pauli et le starets Jean (personnages du récit fictif de Soloviev) se retrouvent dans l’amour et que si se produit la réconciliation entre juifs et chrétiens annoncée par l’Apocalypse.
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Il est faux de proclamer que le seul point bloquant est celui de la gouvernance. S'il est vrai que l'Orthodoxie ne peut reconnaître un vicariat du Christ, il existe de nombreux autres points de divergence insurmontables à date : Le mariage des prêtres, la structure liturgique, la reconnaissance des saints, les calendriers, les point théologique divergents.. Il faut également noter que la grande majorité des patriarcats n'est pas favorable à ce rapprochement. La voix du Patriarche Bartholomée est minoritaire et ce prélat, en dépit de ses prétentions, ne représente pas l'Orthodoxie. Il est à regretter que certaines voix qui se font l'écho du Patriarche de Constantinople laisse miroiter à nos Frère Catholiques des espoirs qui ne reflètent pas la réalité. Dans le lien de fraternité qui nous unie tous au Christ, seul un discours de vérité peut nous rapprocher
Cela n'a rien à voir avec la guerre de Trente ans (qui a durée 40 ans), commencée en 1608, avec la défenestration de Prague, et qui prit fin en 1648 avec le traité de Westphalie. Les relations entre Constantinople et Rome avaient pris fin en 1453, avec la prise de Constantinople par les Turcs qui sont la cause de l'éclatement des Eglises dites "orthodoxes", terminologie du XIXè siècle. Initialement, dans les premiers siècles du christianisme, avec la division de l'empire romain et lorsque Rome a abandonné l'usage du grec, il y avait deux Eglises: l'Eglise de langue latine et l'Eglise de langue grecque. Ces deux Eglises, bien que de langue différente, étaient toutes deux "catholiques", c'est à dire universelles, et orthodoxes car toutes deux avaient en communs les conciles fondateurs de l'Eglise du Christ.
Lorsque les Grecs se sont libérés des Turcs au XIXe siècle, ils voulurent avoir une Eglise nationale, autonome et autocéphale avec des Primats non pas désignés par le Patriarche oecuménique de Constantinople, otage des Turcs (l'actuel titulaire du Trône de Constantinople n'est-il pas encore l'otage des Turcs?) qui, sous leur menace pouvait rester prisonnière d'un pouvoir étranger. Après l'indépendance politique, les Grecs voulurent leur l'indépendance religieuse pour ne plus subir les chantages et menaces répétés des Turcs. Les autres nations chrétiennes, également asservies par les Turcs, feront comme les Grecs en créant des Eglises nationales et autocéphales, indépendantes du Patriarcaet de Constantinople qui, aujourd'hui, ne représente rien à part quelques Eglises de la diaspora.
On est très très loin de la guerre de Trente ans. Si les Turcs ont un peu joué dans la cour des grands, leurs asservis et leurs Eglises n'existaient pas, étaient coupés de leurs frères d'Occident. François Ier en traitant avec les Turcs n'avait-il pas nié, méprisé, rayé les droits des peuples chrétiens spoliés par les Turcs?
Je prends ce "don" comme LE seul moyen de rejoindre le statut de l'Être, de notre Père à tous. Du plus profond de mon "for-intérieur" que je me représente bien au-delà du fond de ma rétine (c'est une image) , la dépassant de très loin, je vois flottant dans un espace, un cube (3D) dont chaque face est d'une couleur différente. Il y a dans cet espace "indéfini" différents observateurs situés un peu partout dans ce volume à qui l'on demande de décrire le cube (sa forme & sa où ses couleurs). Après lecture des contre-rendus, un vif débat prend forme car chacun pense détenir la "Vérité" grâce à sa vision. C'est cela la vie, non?!..
Qui a raison , qui a tort?
Que peut-on en retirer?
Qui détient la "Vérité" pleine & entière?
Comment obtenir la vérité de cette vision?
La "Vérité" est un puzzle se réalisant dans quelle dimension, si cette notion veut encore dire quelque chose en ce domaine...!
On peut rendre plus complexe l’exercice en ne prenant plus un cube, mais un mobile constitué de cube de même dimension en incluant le fait de la perspective. Ces situations, hélas, correspondent aux "en-vies" du "Mal-in" afin que nous ne puissions pas effectuer cette magnifique union possible par la Foi dans l' Amour de Dieu pour employer des mots qui parlent à chacun d'entre-nous avec plus où moins de force spirituelle.
Je passe sous silence la perception de l'espace dans laquelle l'observation s'effectue. Une chose est sûr, notre esprit est formaté pour raisonné en 3D. Il n'y a que ça actuellement de sûr, car Dieu se voit obliger de passer par la Sainte Trinité.