La résurrection de la chair est un point clé et capital pour la foi chrétienne
Pour le moment, nous avons évoqué la situation de l’homme dans la vie éternelle - pour ce que l’on peut en connaître d’après la Bible et la foi catholique. Mais il y a aussi un point qui est totalement unique, c’est la résurrection de la chair dans la foi chrétienne. C’est-à-dire que, non seulement la dimension spirituelle qui est en nous vivra une communion - ou une absence de communion - avec Dieu et les autres pour l’éternité, mais même notre corps, notre chair se trouvera dans cette vie éternelle.
Le seul modèle et le seul accès que l’on a à cette réalité, c’est le corps de Jésus ressuscité
De même qu’on ne connaît la résurrection qu’à travers le Christ, le seul être humain qui soit ressuscité (il y a bien entendu aussi le cas de la sainte Vierge, mais les Évangiles ne nous disent rien sur son corps ressuscité), de même on ne connaît la résurrection de la chair à travers son corps ressuscité et les différentes apparitions et la manière dont les disciples ont pu toucher ou au moins voir où Jésus a mangé. On voit cela par exemple dans le récit de Luc 24, versets 29 à 42 où Jésus apparaît, puis il dit : « Regardez mes mains, regardez mes côtés, regardez mes plaies qui sont là. Donnez-moi à manger ». Et Jésus dit très clairement : « Je ne suis pas un fantôme ».
On ne sait pas grand-chose sur ce corps ressuscité
Que nous dit la Bible sur ce corps ressuscité pour nous ? Pratiquement le seul texte que l’on ait, à part ce que l’on voit chez Jésus, c’est 1 Corinthiens 15 à partir des versets 35 où Paul dit, d’une part, que poser la question de comment on sera est une question stupide, car on ne peut pas savoir. Mais il continue quand même après, il essaie d’expliquer.
Saint Paul dit quand même qu’il faut imaginer le rapport entre une semence et une plante
Nous sommes la semence actuellement et la plante est ce que notre corps sera dans la vie éternelle. C’est en fait une image qui ne dit pas grand-chose de très concret, sauf un point fondamental : entre la semence et la plante, entre la graine et la plante, il y a une identité de réalité d’individualité.
Il ne s’agit pas d’un autre être, c’est le même être, mais il est très différent
Quand saint Thomas d’Aquin commente ce texte de Paul, il dit essentiellement : « Il y a une identité de substance et une différence de disposition ». C’est-à-dire que c’est la même réalité dans un autre état. Il reprend quatre termes que Paul utilise dans 1 Corinthiens 15, 42 : « Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts : on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruptibilité ; on est semé dans l’ignominie, on ressuscite dans la gloire ; on est semé dans la faiblesse, on ressuscite dans la force ; on est semé corps psychique (ou « animal », cela dépend des traductions), on ressuscite corps spirituel ». Et Thomas d’Aquin essaie d’expliquer chacun de ces mots. « Incorruptible » veut dire que notre corps ne subira plus la mort et ne subira plus la souffrance ou la maladie. « Glorieux » veut dire que nous serons parfaitement beaux, parfaits. Il utilise le mot « claritas » en latin, la clarté : c’est-à-dire que l’on rayonnera de la gloire de Dieu. En fait, on sera transparent : Dieu pourra passer à travers... On aura un corps qui sera transparent à la présence de Dieu. La « force » est plus difficile à expliquer ; Thomas d’Aquin se reporte à la manière dont le corps de Jésus ressuscité peut faire beaucoup de choses que notre corps mortel ne peut pas faire : par exemple, traverser des portes, apparaître au milieu des disciples, être dans plusieurs lieux à la fois car il apparaît à plusieurs disciples à la fois... C’est cela, la force : on peut faire avec notre corps ce que l’on veut, il n’y a pas de limite. Le quatrième terme est « spirituel », un « corps spirituel » : là, c’est à mon avis le plus intéressant comme explication. En paraphrasant saint Thomas, il s’agit en gros d’un corps parfaitement uni à l’âme. C’est vrai que cela correspond à notre expérience : dans notre vie mortelle, on sait bien que nous sommes une unité « corps et âme », mais on voit aussi pas mal de tensions, entre notre corps et notre âme, entre nos désirs et notre volonté ; saint Thomas nous dit : « Ce qui se passe au Ciel, c’est que cette unité, qui n’est pas tout à fait réalisée sur Terre, est totalement réalisée : on est parfaitement un ». Il n’y a plus ces tensions. C’est cela, un corps spirituel : c’est un corps qui est parfaitement adapté, transformé et transfiguré par notre âme, par notre esprit.
On peut dire beaucoup de choses ... mais il faut aussi reconnaître que pour le moment, on tâtonne
Dans un sens, c’est plus facile de dire ce que n’est pas le corps ressuscité que de dire ce qu’il est. Je peux dire trois choses sur ce qu’il n’est pas – on est vraiment sûr de cela du point de vue de la foi catholique. Premièrement : il n’y a pas que l’âme qui est ressuscitée. Deuxièmement : il n’y a pas de réincarnation ou de métempsychose dans un autre corps. C’est vraiment notre corps. Et troisièmement : il faut éviter deux extrêmes concernant ce corps, le mien, celui qui ressuscite. Il faut éviter l’extrême de penser qu’il est une chair comme la nôtre. C’est là que c’est un peu délicat. On peut imaginer que la matière dans la vie éternelle est transformée, est transfigurée. Il ne s’agit pas d’une matière comme nous la connaissons. Est-ce une matière qui est purement énergie ? Je ne pense pas, mais je pense que ce serait une analogie, une bonne image, c’est-à-dire que la matière est transformée. Ce n’est donc pas une chair... ce n’est pas une viande ! Mais de l’autre côté, ce n’est pas un ectoplasme. Ce n’est pas simplement une sorte d’image, de projection mentale flottante : on est entre les deux. Et on ne sait pas ce qu’il y a exactement entre les deux.
Le plus important ce sont les trois enjeux de la résurrection de la chair et le premier concerne notre identité conservée
Premier enjeu : tout ce qui fait partie de notre identité est conservé. En fait, nous ressuscitons avec tout ce qui fait partie de notre identité. C’est probablement le critère. Du coup, on ne sait pas exactement ce que cela veut dire mais, au moins, ça c’est sûr. Par exemple, notre corps fait partie de notre identité. Et je pourrais faire un pas de plus – cela n’a jamais été défini par l’Église, mais les grands théologiens sont d’accord sur ce point : on ressuscitera homme quand on a été homme, et femme quand on a été femme, car être homme ou femme fait partie de notre identité. Dans le texte cité précédemment, « Dieu est le Dieu des vivants et non pas des morts », il y a un moment où Jésus dit : « On sera comme eux, comme des anges. On ne prendra ni mari ni femme ». Certains théologiens ont mal interprété ce texte en disant : « Si l’on est comme des anges, c’est que l’on n’a pas de sexualité, on n’a pas de sexe ». D’abord, on n’en sait rien, c’est-à-dire que l’on ne sait pas, à propos des anges, ce qu’il en est. C.S. Lewis, par exemple, est très clair sur le fait qu’il pense que toute la réalité est sexuée, les anges le sont donc aussi. C’est une hypothèse pour le moment, mais pour nous, ce que nous dit ce texte, c’est qu’on ne se mariera pas : on ne prend pas homme ou femme dans la vie éternelle. Cela ne dit pas que nous ne sommes pas hommes ou nous ne sommes pas femmes. Saint Thomas le dit très clairement, comme la plupart des grands théologiens : « On est homme quand on a été homme, ou femme quand on a été femme ». Par contre, après, on peut se poser plein de questions où il n’y a pas de réponses : sera-t-on noir quand on a été noir, ou blanc quand on a été blanc ? Aura-t-on des ongles ? Aura-t-on des cheveux ? Beaucoup de théologiens, surtout dans les temps antiques, qui se sont posé cette question ; et ce sont probablement des questions auxquelles il ne vaut mieux pas chercher une réponse pour le moment. Le plus important est de dire que l’on conserve tout ce qui fait partie de notre identité. Du coup, il y a une deuxième question à l’intérieur de cet enjeu.
Qu’en est-il, par exemple, si jamais je suis petit, moche et bête ? Est-ce que je ressuscite petit, moche et bête ?
Plus profondément, cela pose une vraie question : quand on est porteur d’un handicap physique ou mental, qu’en est-il ? Je pense que là, de nouveau, on est plutôt obligé de prendre une sorte de critère de réflexion plutôt que de donner une réponse toute faite : d’une part, il nous est assuré qu’ils seront dans le bonheur et que notre corps sera au maximum de sa perfection. Et d’autre part, il y a aussi des choses que l’on a vécues sur Terre, qui peuvent faire partie de notre identité. Par exemple, saint Augustin, je trouve, est assez intéressant sur ce point-là, en disant : « Toutes nos blessures disparaîtront au Ciel sauf les blessures des martyrs, car les martyrs ont vécu ces blessures en donnant leur vie pour le Christ et pour les autres ». Et je poursuivrai dans ces termes en disant qu’il n’est pas impossible que certaines des souffrances que nous avons portées sur Terre au nom du Christ, au nom de l’amour, nous aient marqués, et marqués suffisamment profondément pour que nous puissions continuer à les porter. Mais on les portera en étant réconcilié avec cela. Et je dirais que c’est la même chose pour le petit moche et bête : je pense que la définition de la beauté que nous avons sur Terre n’est pas forcément celle du Ciel. C’est-à-dire que la beauté n’est pas forcément selon les critères des top-modèles : on voit bien, sur Terre, que certaines vieilles femmes très ridées, marquées par l’âge, par les relations, par tout ce qu’elles ont porté, sont beaucoup plus rayonnantes que certaines top-modèles. Il n’est donc pas impossible que ce qui va se passer au Ciel... Ce n’est pas qu’on deviendra comme Brad Pitt ou Claudia Schiffer, ce n’est pas qu’on sera comme les derniers top-modèles, on ne sera pas forcément totalement transformé, mais peut-être très profondément réconcilié avec notre corps tel qu’il est. D’ailleurs, Jésus lui-même ressuscite avec ses blessures, en signe que ces blessures qu’il a vécues pour les autres peuvent être encore là.
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commentaire
posté
Merci pour toutes ces merveilleuses explications ! Presque chaque jour je dis "Merci Seigneur pour touts ces bonnes bêtes que Tu as créées & que Tu nous as données pour que nous les aimions et les protégions !" Mon cœur me dit que ces êtres qui nous ont témoigné tant d'affection, qui ont eu tant d'amour à nous donner, nous les reverrons... Dans les Near Death Experiences, les personnes témoignent qu'ils voyaient, alors qu'elles sont aveugles sur cette terre, une personne amputée avait à nouveau ses 2 jambes etc . Je crois fermement qu'à la résurrection notre corps spirituel aura retrouvé toutes ses facultés, ce qui n'empêche pas que les plaies du Christ endurées pour notre amour resplendissent pour toujours