Pourquoi est-il si difficile d'accepter la vérité ?
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1.
La mort de Socrate est un cas d'école : en manifestant l’ignorance de ses juges, qui passaient pour sages et savants aux yeux de tous et à leurs propres yeux, il a provoqué leur haine et c'est pourquoi ils en sont venus à vouloir le tuer.
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2.
Le dévoilement de nos limites, de nos mensonges ou de notre ignorance provoqué par la confrontation avec la vérité est forcément perturbant. Plus nous sommes loin de la vérité, plus cela risque de provoquer une perte de crédibilité ou de légitimité avec des conséquences sociales potentiellement importantes pour notre position, notre réputation ou nos acquis ; on peut avoir peur du risque d'une humiliation et c'est ainsi que la vérité peut en arriver à être perçue subjectivement comme un mal.
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3.
« Pourquoi la vérité engendre-t-elle la haine » ? se demandait saint Augustin. Il expliquait aussi que la vérité est un bien tellement précieux que quoi que les hommes aiment, ils veulent que ce soit la vérité. Cela ne signifie pas nécessairement qu’ils acceptent de se convertir à une vérité extérieure, à laquelle leur volonté devrait adhérer ou qu'ils acceptent d'être convaincus d'erreur. Mais tout ce que les hommes veulent, ils veulent le tenir pour vrai. Alors « ils aiment la lumière quand elle luit, mais ils la haïssent quand elle les confond ».
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4.
Les disciples de Socrate semblent pourtant témoigner d'une autre perspective, qui est celle de la conversion à la vérité, dans laquelle la reconnaissance de son ignorance n’induit pas la peur ou une blessure pour l’orgueil. Tout au contraire, elle est perçue comme un bienfait et une libération, le commencement d’un chemin de sagesse.
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5.
Subir l’épreuve de sa propre ignorance ou de ses propres manquements par la révélation de la vérité n’est pas facile humainement. L'épreuve est moins grande si on accepte de l'accueillir humblement, dans un contexte amical et bienveillant qui nous dispose à rechercher la sagesse et le bonheur.
Documents de référence
Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres.
(Jean 8, 32)
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Si les opposants à Socrate veulent sa mort c’est qu’ils sont déjà socialement installés dans et grâce à une vérité qu’eux mêmes professe, alors que les disciples de Socrate n’ont rien à défendre qui soit constitutif d’eux mêmes et de leur position sociale; Ainsi, ces disciples peuvent accepter la vérité que leur maître professe dès lors qu’ils la reconnaissent comme vérité. C’est pourquoi le Christ a choisi des apôtres dénués de ce poids social et anthropologique, et que les voyants modernes sont tous des gens simples. Il se peut que les opposants à Socrate se rendent compte de la vérité des propos du philosophe mais ne peuvent les accepter publiquement car cela les déconstruirait. Dans nos vies il y a des points de non-retour au delà desquels il est quasi impossible de lâcher notre « situation social » et tous les biens matériel attenants ou de nous déconstruire intellectuellement. Mais il y a des conversions qui sont des faits exceptionnels, presque surnaturels. Le Nouveau Testament nous montre plusieurs situations de personnes : par exemple Nicomède, un des notables pharisiens de l’entourage du grand Prêtre, vient - de nuit - consulter Jésus-Christ, et il l’appelle Rabbi. Mais il n’osera pas se mettre en travers du verdict du Grand Prêtre. On peut citer aussi Pilate qui dit à Jésus « qu’est-ce que la Vérité ? » avant de céder à la foule qui demande la crucifixion, sauvant ainsi sa position sociale. Le cas de Judas, qui a trahi son maître après avoir tout entendu de lui avec les 11 autres apôtres, est différent : il n’a pas compris Jésus et a basculé dans l’opinion qu’il était blasphémateur ou dément comme l’en accusaient les autorités. Les autorités ont quand à elles soit défendu leur statut social (Nicomède) soit été incapables de comprendre les écritures (Sadducéens) et, scandalisées, ont condamné Jésus. On s’aperçoit que tous, soit protègent leur petite vie, et leurs proches qui en vivent, soit sont convaincus de lutter contre le mal. Tous pensent faire bien. Nombreux sont ceux qui ne peuvent saisir la vérité par une opération de l’intellect, ne peuvent ressentir la « splendeur de la Vérité » (cf le livre de St Jean-Paul II) et ceux dont le système de pensée est figé sur ce qu’ils ont appris depuis l’enfance. L’Eglise a de tous temps reconnu l’irresponsabilité de ceux qui sont frappés par une « invincible ignorance ». C’est pour eux que Jésus parle en paraboles et fait des miracles probants. Saisir la vérité dans le domaine naturel des sciences (la représentation du réel matériel) nécessite une intelligence que tous n’ont pas (cette vérité n’est d’ailleurs qu’une approximation comme le montre la succession des théories physiques qui décrivent la réalité du monde). On a vu des scientifiques défendre jusqu’au bout (c’est à dire jusqu’à la victoire de leur opposant ou l’incohérence de leur théorie) leur théorie erronée, parce qu’ils étaient persuadé de « tenir le bon bout » de la vérité et qu’ils allaient passer à la postérité et montrer aux autre la supériorité de leur intelligence. Saisir la Vérité dans le domaine spirituel des réponses aux questions existentielles, ontologiques, sur la connaissance du bien et du mal, relève d’une autre capacité : L’acceptation de foi de la Vérité révélée et une puissance intellectuelle qui permette de reconnaître que cette Vérité est en accord avec les vérités naturelles (dont il faut déjà avoir une vue d’ensemble, ce qui n’est pas donné à tous) et qu’elle apporte non seulement une réponse aux questions existentielles, ontologiques et sur le mal, mais aussi une morale de vie, ce mot si détesté par ceux qui n’en acceptent pas les valeurs chrétiennes. Cela passe par l’action de l’Esprit saint qui fut annoncé aux apôtres par Jésus et que les Catholiques et les Orthodoxes reçoivent selon les 7 sacrements avec imposition des mains selon la continuité apostolique (toutefois, l’Esprit saint peut agir dans le monde selon d’autres moyens). Pour trouver les causes de la difficulté à accepter la Vérité, il convient de répertorier les divers types de vérités contestées, par exemple : - « Dieu existe » n’est pas prouvable en laboratoire ni d’ailleurs démontrable comme étant faux. Devant cette affirmation, l’Homme est (presque totalement) laissé à sa liberté ontologique. Son refus vient d’une souffrance, ou de l’incapacité de penser autre chose que la matière, ou du refus de tout ce qui en découle jusqu’à la morale du décalogue en passant par la religion (hélas, les religions). Il n’y a pas forcément d’orgueil mais en tout cas refus de Dieu. - « Jésus-Christ est consubstantiel à Dieu le Père ». Cette vérité n’est acceptée que si on comprend ce que veut dire substance et si on peut dépasser une pensée purement matérialiste. Ne pas comprendre Dieu selon les quelques petites choses - mais pourtant suffisantes pour nous - qu’on peut en dire empêche d’entrer dans la compréhension du Christ et de sa raison d’être. - Les lois dites « sociétales » qui sont votées dans la majorité des pays occidentaux contre l’idée qu’on se faisait de l’être humain il y a encore 50 ans, selon l’héritage chrétien, reposent sur 4 axiomes : 1°/ La volonté de l’individu adulte - qui a un statut juridique - supplante celle de l’être humain à naître - sans statut juridique - et 2°/ L’être humain « n’est qu’un » corps animal dont la dignité ne relève pas de Dieu mais des lois positives qui lui donne ou non tel statut juridique, et 3°/ La nature humaine est ce qu’on en fait et non une réalité inhérente à l’être créé, et 4°/ La suprématie des sentiments sur la Vérité. Or, les sentiments (tourments, désirs, pitié, etc.) sont une force qui empêche d’admettre autre chose que l’objet poursuivi. Tous ces types se ramènent à un refus de Dieu, refus auquel on peut facilement rattacher toutes les « vérités » de l’éthique moderne. On peut ne pas accepter la Vérité parce qu’on ne comprend pas et qu’on a accepté une opinion de remplacement qui nous convient, ou bien parce qu’on s’en est construite une personnelle, ou bien parce qu’on y est opposé, bien que la reconnaissant comme Vérité, c’est alors le mal absolu. La violence que mettent les tenants d’une vérité contre les tenants d’une autre est un sujet très important attenant au problème du refus de la Vérité. On le voit dans les violences physiques que subissent les chrétiens dans certains pays, mais aussi dans les violences judiciaires ou médiatiques contre les catholiques qui ne veulent pas cantonner la Vérité dans le lieu privé et clos des églises le dimanche matin … Les laïcistes veulent éradiquer non seulement les signes, valeurs et discours publics catholiques mais aussi la mémoire même du catholicisme, n’autorisant sur la place publique que les signes, discours, valeurs et mémoires d’un athéisme organisé en Eglise(s), possédant ses formes d’adulation, ses valeurs, sa dogmatique, ses sacrements d’initiations, ses rites et s’arrangeant sans problème avec les contre-valeurs humaines de la finance. Soutenue par les pouvoirs temporels, l’Eglise a longtemps pu s’opposer - parfois violemment - à ce qu’elle considère comme erreur, mais elle a finalement été contrainte à accepter de vivre au milieu des erreurs (auxquelles elle a participé) et de déclarer la liberté religieuse. Mais cette position ne lui a valu en retour aucun avantage pour pouvoir évangéliser le monde tant les tenants des autres « vérité » craignent d’être mis à nu par la Vérité.
genial,passionnant
Et l'orgueil engendre la colère....
très intéressant, cela demande un temps de réflexion...merci