Foi et raisons > Loi naturelle

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Ce que dit la Bible sur le thème : Loi naturelle

Ce qu’on peut connaître de Dieu est pour les hommes manifeste : Dieu en effet le leur a manifesté. Ce qu’il a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité.

Rm 1, 19-20

Saint Paul apporte ailleurs des nuances en parlant aussi d'un « obscurcissement » et de la nécessité du salut.

Mais pourquoi ne jugez-vous pas par vous-mêmes ce qui est juste ?

Lc 12, 57

En effet, quand des païens privés de la Loi accomplissent naturellement les prescriptions de la Loi, ces hommes, sans posséder de Loi, se tiennent à eux-mêmes lieu de Loi ; ils montrent la réalité de cette loi inscrite en leur cœur, à preuve le témoignage de leur conscience, ainsi que les jugements intérieurs de blâme ou d'éloge qu'ils portent les uns sur les autres... 

Rm 2, 14-15

La loi « écrite dans le cœur », et que les païens connaissent, c’est ce que l’on appellera ensuite la loi naturelle. Mais ce verset ne suffit pas à fonder à soi tout seul une juste doctrine de la loi naturelle.

Mais leur entendement s'est obscurci. Jusqu'à ce jour en effet, lorsqu'on lit l'Ancien Testament, ce même voile demeure. Il n'est point retiré; car c'est le Christ qui le fait disparaître.

2 Co 3, 14

Rm 2, 14-15 ne suffit pas : il faut, avec saint Paul, distinguer les différents états de la nature : la nature humaine telle que le Créateur l’avait formée, « très bonne » (Gn 1, 31), la nature déchue après le péché d’Adam (2 Co 3, 14 et Rm 5), la nature restaurée dans le Christ (Rm 6).
Déduire la loi directement de l’essence humaine conduirait en fait à toutes les dérives du positivisme moderne, l’autonomie complète de la conscience et la création des valeurs.

Quiconque, en effet, commet le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables,
mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, afin que soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu.

Jn 3, 20-21

Commencer à faire le bien (à partir de la loi naturelle) conduit à accueillir la Révélation.

Ce que dit l'Église sur le thème : Loi naturelle

Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre.

Vatican II, Gaudium et Spes 16

(Les êtres) participent en quelque façon de la loi éternelle par le fait qu'en recevant l'impression de cette loi en eux-mêmes, ils possèdent des inclinations qui les poussent aux actes et aux fins qui leur sont propres. Or, parmi tous les êtres, la créature raisonnable est soumise à la providence divine d'une manière plus excellente par le fait qu'elle participe elle-même de cette providence en pourvoyant à soi-même et aux autres. (...).
La lumière de notre raison naturelle, nous faisant discerner ce qui est bien et ce qui est mal, n'est rien d'autre qu'une impression en nous de la lumière divine(...). La loi naturelle n'est pas autre chose qu'une participation de la loi éternelle dans la créature raisonnable.

Saint Thomas d'Aquin, Somme de Théologie, Ia IIae, Q. 91, a. 2

De même que l’être est en tout premier lieu objet de connaissance proprement dite, de même le bien est la première notion saisie par la raison pratique qui est ordonnée à l’action. En effet, tout ce qui agit le fait en vue d’une fin qui a raison de bien.
C’est pourquoi le principe premier de la raison pratique est celui qui se fonde sur la raison de bien, et qui est : "Le bien est ce que tous les êtres désirent." C’est donc le premier précepte de la loi qu’il faut faire et rechercher le bien, et éviter le mal. C’est sur cet axiome que se fondent tous les autres préceptes de la loi naturelle. […]
Ce qui assure la conservation humaine et tout ce qui empêche le contraire, relèvent de la loi naturelle.
En second lieu... appartient à la loi naturelle ce que « la nature enseigne à tous les animaux », par exemple l’union du mâle et de la femelle, le soin des petits, etc.
En troisième lieu, on trouve dans l’homme un attrait vers le bien conforme à sa nature d’être raisonnable, qui lui est propre; ainsi a-t-il une inclination naturelle à connaître la vérité sur Dieu et à vivre en société. En ce sens, appartient à la loi naturelle tout ce qui relève de cet attrait propre: par exemple que l’homme évite l’ignorance, ou ne fasse pas de tort à son prochain avec lequel il doit vivre, et toutes les autres prescriptions qui visent ce but.
Appartiennent à la loi naturelle d’abord quelques principes plus généraux qui sont connus de tous; ensuite quelques préceptes secondaires, plus particuliers, qui sont comme des conclusions proches de ces principes... Quant aux préceptes secondaires, la loi naturelle peut être effacée du cœur des hommes, soit en raison de propagandes perverses, de la façon dont les erreurs se glissent dans les sciences spéculatives au sujet de conclusions nécessaires; soit comme conséquences de coutumes dépravées et d’habitus corrompus. C’est ainsi que certains individus ne considéraient pas le brigandage comme un péché, ni même les vices contre nature, comme le dit encore saint Paul (Rm 1,24).

Saint Thomas d'Aquin, Somme Théologique, Ia-IIae, Q. 94, a.2

Saint Thomas d'Aquin remarque que l’on agit toujours avec une « bonne » raison. C’est la base de la « loi naturelle », une notion qu’il a prise dans l’antiquité et qu’il a transmise à l’époque moderne. Saint Thomas d'Aquin nuance ensuite sa pensée en parlant des propagandes perverses qui obscurcissent la loi naturelle.

Même si, dans la réflexion théologique et morale, on a pris l’habitude de distinguer
- la Loi de Dieu positive et révélée de la loi naturelle,
- et, dans l’économie du salut, la loi « ancienne de la loi « nouvelle » ,
on ne peut oublier que ces distinctions utiles et d’autres encore se réfèrent toujours à la Loi dont l’auteur est le Dieu unique lui-même et dont le destinataire est l’homme.
Les différentes manières dont Dieu veille sur le monde et sur l’homme dans l’histoire non seulement ne s’excluent pas, mais, au contraire, se renforcent l’une l’autre et s’interpénètrent. Toutes proviennent du dessein éternel de sagesse et d’amour par lequel Dieu prédestine les hommes « à reproduire l’image de son Fils » Rm 8,29 et elles le manifestent. Ce dessein ne comporte aucune menace pour la liberté authentique de l’homme ; au contraire, l’accueil de ce dessein est l’unique voie pour affirmer la liberté.

Jean-Paul II, Veritatis Splendor 45

La loi naturelle, comme aussi les lois chrétiennes, ont Dieu pour auteur ; elles épanouissent notre liberté parce qu’elles correspondent à notre nature profonde.

1958 La loi naturelle est immuable (cf. GS 10) et permanente à travers les variations de l'histoire; elle subsiste sous le flux des idées et des mœurs et en soutient le progrès. Les règles qui l'expriment demeurent substantiellement valables. Même si on renie jusqu'à ses principes, on ne peut pas la détruire ni l'enlever du cœur de l'homme. Toujours elle ressurgit dans la vie des individus et des sociétés:  « Le vol est assurément puni par ta loi, Seigneur, et par la loi qui est écrite dans le cœur de l'homme et que l'iniquité elle-même n'efface pas ». (Saint Augustin, conf. 2,4,9).

1959 Œuvre très bonne du Créateur, la loi naturelle fournit les fondements solides sur lesquels l'homme peut construire l'édifice des règles morales qui guideront ses choix. Elle pose aussi la base morale indispensable pour l'édification de la communauté des hommes. Elle procure enfin la base nécessaire à la loi civile qui se rattache à elle, soit par une réflexion qui tire les conclusions de ses principes, soit par des additions de nature positive et juridique.

1960 Les préceptes de la loi naturelle ne sont pas perçus par tous d'une manière claire et immédiate. Dans la situation actuelle, la grâce et la révélation sont nécessaires à l'homme pécheur pour que les vérités religieuses et morales puissent être connues « de tous et sans difficulté, avec une ferme certitude et sans mélange d'erreur » (Pie XII, enc. « Humani generis » : DS 3876). La loi naturelle procure à la loi révélée et à la grâce une assise préparée par Dieu et accordée à l'œuvre de l'Esprit.

Catéchisme de l’Église catholique 1958-1960

Ces droits [les droits de l’homme] trouvent leur fondement dans la loi naturelle inscrite au cœur de l’homme et présente dans les diverses cultures et civilisations. Détacher les droits humains de ce contexte signifierait restreindre leur portée et céder à une conception relativiste, pour laquelle le sens et l’interprétation des droits pourraient varier et leur universalité pourrait être niée au nom des différentes conceptions culturelles, politiques, sociales et même religieuses. 

Benoît XVI, Discours du 18 avril 2008 devant l’Assemblée générale de l’ONU
Commission Théologique Internationale
  • La commission observe les religions et les cultures du monde entier et au cours des siècles. « L’idée d’une loi naturelle se justifie tout d’abord au plan de l’observation réfléchie des constantes anthropologiques qui caractérisent une humanisation réussie de la personne et une vie sociale harmonieuse » (§ 61).
  • La commission étudie les Pères de l’Eglise : « Chez les Pères, la loi naturelle est désormais comprise dans le cadre d’une histoire du salut qui amène à distinguer différents états de la nature (nature originelle, nature déchue, nature restaurée) dans lesquels la loi naturelle se réalise différemment » (§ 26). 
  • Autre nuance importante : l’idée de loi naturelle ne doit pas être utilisée de façon maximaliste, c’est-à-dire sous une forme rigide, abstraite, éloignée de « la complexité des données empiriques ».
La condamnation de Bajus (Baius) au XVI° siècle

L’erreur de Bajus (Baius) consiste à penser que les dons reçus par Adam deviennent sa propriété. L’homme selon Baius prétend ainsi se servir de Dieu pour développer et parfaire sa propre nature. L’idée de nature et de loi naturelle est faussée parce que le rapport à la grâce est faussé. Pour Baius, la grâce rend possible l’acte juste, mais du dehors, elle ne le soutient pas du dedans.

Citations sur le thème : Loi naturelle

Dans l’ancienne Égypte les hommes ne sont pas livrés à leur arbitraire. Ils dépendent bien d’autre chose ; cependant, ce n’est pas au sens où ils se régleraient sur des principes extérieurs à eux, mais en celui où ils sont inspirés de l’intérieur par une sagesse divine, la ma’at. Ce concept central de la pensée égyptienne peut être traduit aussi bien par justice que par vérité. La ma’at est le principe générateur de la législation, mais elle n’est jamais un droit codifié. Avec l’idée de ma’at, l’Égypte s’est approchée de l’idée de loi naturelle.

Rémi Brague, La Loi de Dieu. Gallimard, Paris 2005, p. 34-35

Créon : Et ainsi, tu as osé passer outre à mes lois ?
Antigone : Oui, car ce n’est pas Zeus qui les a proclamées
Ni la Justice qui habite avec les dieux d’en bas ;
Ni lui ni elle ne les ont établis chez les hommes.
Je ne pense pas que tes décrets soient assez forts
Pour que, toi, mortel, tu puisses passer outre
Aux lois non-écrites et immuables des dieux.
Elles n’existent d’aujourd’hui, ni d’hier mais de toujours ;
Personne ne sait quand elles sont apparues.
Je ne devais pas par crainte des volontés d’un homme
Risquer que les dieux me châtient.

Sophocle, Antigone, v. 449-460

La loi particulière est celle que chaque collection d’hommes détermine par rapport à ses membres et ces sortes de loi se divisent en : loi non écrite et loi écrite. La loi commune est celle qui existe conformément à la nature. En effet, il y a un juste et un injuste, communs de par la nature, que tout le monde reconnaît par une espèce de divination, lors même qu’il n’y a aucune communication, ni convention mutuelle. C’est ainsi que l’on voit l’Antigone de Sophocle déclarer qu’il est juste d’ensevelir Polynice, dont l’inhumation a été interdite, alléguant que cette inhumation est juste, comme étant conforme à la nature.

Aristote, Rhétorique, I, XIII, 2

S'il n'y avait pas en notre nature un sens inné pour apprécier la justice, jamais le Sauveur n'aurait dit : "Pourquoi ne jugez-vous pas par vous-mêmes ce qui est juste ? (Lc 12, 57).

Origène, Homélie 15 sur saint Luc § 1, 9

Il y a une loi vraie, droite raison, conforme à la nature, diffuse en tous, constante, éternelle, qui appelle à ce que nous devons faire en l’ordonnant, et qui détourne du mal qu’elle défend. (…) Il est d’institution divine qu’on ne peut pas proposer d’abroger cette loi, et il n’est pas permis d’y déroger. (…). 
Elle n’est pas autre à Rome ou à Athènes ; elle n’est pas autre aujourd’hui que demain ; mais loi une, et éternelle, et immuable, elle sera pour toutes nations et de tout temps ; elle sera comme Dieu, un et universel, maître et chef de toutes choses : Dieu qui est l’auteur de cette loi, qui l’a jugée, qui l’a portée ; qui ne lui obéira pas se fuira lui-même, et, n’ayant pas tenu compte de la nature de l’homme, il s’infligera par cela même les peines les plus grandes, même s’il échappe à ces autres choses que les hommes considèrent comme des châtiments.

Cicéron, La République, III, 22