En quoi la première expansion du christianisme fut-elle remarquable ?
-
1.
L’expansion du christianisme dans les quatre premiers siècles de notre ère a de quoi déconcerter l’historien, parce que ce phénomène religieux unique repose sur le succès de la prédication de douze apôtres démunis, qui n’avaient ni réputation, ni formation, ni moyens, et qui ont dû se confronter à l’opposition puissante des mondes juif, grec et romain.
-
2.
Plusieurs facteurs peuvent contribuer à expliquer cette expansion inattendue : le premier est que la diaspora juive était universellement répandue. Elle a été un terreau d’autant plus important que l’attente messianique était alors à son comble.
-
3.
L’ouverture aux païens a été un deuxième facteur essentiel : décidée par les apôtres lors de leur réunion de Jérusalem, vers l’an 50, elle sera décisive et permettra à saint Paul de développer une mission d’une ampleur et d’une portée considérable. Les apôtres, quant à eux, se disperseront aux quatre coins du monde et jusqu’à Rome même où le développement des chrétiens sera tellement rapide que Néron n’hésitera pas à en faire les boucs émissaires de l’incendie de la ville en l’an 64.
-
4.
De l’an 100 à 228, l’expansion du christianisme dans l’Empire romain entre dans une deuxième phase. La foi chrétienne s’enracine et progresse de manière souterraine en s’appuyant sur deux éléments remarquables : la formidable nouveauté anthropologique du christianisme d’abord, qui se manifeste dans ces communautés nouvelles dont les membres s’aiment, se soutiennent et se respectent, quel que soit leur niveau social, et aussi le courage et l’attachement à leur foi que les croyants manifestent jusqu’au martyre : « Ils ne craignent pas la mort ! » s’étonnait Marc Aurèle. Ces convictions fortes vécues au quotidien par les chrétiens et leur refus d’adorer l’Empereur les ont rendus rapidement suspects, mais cela a contribue aussi à remettre en cause les fondements mêmes de la société romaine et à leur ouvrir les cœurs des plus humbles.
-
5.
De 222 à 313, le christianisme fera des progrès incontestables, dans un contexte très changeant et très difficile sur le plan politique. Les chrétiens participent à la défense de l’État romain face aux barbares, mais les païens se posent de plus en plus de questions et l’Édit de Dèce en 250 provoque une forte persécution dans laquelle les chrétiens résistent et continuent à surprendre par leur courage face à la mort. En 260, Galien instaure une première paix durable : la « petite paix de l’Église ». Mais cette période de tranquillité éphémère se termine en 303-304 avec la terrible et systématique persécution de l’empereur Dioclétien, qui durera jusqu’en 311 et qui révèlera aux autorités stupéfaites que le christianisme s’est implanté partout, jusqu’à devenir majoritaire.
-
6.
Finalement, comme l’avait prophétisé Tertullien, « le sang des martyrs est semence de chrétiens » et, le 13 juin 313, Constantin proclamera définitivement par l’Édit de Nicomédie une liberté de culte qui ne sera plus jamais mise en cause. L’Église est pour la première fois reconnue comme un sujet de droit et le culte chrétien peut s’exercer en toute légalité. Puis, à la fin du IVe siècle, Théodose fera du christianisme la religion officielle de l’État romain, en prenant acte de ce développement caché, assez unique au monde, qui conduit à la conversion de l’ensemble de l’Empire romain.
Né en 1934, Michel Rouche est professeur émérite d’histoire médiévale à la Sorbonne, spécialiste du Haut Moyen Âge et de l'Antiquité. Il a également animé l'Institut de la Famille, qui relève de l'École Cathédrale du diocèse de Paris.
- Attila, La violence nomade
- Les origines du christianisme : 30-451
- Petite histoire du couple et de la sexualité
- Histoire du Moyen Âge VIIe - Milieu du Xe siècle
- Les racines de l'Europe. Les sociétés du Haut Moyen Âge
- Histoire de la papauté. 2000 ans de missions et de tribulations
- Le Moyen Âge en Occident. Des barbares à la Renaissance
- Le choc des cultures. Romanité, germanité, chrétienté durant le haut Moyen Âge
- Charlemagne. Rome chez les Francs
- L'Europe au Moyen Âge, Documents expliqués
modérateur du thème :
Maud Thiriet
5
commentaires
postés
Merci pour cette belle page de mémoire. "Le sang des martyrs était semence de chrétiens" si aujourd'hui l'on persécute encore nos frères chrétiens en Orient, qu'y a-t-il de pire entre le fait de martyriser les chrétiens d'un côté, et de les endormir de l'autre? Aujourd'hui la déchristianisation générale orchestrée par les "Frères Lumières" (aux trois points) ne consiste-t-elle pas justement à ne plus faire de martyres, au moins en Europe, mais d'éradiquer les chrétiens en les endormant petit à petit, en effaçant habilement de tous les programmes scolaires l'enseignement de nos origines chrétiennes, en réduisant d'autre part les heures d'enseignement de la philosophie. C'est tellement dangereux d'apprendre aux autres à penser! Heureusement que nous chrétiens, sommes certains que le maitre de notre histoire saura déjouer toutes ces embûches.
Merci pour l'apport de ces connaissances, de redire nos origines, Merci pour votre investissement dans le bien du Christianisme.
De l'accueil de cette mémoire Historique, dépendra notre capacité à aimer notre terre,à se sentir proche de ceux qui l’ont foulée, de ceux qui l’ont forgée, par leur labeur, par leur Foi, par leur sang.
Enfin, à redevenir acteurs du règne social du Christ dans notre Pays.
A noter que la Christianisation de la Gaule fût également facilitée par le peu d'attrait qu'avait les divinités Romaines aux yeux des Celtes. Ces derniers avaient une spiritualité plus profonde, plus mystique.
"Selon vous, la mort régit, dans un autre monde, d'autres membres. La mort, si ce qu'enseignent vos hymnes est certain, n'est qu'un milieu d'une longue vie" Lucain - poètes latin du 1er siècle - à propos des druides
- La vénération de Dieux censés apporter luxe et confort terrestres ne pouvait combler ce désir de l'âme.
- la décadence déjà bien amorcée de l'autorité des druides (observée par Cesar, dans la guerre des Gaules), qui avait recours à des pratiques sacrificielles en totale opposition avec leur croyance originelle en l'immortalité de l'âme, a fini par créer ce que Pierre Lance a appelé une "rupture d'éthique." Un beau terreau pour une terre de mission !
car j'ai trouvé dans votre explication, des solutions possibles pour notre société actuelle,
et de bonnes leçons de vies. Puissions-nous nous inspirer de nos racines communes pour ne pas gaspiller d'autres vies inutilement.. faute de ne pas en tirer leçon (en revenant en arrière).
Communion de prières et partage de valeurs.
Il serait appréciable d 'avoir l'analyse de Mr Michel Rouche sur la situation
actuelle en France .