Vais-je être capable de vivre tout ce que j’ai discerné ?
Il ne s’agit pas pas de compréhension intellectuelle. La jeunesse d’aujourd’hui a de vrais désirs, de vrais idéaux, de vraies valeurs, mais elle a une blessure dans la capacité à les mettre en œuvre. Cela rejoint saint Paul qui disait : « Le bien que je veux faire, je ne le fais pas. » (Romains 7,19). Je sais le bien, et pourtant je peux avoir du mal à le mettre en œuvre. La maturation des fiançailles permet de scruter et de fortifier la capacité à mettre en œuvre, à mettre en route. Allons-nous y arriver ?
Pour cela, la chasteté des fiancés est une des questions importantes, car c’est un chemin de maîtrise de soi. Dans le don de soi à l’autre qui va être progressif, il y a toutes les dimensions de notre être : l’affectivité, l’intelligence, la liberté, etc., et aussi le corps jusque dans la sexualité.
Le concubinage est souvent un non choix
Dans le concubinage, on s'installe ensemble sans qu’il ait eu de maturation de projet, du désir et de la capacité de se donner à l’autre. Bien souvent cela se réduit à une sorte de colocation avec la sexualité en plus. Est-ce que cela fait une vie de couple ? J’en doute sérieusement. Comme il n’y a pas eu de phase de discernement et de maturation, il y a le risque d’un certain nombre de non-dits au sein du couple et donc de beaucoup d’illusions. Ce n’est pas un « plus » de liberté, mais plutôt une perte de liberté, car on ne parle pas des vrais sujets, on ne va pas au fond des choses. Et s’il y a mariage après cinq ans de concubinage par exemple, on voit souvent très vite après le mariage apparaître pas mal de désillusions : des sujets que l’on croyait maîtrisés et qui ne le sont pas.
Les relations sexuelles avant le mariage posent aussi de grands problèmes
D’une part en termes de liberté : quand il y a eu le don de soi à travers le corps alors que parole n’a pas été donnée, comment ensuite être libre de poser une parole qui m’engage alors que j’ai déjà dit « oui » par mon corps ? Comment être encore libre alors que j’ai déjà tout montré de moi, y compris ma nudité, et alors que par la parole je ne suis pas sûr de m’engager ? C’est contradictoire : le langage des corps est un véritable langage de l’amour : on dit avec son corps ce que l’on ne dit pas avec sa bouche et son cœur. C’est donc l’envoi de signaux contradictoires qui troublent le langage et surtout la relation !
Il y a aussi le risque d’avoir un enfant prématurément et non désiré. La contraception ne marche pas toujours : c’est ce que je constate très souvent ! Et ajouter à cela le manque d’attention. Or le « oui » du corps avant toute parole sera encore plus contraignant quand un enfant est là pour toujours.
Enfin, s’être donné complètement à d’autres avant de se donner à son conjoint est quelque chose qui blesse l’amour inconditionnel que l’on veut lui porter, sans parler des difficultés psycho-sexuelles que cela peut engendrer.
L’apprentissage de la relation dans le couple se fera aussi de manière progressive
Parfois, on entend l’argument qu’il est bien d’être sûr d’être « sexuellement compatible ». Mais les « sexologues » affirment que la maturité sexuelle se trouve vers quarante ans ! Il ne s’agit pas seulement de technique ni de compatibilité de corps, à laquelle je ne crois pas vraiment (sauf pathologie existante). Il y a aussi une vraie volonté de s’engager à travers le corps et à travers l’affectivité. Tout cela s’éduque. On n’est pas soumis aux pulsions de notre corps. Et justement, essayer de rester chaste pendant les fiançailles permet cette éducation du corps comme le permettent aussi les méthodes naturelles, comme une respiration naturelle au sein du couple. Il faut que le couple accepte cette respiration de sa sexualité et de sa fécondité, en vivant au rythme du cycle du couple : ce n’est plus seulement le cycle de la femme qui s’impose à l’homme, mais cela devient une respiration cyclique du couple lui-même, dans une union, une unité, plus grande sur cette question. La respiration des corps permet un apprentissage de la gratuité de la tendresse. Dans certaines périodes, on vit la tendresse sans visée sexuelle et cela permet de ne pas vivre sa sexualité de manière bestiale, mais de façon humaine, c'est-à-dire qui, là aussi, implique toutes les dimensions de notre être.
Il est indispensable de prendre le temps de se parler vraiment
Dans le mariage, toutes les dimensions de notre être sont données à l’autre que l’on va accueillir, à l’autre qui se donne à moi. Ce chemin de maturation de ma capacité à me donner doit être interrogé au regard de ce que l’on vit aujourd’hui de manière plus ou moins belle. Les jeunes communiquent beaucoup, avec la technologie notamment. Mais cela veut-il dire que le couple se parle ? Ce sont deux choses différentes : on communique beaucoup sans se parler vraiment.
Qu’en est-il aussi de ce que j’ai vécu dans le passé ? Aujourd’hui, il y a de plus en plus souvent des choses lourdes dans le passé de chacun. En général, le fiancé ou la fiancée n'est pas le premier amour. On peut en parler aussi, si cela s’avère important. Est-ce que le poids du passé parfois lourd est suffisamment intégré pour que chacun soit libre ? Ce que j’ai vécu dans le passé au plan des sentiments ou de la sexualité, quel poids cela a-t-il ? Il ne faut pas craindre de scruter de manière sérieuse des choses qui se sont passées.
Il y a aussi des dépendances graves aujourd’hui, comme la dépendance à la pornographie : c’est un vrai fléau, qui blesse la relation, la capacité de se donner à l’autre, et dont beaucoup sont aujourd’hui prisonniers. La dépendance à l’alcool et aux drogues, même aux drogues dites « douces » est aussi une vraie question. Est-ce que faire la fête, c’est rentrer ivre ? Je pourrai éventuellement l’accepter pour un temps au sein de mon couple ; mais est-ce que je l’accepterai pour le père ou la mère de mes enfants ? Est-ce cet exemple que je veux pour mes enfants ? Ce n’est pas parce qu’il ou elle deviendra parent que cela va cesser du jour au lendemain.
Il y a aujourd’hui de grandes blessures de la capacité : on n’arrive pas à résister à certains usages, à des modes, des tentations, même on si sait que ce n’est pas bon.
Les fiançailles ne corrigent pas tous les problèmes, mais elles permettent de « bâtir sur le roc »
Attention : les fiançailles ne prétendent pas corriger tous les problèmes, mais permettent de faire un tour minimum de ces questions essentielles pour qu’il y ait une prise de conscience commune. Pour que le « oui » soit un vrai « oui » : un « oui » aux belles choses qu’il y a dans l’autre mais aussi un « oui » malgré ce que je sais qu’il y a de moins beau. Pour que le « oui » soit aussi incarné et réel que possible : un « oui » mûri.
Il y aura inévitablement des tempêtes dans la vie de couple, mais l’Évangile invite à réfléchir à la grande question : « Est-ce que le couple est bâti sur le roc ou sur le sable ? » (cf. Matthieu 7,24).
C’est tout l’enjeu du temps des fiançailles.
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commentaires
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bjr et merci pour tout ces détailles concernant les fiancailles
C'est très bien de rappeler tout cela aux jeunes gens (qui d'ailleurs ne sont plus aussi jeunes qu'avant, tout au moins pour ceux qui font des études) tout ec qui est dit est parfaitement vrai et utile. On pourrait ajouter que la mode post-68 qui fut "de s'essayer à la vie commune" afin de vérifier si on est vraiment fait l'un pour l'autre, voire fait pour le mariage, fut un paradigme destructeur de la vie de couple marié, preuve en est l'explosion des divorces que cette pratique prétendait réduire ... / A s'essayer de-ci de-là on s'habitue à l'infidélité. / Il y a effectivement un moyen de "s'évaluer" mutuellement sans coucher ou partager la même brosse à dents: ce sont les fiançailles. / Dans les sociétés dites arriérées, les parents, qui connaissaient 100 fois mieux leurs enfants que les enfants ne pouvaient se connaître en quelques mois de fréquentation, "arrangeaient un mariage" et elles étaient nettement plus évoluées que la notre celles qui permettaient à la jeune fille de refuser un prétendant pour qui elle en ressentait pas d'attrait. Ceci supprimait toutes les incompatibilités inter-familiales et les incompatibilités d'humeurs entre les jeunes gens. Les jeunes étaient prévenus par les parents des spécificités des deux genres, ce qui évitait les attentes irréalistes et les incompréhensions basiques (avant les livres sur l'information sexuelle des jeunes il y avait des livres faits pour le jeune homme et pour la jeune fille (où on n'expliquait pas comment mettre un préservatif ou obtenir un pilule abortive) / Je lisais il y a quelques mois un journal qui donnait les cas de violences faites aux femmes : si on considère les cas des "anciens compagnons" éconduits (y compris pères d'un enfant donné en garde à la mère), les cas de drogue dans le couple et l'alcoolisme à pas cher, les couples en "union libre" (presque un oxymore : union / liberté de désunion), les situations de chômage longue durée avec absence de qualification (les études absentes ou ratées), on tombe presque à zéro : la société moderne, par le libertinage et l'exploitation de la main d'oeuvre produit, produit la violence qu'elle feint de dénoncer dans les media. J'ajouterais, au risque d'être censuré, que si l'on ne formatait pas les esprits à une opposition des sexes présentée comme un accomplissement de la personnalité, on pourrait presque arriver à zéro violence conjugale. Il y a comme des meta-fiançailles qu'il faudrait instituer entre les deux genres et dès la puberté par toutes les voies de l'éducation. / La "préparation au mariage" (catholique) est un pis aller qui a le mérite d'exister mais qui est très en dessous du nécessaire. /
Bonjour, Merci pour cet article, Est-ce que ce temps est aussi important quand on connaît la personne depuis près de deux ans et qu'on a eu le temps de déjà discerner? Merci pour votre retour, Bien cordialement,