L’anthropologie biblique, qui a historiquement fondé la liberté et l’égalité en dignité des personnes, est biffée par le mythe du corps androgyne et malléable. Dieu créateur a voulu que l’union des sexes soit à la base de l’amour échangé entre l’homme et la femme qui lui-même est à l'image de l’alliance entre le Christ et l'Eglise. Ce plan de Dieu sur la sexualité reste présent dans le cœur de l’homme, malgré le péché originel. La véritable éducation affective et sexuelle qui est du ressort en premier lieu des parents se base sur cette lumineuse théologie du corps.
Dans aucune civilisation, on ne voit des dieux qui créent des individus tous semblables
Dans les cosmogonies indienne ou chinoise, les dieux créent des différenciations par classes sociales (lesquelles ont tendance à devenir ipso facto intangibles comme les castes indiennes), alors que la cosmogonie judéo-chrétienne inspirée par la Genèse nous indique que la vraie différenciation est sexuelle. Que nous soyons créés non pas « laboureur et guerrier », mais « homme et femme », cela traduit l’importance et l’épaisseur d’un lien originel.
Notre anthropologie biblique ne conçoit pas l’identité humaine en dehors d’une ouverture à l’altérité la plus radicale, notamment l’altérité sexuelle
On en donne ici brièvement une illustration à partir du récit biblique :
- En Genèse 1, il est écrit « Dieu créa l’homme (en hébreu, adam) à son image ; à l’image de Dieu, il le créa ; mâle et femelle, il les créa » ; l’affirmation loin de postuler une androgynie primitive dont la séparation sexuelle serait le châtiment, pose une différence sexuée originelle, constitutive comme telle de la dignité de chacun d’eux.
- Et au chapitre 2, Dieu, est-il écrit, crée toutes les espèces d’êtres vivants, il les amène à l’homme pour que celui-ci les nomme : le premier homme, ce faisant, domine tout être vivant mais ne trouve « aucune aide qui lui soit assortie ». Alors il façonne la femme en plongeant l’homme dans l’inconscience et celui-ci peut s’écrier : « Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair ; celle-ci, on l’appellera femme (isha) car c’est de l’homme (ish) qu’elle a été prise ». Autrement dit, la première parole que nous entendions de l’homme concerne la femme. Davantage : l’homme qualifie la femme sans pouvoir la nommer comme distincte de lui ; c’est précisément celle qui lui échappe qui pourra lui être assortie, à tel point que c’est en articulant le nom de la femme (isha) que l’homme, pour la première fois, fait entendre son nom propre (ish) ! La racine commune des deux termes en hébreu exprime parfaitement cette communion dans la distance.
- Puis il est dit que l’homme « quittera son père et sa mère et il s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair ». Avec l’idée de cette « seule chair » se profile la personnalité de l’enfant, être nouveau et singulier qui résultera de l’union des deux altérités premières.
De l’union des sexes naît un nouvel enfant de Dieu présentant des caractéristiques singulières, différent de ceux qui l’ont précédé et radicalement irréductible à la projection des désirs de ses parents.
Gommer la différence des sexes revient donc à nier l’altérité fondatrice et ainsi à méconnaître la singularité de chacun
Loin d’être appelés à l’autosuffisance, l’homme et la femme s’accomplissent dans le lien qui les attache. La distinction des sexes n’est pas cette fatalité qui nous contraindrait à avoir besoin de l’autre, celui dont notre corps porte l’empreinte, mais ce qui nous ordonne à l’amour, au don de soi. Ce qui est essentiel dans l’union des sexes c’est l’amour échangé : l’alliance entre l’homme et la femme renvoie à l’alliance entre Dieu et son peuple. Ce point, constitutif de la foi judéo-chrétienne est enrichi dans l'enseignement de saint Paul : l’union de l’homme et de la femme est à l’image de l’amour entre le Christ et l’Eglise ; elle se caractérise par le don de soi qui peut aller jusqu'à donner sa vie (cf. Ephésiens 5, 25).
Toute la tradition chrétienne enseigne que l’altérité sexuelle est « image de Dieu » parce qu’elle signifie l’amour
Mais elle définit aussi bien le célibat consacré comme signe anticipé de cet accomplissement de l’amour qui donne tout son sens à la fécondité : « Le mariage et la virginité sont les deux manières d’exprimer et de vivre l’unique mystère de l’alliance de Dieu avec son peuple » (saint Jean-Paul II, Familiaris Consortio). Le célibat consacré n’est donc pas de l’ordre de l’exemplarité ou du modèle, il est de l’ordre du signe, il atteste et annonce. C’est un signe de la vie dans le Royaume et de la condition que l’homme aura en partage après la résurrection.
La sexualité, qui nous fait à l’image de Dieu, Amour incréé, est pour les chrétiens à la fois relativisée et portée à sa vérité
L'expression « procréation » sonne tout à fait juste pour illustrer cette signification de la sexualité, elle vaut infiniment mieux que « reproduction » (et a fortiori que le vulgaire « faire un enfant »). La vie humaine se donne ou se transmet, elle ne reproduit pas. C’est en se donnant qu’on se réalise, non en voulant être indépendant ou en dessinant sa propre image.
La vision chrétienne de la sexualité doit être à la base de l'éducation affective et sexuelle
Celle-ci - avant d'être défigurée par l'actuelle « éducation à la sexualité » - s’est d’abord développée dans les milieux catholiques. Ainsi, dès 1970 Paul VI, dans son discours aux Équipes Notre-Dame, rappelait que le mariage, outre sa dimension procréative avait une dimension unitive. Puis, sous l’impulsion de prêtres visionnaires ont été mises en place des formations pour les adultes souhaitant s’engager dans ce domaine : il s'agit de faire comprendre aux adolescents que la sexualité est voulue par Dieu créateur, que l’union sexuelle est belle et qu’elle ouvre sur la transcendance, le don de soi et la manifestation de la toute-puissance divine qu'est la procréation.
De nombreux éducateurs chrétiens poursuivent cette voie enrichie par la lumineuse doctrine de la théologie du corps de Jean-Paul II (voir la Question de fond « Qu'a dit saint Jean-Paul II sur la sexualité ? »). Le saint pape y rappelle que l’homme est créé avec un corps sexué et un esprit, que l’acte sexuel des époux peut avoir une dimension spirituelle et que, malgré le péché originel, le plan de Dieu sur la sexualité reste présent dans le cœur de l’homme à la manière d’un écho lointain.
Le texte ci-dessus s'inspire beaucoup de la première partie de la note « Homme-femme, condition sexuée » publiée par l'Académie Catholique de France en novembre 2014 (et disponible sur le site //academiecatholiquedefrance.fr). On pourra utilement s'y reporter pour de plus amples détails.
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"Pour lire la Création dans l'évolution"( C.Montenat, L.Plateaux et P.Roux) est le titre d'un livre paru en 1984, il y a déjà longtemps mais qui n'a pas vraiment pris beaucoup de rides.. La sexualisation progressive apparaît peut être un milliard d'années après la formation de la Terre. Elle se présente comme un moyen d'échapper à la reproduction asexuée : un probionte, une bactérie donne naissance à un individu équivalent par scissiparité. Echapper dans ce cas c'est permettre la différence, c'est permettre l'évolution. La combinaison et l'union des matériaux génétiques et protéiques de deux êtres différents va être l'origine de l'explosion de la diversité. Aurait on un tel besoin de conformisme qu'on refuse nos différences et surtout notre complémentarité?