La Bible peut être lue, aussi, comme une histoire de la communication, avec en outre tout un enseignement sur la communication
Tout commence dès la Genèse, car l’homme est le fruit d’une communication parfaite. « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance » (Genèse 1,26), c’est un projet qui se met en place. Il témoigne d’un accord et d’une communion. Il y a une communication avant cette création : « Faisons ». C’est un futur, c’est donc une communion qui s’exprime pour la création de l’être humain. L’être humain a été créé à l’image de cette communication et de cette communion exemplaires en Dieu, pour les chrétiens des trois personnes de la Trinité. L’homme les porte en lui, dans son cœur.
Remarquons aussi que l’homme a aussi été créé par un face à face. Le texte biblique de la Genèse nous dit : « Il insuffla dans ses narines le souffle de vie » (Genèse 2,7). Il y a eu un face à face qui a été créateur pour l’homme. C’est ce qui lui a donné la vie. Quant à l’univers, il a été créé par la parole : « Dieu dit… ». Donc, là aussi, par une communication. Le face à face est la meilleure communication. Pour Philippe Breton, spécialiste de la communication, c’est la « communication première » (dans son ouvrage Éloge de la parole, La Découverte, 2003).
Mais la Genèse relate aussi une rupture de la communication, conséquence d’un mensonge
La rupture vient de cette parole mensongère dite par le Tentateur, qui a été crue et qui a entraîné une interruption de la relation, car la première chose que Dieu dit à l’homme dans la Bible après cette faute est : « Où es-tu ? » (Genèse 3, 9), c’est-à-dire : « Je ne te vois plus. Je ne suis plus en relation, en communication avec toi ». Il s’ensuit une série de conflits et de divisions : conflits entre l’être humain et Dieu ; conflits entre l’être humain et la création (« Le sol sera maudit à cause de toi », Genèse 3,17), conflits meurtriers entre les êtres humains : Abel et Caïn (Genèse 4). Conflit aussi entre l’homme et sa vie, puisqu’il travaillera à la sueur de son front : « C’est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain » (Genèse 3,19) : les choses deviennent difficiles et pénibles.
On constate que plus il y a éloignement de Dieu et de l’espace de communication parfaite dans lequel l’homme vivait, plus il y a multiplication des divisions. C’est d’ailleurs là l’étymologie grecque du mot diable, « celui qui divise » – et les conflits s’accentuent dans l’histoire de la Bible.
La recherche d’une restauration de la communication entre l’homme et Dieu
Puis, toujours dans la Bible, aussi bien pour l’homme vis-à-vis de Dieu que pour Dieu vis-à-vis de l’homme, on observe la recherche d’une restauration de la communication. Du côté de l’homme, ce désir révèle de nombreux obstacles parmi lesquels l’orgueil, le mensonge, la tromperie, la duplicité, le cœur double (on dit une chose, mais on en exprime une autre dans le cœur). Ce sont des obstacles à une véritable relation et à une véritable communication avec Dieu. Celle-ci se fait malgré tout par le biais de quelques personnages : Moïse par exemple, qui devient l’intermédiaire entre la communauté des humains et Dieu. Mais elle est extrêmement difficile et ponctuelle. Dieu régulièrement relance l’homme en souhaitant son retour. De l’autre côté, certains hommes crient vers Dieu, essaient de rétablir de façon désespérée la communication et les psaumes en sont un magnifique témoignage : ce cri puissant et déchirant des hommes vers Dieu, ce jaillissement des entrailles pour rétablir la communication. Cela traverse tous les psaumes qui sont portés par l’espoir du rétablissement d’une relation véritable et constante avec le Créateur.
Quant à Dieu, il fait dire par la bouche d’Osée (2,16) : « Je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur ». Parfois, l’être humain tourne le dos à Dieu et d’autres fois il le cherche désespérément.
Cette restauration de la communication ouvre aux êtres humains la possibilité d’accomplir en plénitude par le Christ le projet de Dieu pour eux, manifesté lors de la Création : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance » (Genèse 1, 26). En effet, parvenus à « l’unité parfaite » (Jean 17, 23) – que l’on peut aussi comprendre comme étant la communion parfaite en Christ – ils sont un en Dieu (Jean 17, 21), et cela pour l’éternité.
Saint Jean a écrit un traité de la communication
L’évangile de saint Jean nous dit que le Verbe, créateur du monde, s’est fait chair. On peut aller jusqu’à dire, de manière certes très réductrice, que la communication par excellence s’est incarnée avec le Christ, que la communication à son plus haut niveau a pris chair avec lui. D’ailleurs, un très beau passage biblique de la communication se trouve au tout début de la Première lettre de saint Jean. On peut même dire que le premier chapitre est un traité de la communication. Celle-ci est très enracinée et très charnelle : « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. Oui, la vie s’est manifestée, nous l’avons vue, et nous rendons témoignage : nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du père et qui s’est manifestée à nous. Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Or nous sommes, nous aussi, en communion avec le Père et avec son Fils, Jésus -Christ. Et nous écrivons cela, afin que notre joie soit parfaite » (1 Jean 1,1s).
Les cinq sens
Jean parle des différents sens et des différentes perceptions : « Ce que nous avons vu et entendu ». Il y a dans la Bible la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat (« la bonne odeur du Christ » : 2 Corinthiens 2,15) par exemple. La communication touche tous les modes de perception. Quelques exemples. Pour le goût : « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur » (Psaume 33,9). Pour le toucher : « Celui que nous avons touché de nos mains » (1 Jean 1,1). Pour l’odorat : « Délice, l’odeur de tes parfums ; ton nom, un parfum qui s’épanche », « Le bien aimé est un parfum raffiné » (Cantique des cantiques 1,3). Pour la vue et l’ouïe : « Vous avez des yeux et vous ne voyez pas, vous avez des oreilles et vous n’entendez pas ! » (Marc 8,18). Tous ces types de perception entrent dans la communication. Donc, au début de la Première épître de saint Jean, avec la vue, l’ouïe et le toucher nous avons trois sens, trois modes de perception du Christ qui sont mis en avant.
Le thème du visage est lié à la révélation de l’autre et à la relation
C’est aussi dans la tradition biblique et chrétienne : le thème du visage, lié à la révélation de l’autre et à la relation, est omniprésent du début à la fin de la Bible. « Fais-moi voir ton visage », dit le Cantique des cantiques (2, 14). L’Apocalypse (22,4) nous dit, en écho à cette quête : « Ils verront son visage ». Cela signifie que la relation et la communication parfaites seront alors restaurées en plénitude.
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Bonjour, Votre analyse est tout simplement lumineuse, elle relie tout simplement la communication au message biblique et évangélique. Quand Jésus dit à Pilate "Je suis venu en témoignage de la vérité" (Jn, 18:37), il oppose clairement la vérité au mensonge qui est l'oeuvre du serpent. Nous avons là son testament philosophique, et la réponse de Pilate : "Qu'est-ce que la vérité" nous met depuis 2.000 ans en face de nos choix de vie : la vérité qui vient de Dieu ou le mensonge qui vient du diable. En termes de communication et de résumé de sa pensée, c'est tout simplement génial, sa pensée étant concentrée en quelques mots qui sont l'épilogue du message évangélique. Quant à nous, il est aisé de comprendre que la communication telle que la conçoit le monde est une vaste tromperie, derrière laquelle on retrouve Satan, C.Q.F.D.